Vécu psychique de la grossesse :
De l’indifférenciation à la différenciation de la femme avec son fœtus dans le processus dynamique et évolutif de la gestation
Sommaire
1.2. Devenir parent : les 3 axes pendant la grossesse. 7
1.2.1. Modèle développemental 7
1.2.2. Modèle du narcissisme. 9
1.2.3. Modèle de la relation d’objet 10
1.3. De l’indifférenciation à la différenciation. 11
1.3.1. Le statut psychique du fœtus. 12
1.3.2. La nidification psychique de l’être conçu. 16
1.3.3. La transition vers la maternalité. 17
1.4. Les phases de la grossesse. 18
1.4.1. Les différents stades de la grossesse. 19
1.4.2. Le premier trimestre. 22
1.4.3. Le deuxième trimestre. 24
1.4.4. Le troisième trimestre. 26
1.5. La relation d’objet virtuel (ROV) 27
2. Problématique, objectif et hypothèses. 29
3.1. Outil de recherche : l’entretien semi-directif 33
3.2. Echantillon, lieux et méthode de recrutement 34
3.3. Analyse méthodologique. 38
4.1. Analyse des entretiens 39
5.1. Discussion de la méthodologie. 44
5.2. Discussion de résultats 45
Introduction
Parmi les différentes étapes psychophysiologiques de la vie d’une femme, la grossesse occupe une position unique. Elle correspond à un stade particulier au cours duquel la modalité normale du rapport à autrui n’est pas toujours reconnu. Le soi et l’autre, habituellement différenciés, sont alors confondus. La femme enceinte doit de ce fait établir progressivement avec l’être en gestation une forme inhabituelle de relation. Le temps de la gestation permet l’intégration psychique de l’être conçu que la mère à sa naissance doit parvenir à différencier d’elle-même.
La particularité de la grossesse repose sur le fait qu’elle permet à un autre être de demeurer au sein d’un organisme, alors que leur capital génétique est différent. C’est la raison pour laquelle la grossesse est considérée comme étant une aberration biologique (Lechartier-Atlan, 2001). Elle entraîne une formidable mise à l’épreuve des limites du moi chez les futures mères. Certaines, comme si elles attendaient cela depuis toujours, investissent la situation dans un sentiment de complétude tel qu’elles seraient à l’abri de tout conflit. Elles seraient comme un chat qui avait avalé le canari ; alors que d’autre sont exposées à un conflit entre le moi et l’être ressenti comme un étranger. Dans ce contexte, c’est l’embryon qui s’impose à la mère (Lechartier-Atlan, 2001).
Le temps de la gestation est une période de crise somatique durant laquelle les bouleversements hormonaux, corporels sont conséquents ; et une crise maturative qui, en réveillant de l’anxiété et des conflits latents, monopolise de l’énergie. La grossesse a un impact sur la relation d’objet du fait qu’elle entraine la confusion entre le soi et l’autrui (Bayle, 2008). Cette situation fragilise le sens de l’identité au profit de l’inconscient. Vient alors la transparence psychique, situation inhabituelle lors de laquelle l’inconscient n’est pas limité par la barrière du refoulement (Bayle, 2008 ; 2016). Cette crise contient sa propre capacité évolutive car elle permet à la fois la formation de l’identité maternelle et l’objectalisation progressive du fœtus.
Il s’agit d’un terrain de préparation et d’essai qui permet à la mère, au terme de ces neuf mois, d’être sensible aux besoins de son bébé après la naissance ; mais il s’agit également une période invasive ou l’être conçu accapare son espace corporel et psychique. Cet être, de manière progressive, occupe de plus en plus de place dans le corps et le psychique de la mère et expose cette dernière à une expérience exceptionnelle : le fait d’être à la fois soi et autrui (Bayle, 2008).
Face à une telle situation, comment la femme enceinte évolue-t-elle d’un état d’acceptation puis de symbiose avec son fœtus (moment d’indifférenciation soi/autrui) à un état ou elle est capable de se représenter cet être en devenir comme ayant une altérité propre (différenciée) ?
En vue de répondre à cette question, le présent travail s’intéresse particulièrement à la manière dont, progressivement, la femme enceinte passe d’une relation anaobjectale à une relation préojectale dans le processus de gestation. Dans un premier temps, une démarche théorique sera entreprise afin de développer les approches importantes et pertinentes en lien avec le sujet, notamment celles liées à la grossesse, les identifications projectives prénatales, l’identité conceptionnelle, et la relation d’objet virtuel. Ensuite, des hypothèses seront avancés en réponse à la problématique. La méthodologie sera exposée avant d’analyser et discuter les résultats du travail de terrain.
1. Approche théorique
La grossesse est une période très spécifique et complexe de la vie d’une femme. Les changements qui l’accompagnent s’observent non seulement sur le plan biologique et physiologique, mais aussi sur le plan psychologique. Pendant la grossesse, des changements visibles se produisent dans l’apparence du corps, ainsi que dans la féminité, les affections et la sexualité, tandis que la position et le rôle de la femme acquièrent de nouvelles qualités. En outre, pendant la grossesse, la femme tisse les premiers liens avec le fœtus et est confrontée au passage de l’indifférenciation à la différenciation avec ce dernier.
1.1. La grossesse
La grossesse peut être définie comme un « espace qui est à la limite de l’intrapsychique et de l’intersubjectif. Dans ce champ de recherche, l’enfant en sa double présence et absence, est à la fois actuel et représentable uniquement par les éléments du passé » (Bydlowski, 2008, p.94). La mère subit alors l’invasion du fœtus, et ce phénomène et l’énamoration peuvent avoir la même intensité, étant donné que lorsqu’un individu tombe amoureux, une invasion du psychisme est observée ; toutefois dans le cadre d’une grossesse, il n’est pas possible de distinguer l’objet de soi (Bydlowski, 2008).
La grossesse présente des aspects qui sont hors du commun. Le corps et la psyché de la femme enceinte fonctionnent comme un récipient transformateur où des échanges physiques et psychiques avec le fœtus ont lieu. Le corps maternel est alors devenu un corps maternel protecteur accueillant le temps de la grossesse. D’où le concept de fantasmes d’un corps pour deux qui soutient l’idée que les désirs de la femme enceinte sont plaqués sur « l’autre » (MacDougall, 1986).
La période prénatale est considérée comme au centre de deux aspects de la féminité, d’une part du rapport à autrui, et d’autre part de la différence des sexes ; d’où le concept d’essai d’ontologie féminine (Mottini-Coulon, 1978). Le rapport féminin est alors mis en exergue, compte tenu du fait que dans la maternité, il est spécifique à autrui. Le cogito de la gemme est amené à s’enserrer de sorte de ne retrouver que lui (Mottini-Coulon, 1978). La grossesse est alors une expérience unique qui permet à la femme de maintenir à l’intérieur d’elle-même un rapport à autrui, ce dernier étant à la fois son semblable et son autre. Le rapport à autrui et le rapport au fœtus, à l’embryon humain. Le rapport féminin à autrui est alors caractérisé principalement par « ce noyau ontologique originel de l’autre en soi » (Bayle, 2005).
La grossesse sous-entend une idée de passage qui correspond à la transmission de l’intergénérationnel au transgénérationnel. Dans ce processus, la femme enceinte n’est pas en contact direct avec l’autre, pour évoluer vers une relation de contact direct par la suite (Mathon-Tourné, 2013). Il s’agit alors d’un passage de l’indifférenciation, phase de symbiose avec le fœtus, à une phase de différenciation, permettant de considérer le fœtus comme un être qui n’est pas sous emprise, un passage de la fusion à la défusion.
D’un point de vue psychologique, la fusion représente une relation qui est d’ordre affectif marqué par l’impossibilité pour la mère de différencier le fœtus d’elle-même (Bayle, 2005). La symbiose entre la mère et le fœtus est réalisée par l’intermédiaire du cordon ombilical, ce dernier s’assurant de nourrir le fœtus. Biologiquement, l’enfant est accepté progressivement par les défenses immunitaires de la mère comme étant une partie de son corps. Désormais, le fœtus sera à l’unisson de ses affects et de son imaginaire jusqu’à sa naissance (Landau, 2012).
En même temps une ambivalence subsiste que l’on retrouvera à chaque étape de la grossesse contrebalancée par un mouvement contraire. Cette réaction de rejet est nécessaire puisqu’elle maintient psychiquement la présence de l’enfant comme un corps étranger. Ainsi, il n’est pas entièrement fondu dans la mère et sera reconnu comme un autre différent d’elle-même, existant par lui-même (Landau, 2012).
Le concept de fusion n’est pas favorable à la vie, dans la mesure où elle entraine la confusion de l’un et de l’autre, de la mère et du fœtus / enfant, et c’est ce dernier qui n’est pas reconnu dans son individualité, dans ses propres désirs. En ce sens, et sans évolution, la mère ne peut répondre aux besoins de l’enfant. L’amour véritable en opposition à la passion fusionnelle ou le désir de fusion, conduit à l’affrontement de deux désirs de toute puissance, et passe toujours par la reconnaissance de la différence, l’autre étant considéré comme à part de soi (Landau, 2012).
Ainsi, dans le processus de la grossesse, la fusion constitue une étape inévitable puisque la femme enceinte héberge un corps étranger. C’est également à partir de cette fusion va naitre l’amour véritable : « c’est cette capacité de la mère à se représenter l’enfant à la fois comme totalement elle-même et à l’intérieur d’elle-même, et à la fois extérieur et différent-en somme un et deux, qui lui permet de reconnaître son altérité. En ce sens, tout enfant reste toujours un étranger, un autre, quand bien même il est la chair de notre chair » (Landau, 2012).
1.2. Devenir parent : les 3 axes pendant la grossesse
La psychanalyse décrit une dynamique particulière pendant la grossesse impliquant une crise psychologique et un processus de maturation résultant de l’expérience d’une nouvelle phase de développement, la parentalité. Devenir parent, et plus particulièrement devenir mère, constitue une période de transition importante, marquée par l’existence de changements psychiques. Ce phénomène permet à une mère de s’identifier à son enfant et de répondre avec sensibilité à ses besoins (Winnicott, 1956). La capacité de la mère à s’adapter à ces changements est indispensable durant la grossesse, et à la fois déterminante pour le développement socio-affectif de son enfant. Devenir mère implique trois axes pendant la grossesse : le modèle développemental, le modèle du narcissisme, et le modèle de la relation d’objet.
1.2.1. Modèle développemental
La transition vers la maternité commence dès la prénatalité et est influencée par un éventail de facteurs, dont l’état psychique et physique de la mère. La période périnatale est une période de changements et d’opportunités énormes. C’est aussi la période durant laquelle la mère est exposée à un continuum d’adaptation. La femme enceinte doit alors s’adapter et s’adapter au bébé qui grandit en elle (Daure, 2019).
Pendant les 9 mois de grossesse, la mère commence à imaginer le bébé qu’elle porte. La grossesse est le début de l’attachement, une période de répétition et d’anticipation. La mère doit également s’adapter aux changements de son identité, de son corps, de ses relations, ainsi que se préparer à la naissance, et commencer à concilier les sacrifices associés au fait de devenir mère. Les aspects psychologiques de la grossesse évoluent parallèlement aux changements physiologiques. Les aspects physiologiques de la grossesse ont tendance à être au centre de l’attention, tandis que les aspects psychologiques de la grossesse et de la nouvelle parentalité ont tendance à être moins pris en considération (Daure, 2019).
La grossesse met en action divers processus non seulement en termes de pulsion, d’ego et de régressions relationnelles, mais également un processus de maturation psychosociale qui traverse une nouvelle phase de développement : la parentalité. La parentalité correspond à une phase de développement continu qui, via l’interaction psychique réciproque intime du parent et de l’enfant, facilite l’activation ou la résolution des conflits pour le parent et l’enfant (Missonnier, 2009).
En effet, dans le processus de parentalité de son enfant, une mère revit et peut réviser ses propres adaptations antérieures, en synchronisation avec le développement de son enfant. Des écrits psychanalytiques ultérieurs sur la phase de développement de la parentalité ont débattu des contributions biologiques, le rôle sélectif que la mère peut jouer dans le développement de son enfant, l’importance de cette phase dans le processus global de développement de l’adulte en général et, plus spécifiquement, dans la grande intégration de son identité, séparée de sa mère (Missonnier et Solis-Ponton, 2002).
Bien que la parentalité soit considérée comme une crise entrainant une régression, le modèle développemental implique que la grossesse constitue une transition vers la parentalité caractérisée par une réorganisation psychique et neurobiologique (Accard et al, 2012).
En matière de réorganisation psychique, la grossesse est considérée comme une période critique de transition dans le cycle de vie des femmes, lors de laquelle se produit une réorganisation intra-psychique. Ce passage d’une seule unité indépendante à la relation dyadique irréversible mère-fœtus / enfant est un processus continu et complexe sur le plan émotionnel. À partir de la grossesse, la femme doit progressivement réélaborer sa représentation interne de la relation avec le fœtus, permettant en même temps le processus d’identification avec celui-ci. Tout au long du processus d’individuation de la séparation, la réorganisation psychique dans la transition vers la maternité nécessite également une adaptation des frontières internes entre soi et l’autre, considérant le fœtus comme une entité distincte et faisant également partie de la mère elle-même (Accard et al, 2012).
En matière de réorganisation neurobiologique, le cerveau de la mère fait pareillement l’objet d’importants changements structurels et fonctionnels essentiels à la transition vers la maternité pendant la grossesse, entrainant l’initiation du comportement maternel (Accard et al, 2012).
1.2.2. Modèle du narcissisme
La grossesse peut être une revalorisation narcissique, un sentiment de complétude. Il s’agit d’une forme transitoire où l’expression donner la vie trouve tout son sens : inscrire une continuité de notre existence, mais aussi lutter contre les angoisses de mort.
Le modèle du narcissisme implique que le bébé, dans un premier temps, va être pensé comme un prolongement de la figure parentale. Lors de ce processus, les projections sur l’enfant à venir arrivent de manière progressive. C’est autour de rêveries qui concernent leur propre vécu que ces projections vont être nourries. Elles peuvent être accompagnées par l’idée de réparer des choses qui ont pu être vécues de manière en quelque sorte traumatique ou alors elles vont venir prolonger une expérience positive de ce que l’on est soi-même (Winnicott, 1956 ; Bydlowski, 2001).
A la différence du modèle développemental, le modèle du narcissisme apporte à mère une autre perspective relationnelle avec soi-même. La femme enceinte investit une part considérable de son estime de soi dans l’enfant à venir. La grossesse est l’opportunité pour la femme d’accroitre sa propre importance. Le fœtus apparait comme un enfant idéal, représentant généralement la femme rêveuse, dotée de ses meilleures qualités, ainsi que de toutes celles qu’elle souhaiterait avoir. La grossesse remplit d’autres ambitions narcissiques considérées comme normales, car elle fournit un sentiment d’omnipotence à travers trois éléments : l’acte de création humaine, l’expérience de devenir mère qui est imprégnée d’un tel pouvoir dans la vie et l’esprit d’un jeune enfant à charge, et le déni de la mort via un sentiment d’immortalité car l’être matériel est projeté dans la génération suivante (Guérin, 1950).
1.2.3. Modèle de la relation d’objet
En psychanalyse, l’objet renvoie à ce qui est investi par la pulsion (Bayle, 2005). Dans le modèle de la relation d’objet, le lien à l’autre est souvent caractérisé par des manifestations qui peuvent être complexes, notamment l’ambivalence. Selon Freud, l’ambivalence correspondrait à une intrication de haine et d’amour dirigé vers la même personne. Durant la grossesse, l’ambivalence correspond à l’expérience de la mère dans laquelle les sentiments d’amour et de haine pour le fœtus coexistent. L’ambivalence est souvent niée, ou seulement partiellement reconnue, par exemple par l’humour (Bourdin, 2006).
L’ambivalence peut être gérable ou ingérable. L’ambivalence ingérable suscite une culpabilité et une anxiété intolérables, parce que l’amour n’est pas ressenti comme assez fort pour atténuer la haine. L’ambivalence gérable est liée à la position dépressive maternelle, en d’autres termes à l’accomplissement de l’ambivalence par la mère, la conscience de son amour et de sa haine coexistant pour le fœtus, qui peut promouvoir un sentiment d’inquiétude et de responsabilité envers le fœtus et la différenciation de lui-même (Deutsch, 1997 ; Bourdin, 2006).
L’ambivalence pendant la grossesse est une nouvelle forme de travail grâce à la capacité de contenir l’amour et la haine. Généralement, l’ambivalence est une expérience dynamique de conflit. C’est grâce au développement de la capacité d’accepter l’ambivalence que la femme enceinte peut abandonner le fantasme omnipotent de l’unité du couple mère-fœtus (Bourdin, 2006).
L’ambivalence n’est pas seulement un remaniement en début de grossesse, il s’agit d’une nouvelle ligne de développement avec une fonction importante. L’ambivalence a pour but d’attirer la mère à lutter pour penser, comprendre et connaître le fœtus, son bébé. La souffrance de l’ambivalence favorise ainsi la réflexion de la mère sur le fœtus et leur relation : c’est la coexistence troublante de l’amour et de la haine qui pousse une mère à penser à ce qui se passe entre elle et le fœtus (Deutsch, 1997).
Dans cette optique, Raphael-Leff a exposé ce qu’elle a appelé « l’ambivalence maternelle saine » et l’importance de considérer les femmes enceintes avec leur subjectivité, en donnant la bonne dimension à la dynamique interpersonnelle complexe entre une mère et son futur bébé (Missonnier, 2004).
En France, le psychiatre Paul-Claude Racamier utilise le terme « maternalité » pour décrire le processus psychique qui se déroule au cours de la gestation. Il a ainsi relevé que l’amour maternel est complexe. Durant la grossesse, l’attention psychique de la femme est portée sur l’enfant à venir. En même temps, son propre amour pour elle-même s’intensifie. De ce fait, elle ne distingue pas le fœtus de son propre corps. L’identité personnelle de la femme fait l’objet de fragilité et de fluctuation. Dans le cadre de la relation d’objet, il existe une confusion entre soi et autrui. Cette relation d’objet est également évolutive, étant donné que la femme est connectée au fœtus, qui est différent d’elle, mais qui se trouve à l’intérieur d’elle (Racamier et al, 1961).
1.3. De l’indifférenciation à la différenciation
La période de grossesse est marquée par une phase d’indifférenciation et de différenciation de la femme avec son fœtus. Ces différentes phases sont marquées par l’apparition de divers phénomènes psychiques qu’il est important de prendre en considération.
1.3.1. Le statut psychique du fœtus
Le phénomène d’indifférenciation / différenciation implique la considération du statut psychique du fœtus. Au cours de sa grossesse, la femme est soumise à une rude épreuve du fait de son exposition à une expérience unique marquée par une forte passivité. En effet, bien que la conception de l’enfant résulte du désir et de la volonté de la femme, le développement du fœtus en elle est généralement ressenti comme un fait qui lui est imposé. Cette imposition est d’autant plus accentuée du fait que la femme est désormais tenue d’agir et de vivre en respectant les exigences liées à la présence du fœtus (Lechartier-Atlan, 2001).
La femme, en étant enceinte, doit alors faire attention à ce qu’elle consomme (aliments, médicaments) et à la manière dont elle doit organiser son temps et économiser ses forces. La femme enceinte doit pareillement faire face à son image corporelle qui est modifiée au fur et à mesure de son avancement dans sa grossesse. En plus de ne plus se reconnaitre face à son miroir, la femme enceinte doit affronter le regard et les remarques de son entourage concernant sa grossesse, qu’elle pourrait éventuellement considérer comme étant une offense, des paroles et des gestes agressifs (Lechartier-Atlan, 2001).
Lorsque la femme est enceinte, elle n’est plus dans son état habituel car une modification est observée au niveau de son état psychique et psychosomatique. Ce bouleversement est dû à la présence du fœtus en elle. Des paradoxes sont cependant observés chez toute femme enceinte, étant donné que son état peut être marqué par une fragilité ou une accessibilité, une vulnérabilité ou une force, une transparence ou une opacité (Bydlowski, 2000).
Généralement, une femme adulte est en mesure de distinguer les faits réels des rêveries. Par la suite, en étant enceinte, son état est modifié du fait qu’elle s’organise sur le plan psychique mais aussi physique pour accepter la présence du fœtus en elle, en d’autres termes, elle accorde une place à l’autre. Or, bien que cet autre soit désiré et accepté, il s’agit avant tout d’un étranger qui représenterait pour elle un danger. La présence du placenta permet d’empêcher l’expulsion de cet intrus en jouant le rôle de conciliateur. En effet, le placenta représente l’organe qui est à la fois à la mère et au fœtus. Il garantit la viabilité du fœtus tout en permettant à la mère d’assurer un rapport fusionnel avec le fœtus (Landau, 2012).
La femme enceinte mène un combat entre la conservation du fœtus en elle et son rejet, et les vomissements en attestent. Garder le fœtus implique pour elle l’impératif de le considérer dans un premier temps comme un don précieux, pour ensuite le considérer comme la partie la plus importante d’elle-même. Le fœtus devient ainsi « un objet idéalisé qui, distinct d’elle, passe facilement dans son esprit du tout au rien, du tout bon au tout mauvais, avant d’être familiarisé, transformé en un deuxième moi, en un moi idéal » (Aubert-Godard, 2002).
La mère va distinguer le fœtus d’elle-même grâce aux projections maternelles. Dans ce contexte, l’inconscient de la mère construit déjà des représentations qui vont permettre au bébé d’exister. Désormais, le fœtus a une autonomie d’objet dans l’imagination de la mère et devient un être différent d’elle, d’où le concept d’identifications projectives prénatales (Aubert-Godard, 2002).
La gestation constitue une étape qui permet d’assurer le changement de génération. C’est effectivement grâce à ce phénomène qu’il est possible de construire une identité nouvelle. Cette dernière résulte de la période de crise maturative et évolutive traversée par la femme enceinte La grossesse est alors un moment de vie commune entre la mère et l’enfant, durant laquelle celui-ci a un double statut. Bien qu’il ne soit pas visible dans la réalité, il est présent à l’intérieur de la mère et dans son inconscient (Bydlowski, 2001 ; 2008).
D’un point de vue psychique, la future mère est confrontée à divers remaniements psychologiques durant la période de grossesse. La femme enceinte fait face à un bouleversement à la fois émotionnel, psychique et physiologique qui la mène vers une crise identitaire et une maturation psychologique afin de devenir mère (Bayle, 2008 ; 2016).
Il convient de préciser que c’est Winnicott qui a découvert pour la première fois les anomalies dans l’état psychique des femmes normales qui viennent récemment de mettre au monde leur enfant. Pour décrire cet état, il utilise l’expression « préoccupation maternelle primaire », et il s’agit d’un état qui évolue au fur et à mesure que la grossesse avance et la sensibilité est la plus élevée en fin de grossesse. La préoccupation maternelle primaire fait référence à un nouvel état d’esprit qui émerge pendant la grossesse et peut durer quelques semaines après l’accouchement. Pendant ce temps, la future mère traverse une « maladie normale » qui lui permet de se sentir connectée à son bébé et de mieux comprendre ses besoins afin de créer un bon environnement pour le futur nourrisson (Winnicott, 1956). Pour atteindre un tel état et espérer un rétablissement par la suite, la femme enceinte doit cependant être en bonne santé (Winnicott, 1989).
De son côté, Stern fait référence à une organisation mentale spécifique pendant la grossesse à travers le concept de la constellation de la maternité. En attendant un bébé, le sens de soi de la mère s’organise largement autour de la présence du fœtus, de son bien-être et de leur connexion mutuelle (Stern, 1995).
Bydlowski s’est inspirée de sa pratique dans des domaines spécifiques tels que la psychiatrie, la psychanalyse, ainsi que l’obstétrie, pour développer son propre concept appelé « transparence psychique ». Ce terme se réfère à un état psychologique particulier dans lequel le fonctionnement mental de la mère semble être plus facile à lire et à saisir qu’il ne l’est habituellement, avec une diminution de la censure des pensées, résultant en une expression plus explicite des désirs, des conflits et des impulsions, et dans les régressions relationnelles. En raison de la présence du fœtus, le désinvestissement des objets œdipiens infantiles de la future mère peut être l’un des mécanismes expliquant cette diminution de la censure des pensées. En effet, le fœtus peut être considéré comme l’incarnation du désir œdipien (Bydlowski, 1997).
La transparence psychique est liée aux inquiétudes découlant des pensées inhabituelles de la future mère au sujet de l’intégrité du bébé ou de la peur de lui faire du mal. Cet état pourrait s’expliquer par la porosité de la zone préconsciente aux processus primaires en raison de la diminution partielle de la censure des pensées. Cet état est décrit comme courant et facile à identifier. Étonnamment, l’évocation de l’enfant à naître n’est pas aussi fréquente qu’il ne laisserait penser dans le discours spontané des femmes enceintes qui vivent une grossesse paisible. Ce phénomène peut refléter un bonheur intérieur qui n’a pas besoin d’être partagé (Bydlowski, 2008).
La transparence psychique suppose ainsi que le matériel inconscient peut devenir conscient. Une émergence de « choses » inconscientes, différentes du préconscient qui est de l’ordre des réticences, est observée. Il s’agit des signes de la préoccupation primaire précoce. En effet, certaines résistances s’estompent, et la mère peut élaborer ce qui lui est normalement inaccessible, ce qui permet de mettre en place une relation avec le bébé.
Dans cette même idée, le concept de « fonctionnement psychique maternel placentaire » a été utilisé par Missonnier. Dans ce contexte, le narcissisme primaire de la mère est renégociée pour qu’une interaction soit établie entre elle et le fœtus (Missonnier & Golse, 2003). C’est précisément durant la période de grossesse que la mère se trouve dans un état psychique marqué par une transition de l’inconscience vers la conscience (Bydlowski, 1997). C’est d’ailleurs à travers l’échographie que la mère a la possibilité de matérialiser fragments enfouis dans son espace intra-psychique. C’est cette échographie qui entraine la mère vers les identifications projectives psycho-pathologiques. Ainsi, elle accepte l’enfant dans son psychisme parental qui est en cours de maturation (Missonnier & Golse, 2003).
La grossesse entraine la femme vers un état d’hypersensibilité maternel. Bien que cet état puisse être confondu avec une maladie, il est différent du fait qu’il entraine la mère à être prête à accueillir l’enfant et à connaitre et identifier ses besoins une fois celui-ci arrivé au monde. A la différence du processus invasif qui fait que le fœtus impose à la femme de devenir mère, l’état d’hypersensibilité maternel permet à la femme d’être à la fois elle-même et autrui. La grossesse ne permet pas à la femme de distinguer l’autre. Elle confond soi et autrui. Il est alors nécessaire pour la mère d’établir une relation avec le fœtus et de le distinguer d’elle-même bien qu’il soit en elle (Bayle, 2008).
1.3.2. La nidification psychique de l’être conçu
La nidification psychique de l’être conçu implique pour la femme de changer sa manière d’établir un rapport avec le fœtus. Cette situation résulte du fait que ce dernier impose à la femme d’être elle-même et autrui en même temps. Une réaction psychologique d’indifférenciation soi-autrui prend ensuite place pour permettre à la mère au fur et à mesure que la naissance de l’enfant s’approche, de différencier progressivement celui-ci d’elle-même (Bayle, 2008).
La représentation mentale de l’enfant à venir et les projections maternelles se développent activement à partir du quatrième mois de grossesse, permettant probablement une intensification du phénomène de transparence psychique. Ensuite, entre le quatrième et le septième / huitième mois de grossesse, une nouvelle représentation mentale du fœtus se réalise. C’est au cours de cette période que la femme parvient à se différencier de son enfant. Mais cette construction demeure encore imaginaire, car le fœtus se trouve toujours dans son utérus (Bayle, 2008).
Toutefois, la réalisation de ce processus d’indifférenciation ne peut pas être considérée comme naturelle pour la mère. Il s’agit d’un processus invasif et imposé. La femme est alors tenue d’accepter que le fœtus envahisse son espace psychique et corporel. La femme parvient à être mère grâce à son adaptation à la présence de cet autrui en elle tout en transformant son identité. Ainsi, la nidification psychique de l’être conçu correspond aux remaniements psychiques auxquels est exposée la femme pendant la grossesse du fait de l’invasion du fœtus dans son corps (Bayle, 2005).
D’un point de vue biologique, la nidation de l’embryon représente un phénomène exceptionnel qui surpasse les lois physiologiques habituels, du fait que l’organisme maternel ne rejette en aucun cas le fœtus qui lui est étranger, car il s’agit de l’enfant à naitre. Ce dernier n’impacte pas uniquement le corps maternel, mais aussi son psychisme : la femme entreprend un processus d’intégration psychique du fœtus (Bayle, 2005).
Les psychiatres qualifient le fonctionnement psychique de la femme enceinte de « relation d’objet narcissique et fusionnelle ». C’est d’ailleurs grâce à cette dernière que la mère a la possibilité d’effacer la distinction entre elle-même et le fœtus, et par conséquent de laisser place à la nidification psychique de l’être conçu qui implique que le fœtus et confondu avec la mère. L’identité de la femme pendant la grossesse est alors fragile du fait du phénomène d’indifférenciation soi-autrui. L’être conçu est entièrement intégré dans le corps, mais aussi dans le psychisme de la mère (Bayle, 2005).
1.3.3. La transition vers la maternalité
La maternité est un processus psychologique complexe et constitue une phase majeure du développement psychique et émotionnel des femmes. La transition vers la maternité a été définie comme une phase d’intégration dans la vie d’une femme et comme une phase où une crise de maturité, comparable à celle vécue à l’adolescence, est vécue (Bydlowski, 1997).
D’abord enceintes, puis en transition vers la maternité, les femmes ravivent les conflits de l’enfance vécus au cours des étapes psychosexuelles de leur développement. Le retour à un sentiment de complétude originale réactive les expériences d’enfance de cupidité, de satisfaction et de frustration. Elle réactive également l’image de leur mère comme aimante ou menaçante, et de l’enfant comme destructeur, ou comme être menacé. Basée sur une stratégie claire, la future mère revit le plaisir et la douleur de sa propre enfance avec son bébé (Racamier, 1961).
La femme enceinte revit également ses premières relations et le processus d’identification avec sa propre mère. Cette identification déclenche la résurgence du moi infantile et, par projection, réveille des souvenirs de la façon dont sa propre mère l’a traitée. En s’identifiant et en se différenciant de sa propre mère, et en fantasmant sur la relation qu’elle aura avec son enfant, la femme fantasme sur elle-même en tant que mère. L’accent est mis sur l’identification à une bonne figure de mère, permettant à la future mère de l’utiliser comme référence sans éprouver des éléments conflictuels excessifs. L’ancien conteneur est réinjecté afin de créer en toute sécurité un nouveau monde relationnel pendant que la femme enceinte se détache de la mère. La régression pendant la grossesse et la maternité réactive les conflits infantiles autour de la dépendance et de l’autonomie ainsi que la rivalité et l’ambivalence avec sa propre mère. Pour réussir à réorganiser à la fois l’ego féminin et l’ego maternel mature, ces conflits doivent être élaborés et surmontés. D’une manière générale, les réorganisations psychiques induites par la grossesse et la maternité impliquent le remaniement des relations d’objet (Bayle, 2005).
C’est à travers ces multiples processus qu’une femme acquiert l’état psychique de maternité (Bayle, 2005). La future mère doit différencier et identifier le fœtus en elle, puis le bébé, c’est-à-dire qu’elle doit reconnaître l’altérité et l’autonomie du fœtus (Pines, 1982 ; Bayle, 2005). Parallèlement, porté par la transparence psychique, le monde figuratif de la future mère change, laissant place à des représentations différenciées de soi en tant que mère et de l’enfant. Tous ces processus permettent aux futurs mamans de créer un espace maternel psychique mental qui agit comme un contenant et permet des interactions avec l’autre en soi qui doit être reconnu comme différent, afin d’établir une relation une fois le bébé né (Bydlowski, 1997).
Cette élimination psychique du placenta (Missonnier, 2004), c’est-à-dire le passage de « l’autre en soi » à « l’autre devant soi » qui intervient après une déconstruction du bébé imaginaire peut s’accompagner d’un sentiment de vide et d’une séparation douloureuse, voire d’un sentiment de perte d’une partie de soi (Bydlowski, 1997). La relation symbiotique mère-enfant pendant la grossesse doit évoluer progressivement vers une relation objective, tant vis-à-vis de la mère que de l’enfant (Racamier, 1979). La mère doit pouvoir accepter et supporter d’être laissée ou même rejetée par l’enfant à mesure qu’il devient de plus en plus indépendant. La capacité de la mère à permettre à son enfant de se détacher et de devenir plus indépendante implique une profonde réorganisation psychique qui peut être attribuée au processus de transition vers la maternité.
1.4. Les phases de la grossesse
La grossesse ne débute pas, pour la femme, avec des images du bébé. La grossesse psychique a la particularité de se construire dans un processus d’images successives. Il existe ainsi plusieurs étapes dans la grossesse.
1.4.1. Les différents stades de la grossesse
La période de la grossesse est marquée par différents stades qui varient en fonction des auteurs.
- Aulagnier-Castoriadis (1964)
Durant les premiers mois de grossesse, la femme ne se représente pas encore l’enfant à naitre. Elle traverse encore une période appelée « blanc d’enfant » qui écarte l’enfant de son psychisme pour qu’elle s’intéresse à son présent. C’est généralement lorsque la mère sent les mouvements du bébé dans son ventre qu’elle construit une représentation de celui-ci. La représentation de l’enfant est de ce fait basée sur le sensoriel (Aulagnier-Castoriadis, 1964).
Pourtant, lorsque l’accouchement approche, c’est-à-dire dans les derniers mois de grossesse, les représentations de la mère autour de l’enfant à naitre est difficile à établir compte tenu du fait que toute l’attention de la mère est portée sur l’accouchement lui-même. Les angoisses liées à cette attente entravent alors l’imagination de la mère de son bébé à venir. Il convient toutefois de préciser que la période de fin de grossesse est aussi marquée par plusieurs représentations maternelles. Elles apparaissent plus particulièrement à partir du septième mois de grossesse, car la mère réalise qu’à ce stade, le bébé est désormais viable (Aulagnier-Castoriadis, 1964).
- Bibring (1959, 1961)
Le retournement vers soi et vers le fœtus a lieu surtout après le deuxième et durant le troisième trimestre de grossesse. La grossesse comprend ainsi deux stades correspondant à deux grandes tâches adaptatives. Le premier stade correspond à l’acceptation de l’embryon en tant que partie intégrante du soi. Durant ce stade, la mère est amenée à vivre une expérience psychologique de fusion avec le fœtus. Elle persiste pendant les premiers mois de grossesse jusqu’à la perception des mouvements fœtaux (Bayle, 2005).
Dès lors que la femme enceinte ressent les premiers mouvements fœtaux, elle réalise et admet qu’un enfant existe bien et vit en elle. Cette prise de conscience entraine permet plus d’autonomie à l’enfant en question. Pour la mère, la seconde tâche consiste alors à procéder à une réorganisation relationnelle au niveau de l’objet. C’est de cette manière qu’il est possible pour celle-ci de se préparer non seulement à l’arrivée de l’enfant, mais surtout au fait qu’il sera détaché d’elle, de son corps (Bayle, 2005).
- Pines (1972, 1982)
Il existe 4 stades qui permettent d’observer la relation entre les fantaisies de la mère et les situations liées à chaque phase de sa grossesse. Le premier stade s’étale de la conception de l’enfant jusqu’à l’apparition des premiers mouvements du fœtus. La mère est confrontée à des modifications considérables au niveau du soi et de son image corporelle. Des modifications hormonales et des symptômes psychosomatiques (nausée et vomissements) sont également constatés. Dans ce contexte, les vomissements constituent pour la future mère un moyen d’expulser inconsciemment l’embryon afin de revenir à son état initial, lorsqu’elle n’était pas enceinte (Pines, 1972).
Ensuite, le deuxième stade correspond à la période durant laquelle les mouvements fœtaux sont perçus jusqu’à la dernière phase de la grossesse. La mère reconnait son fœtus de manière distincte, il s’agit d’autrui. Elle ressent parallèlement des fantaisies qui sont à la fois conscientes et inconscientes. Il s’agit des angoisses liées à l’intégrité du fœtus, ainsi que de l’accouchement (Pines, 1972).
Si le troisième stade est représenté par les derniers moments vécus par la femme avant l’accouchement, le dernier stade est la période qui succède de manière immédiate à l’accouchement.
- Raphael-Leff (1980)
La grossesse comprend trois phases. Dans la première, les pensées et les émotions de la mère sont défendues par un certain dérapage psychologique où la mère se sent parfois envahie par les changements de grossesse, et parfois oublie qu’elle est enceinte. Elle se concentre souvent sur le soutien émotionnel et le soutien par la nourriture pendant cette période. La compréhension psychanalytique de cette phase se concentre sur la réactivation du passé émotionnel de la mère, en particulier sur la façon dont elle a été maternée (ou non) et sur les fantasmes qu’elle peut avoir sur sa grossesse en croissance.
La deuxième phase de la grossesse se produit après que la mère ait ressentit les mouvements fœtaux. Cette phase modifie le sentiment de fusion de la mère pour qu’elle se rende compte que le fœtus se déplace indépendamment de ses propres mouvements. Il s’agit d’un moment où la femme enceinte commence à imaginer la personnalité du fœtus et à acquérir un sentiment de dualité.
Enfin, lors de la troisième phase, le fœtus a atteint la viabilité et l’expérience de la naissance est importante. La mère cherche principalement à assurer la santé et la sécurité de l’enfant à naitre.
Ces différentes théories sur les différents stades de la grossesse nécessitent d’étudier de manière plus approfondie chaque phase de la grossesse qui sont le premier, le deuxième et le troisième trimestre. Il convient également de souligner que les femmes ne vivent pas de façon identique ces différents stades marquants de la grossesse.
1.4.2. Le premier trimestre
Le premier trimestre de grossesse consiste essentiellement pour la femme à s’adapter à l’idée de grossesse ou l’intégration de grossesse. Il s’agit de la période entre la conception et la gestation de 12 semaines. Elle est marquée par des changements hormonaux et physiologiques, mais les signes externes évidents de grossesse sont encore absents. La femme éprouve alors un état d’être enceinte, car l’enfant n’est pas encore représenté (Missonnier, 2004). La grossesse est alors intransitive, car la femme est juste enceinte sans préciser qu’elle est enceinte de … (Landau, 2012).
Cette phase est marquée par un choc résultant de la prise de connaissance de la grossesse, et par conséquent des efforts d’adaptation nécessaires. De nouvelles sensations corporelles peuvent être observées, accompagnées de certains symptômes, ainsi que d’une modification au niveau de l’équilibre émotionnel. L’ambivalence inconsciente à l’égard du bébé ainsi que l’inéluctabilité des changements corporels et psychologiques sont renforcées par une oscillation entre accablement anxieux, élation et indifférence. Si la femme choisit de poursuivre sa grossesse, donc aucun avortement n’est envisagé, cette décision marque le premier acte permettant d’affirmer l’identité de l’embryon. Dès lors, sa mère le considère comme un enfant virtuel de la grossesse (Missonnier, 2004).
Durant le premier trimestre, aucune modification corporelle importante n’est observée, mais la grossesse provoque sur le corps psychique une transformation profonde. C’est alors le trimestre du bouleversement. C’est toute l’histoire affective passée et présente de la femme qui en est impactée. Les femmes parlent de leur état dans une sorte d’introspection ou elles revisitent les places de chacun. Paisibles ou houleux, les liens familiaux prennent une part active dans le récit de ce trimestre, tout particulièrement les liens avec la famille proche.
Au cours de ce premier trimestre, l’interruption volontaire de grossesse est possible. Il s’agit pour la femme de stopper un mouvement en marche vers un statut qui n’est pas souhaité. Il n’est pas question d’enfant, celui-ci n’ayant pas encore d’existence dans la pensée maternelle. Ce trimestre concerne les images du passé, permet la nidation psychique maternelle en préparant le terrain familial et en reprenant justement les questions laissées en l’état. L’enfant à venir est absent dans les représentations maternelles ; la mère doit d’abord se voir enfant avec ses propres parent et retrouver des images de sa propre croissance. Ensuite seulement, quand le temps pour soi de la mère ouvrira sur lui l’enfant, elle pourra voir un bébé qui n’est pas elle, mais un bébé qu’elle attend (Bydlowski, 1997 ; Missonnier, 2004).
Cette période est déterminante dans la construction psychique dans la pensée de la mère. Pour illustration, si la femme enceinte qui a décidé d’avorter s’est déjà représentée l’enfant en devenir de manière précoce, lorsqu’elle considère sa grossesse sur le versant de l’attente d’un enfant, elle pourrait avoir le sentiment de vivre la perte d’un enfant et nourrir des pensées culpabilisantes autour du sentiment d’avoir tué son enfant (Missonnier, 2004).
Une telle situation mène à analyser la viabilité de la grossesse. Elle correspond généralement à la période au cours de la douzième semaine de gestation. Avant cette période, la femme ne procède à aucune élaboration imaginaire de l’enfant. C’est particulièrement le cas des femmes qui ont déjà vécu l’expérience d’avoir perdu un bébé ou de celles qui font état de grossesse à risque (Stern D et Brushweiller-Stern ; 2009).
Durant cette phase, la femme est aussi amenée à travailler sur l’acceptation de l’embryon. En effet, il existe diverses raisons pouvant entrainer la haine du fœtus, ce dernier procurant à la fois plaisir et déplaisir. La présence du fœtus à l’intérieur de la mère entraine de vifs conflits psychiques, mais aussi une confusion entre la réalité et le fantasme, et entre soi et l’autre. La femme est amenée à vivre à la fois le phénomène de fusion, mais aussi de séparation. Le fœtus présente ainsi un caractère d’étrangeté qui représente une menace pour le moi, du fait de cette confusion (Darchis, 2013).
Durant la période de grossesse, le fœtus suscite aussi la haine étant donné qu’il fait également naitre des fantasmes, notamment celles qui incitent à écarter l’autre qui représenterait un danger. Selon Bergeret (1984), ces fantasmes n’accordent pas de place pour deux, alors ce sera uniquement « toi ou moi », marque de la violence narcissique. Il s’agit alors d’une lutte, d’une forme de défense normale pour la survie. Pourtant, une autre illusion groupale de la grossesse est favorable à la fusion et ne cherche pas à favoriser cette séparation avec l’autre (Darchis, 2013).
Cette phase est considérée comme terminée, dès lors que la mère accorde plus d’attention au fait que le fœtus existe bien au lieu de s’intéresser particulièrement à son état de femme enceinte et aux changements que cela implique.
1.4.3. Le deuxième trimestre
Le deuxième trimestre représente pour certaines femmes le meilleur moment de leur grossesse. Cette situation se justifie par le fait qu’il est marqué par un épanouissement narcissique, et leur maternité est valorisée. Le moi est alors restauré (Spiess, 2002). La plupart de leurs symptômes disparaissent, leurs modifications corporelles sont plus franches confirmant pour les mères et leur entourage leur grossesse et la présence du bébé.
Pendant le deuxième trimestre de grossesse, le fœtus est vécu séparément de la mère. Cette phase est maquée la différenciation mère-fœtus, consistant en la réinstallation de la femme enceinte avec le temps présent. Au cours de cette phase, la mère sent le bébé bouger pour la première fois, et la mère peut se sentir plus à l’aise physiquement et continue d’imaginer son bébé. De manière générale, entre le quatrième et le septième mois de gestation, les imaginations sur le bébé s’intensifient, sont élaborées et culminent vers le septième mois (Stern, 1995). Ensuite, la spécificité de ces imaginations diminue, et cette légère désorganisation crée un espace pour la mère pour se connecter avec le « vrai » bébé, par opposition au bébé de son imagination.
Dans la logique de transparence psychique, à partir du second trimestre de grossesse, la femme va d’abord se centrer sur son vécu corporel. Elle va ressentir un lien fort avec son vécu personnel et baisser ses défenses. Le fœtus devient comme une métaphore qui pourrait représenter des objets internes et qui déclenchent les réactions archaïques (Bydlowski, 2008).
Peu à peu, se dégage un fœtus différencié plus familier, la mère interne (l’image maternelle intériorisée) réapparait dans la vie psychique de la femme enceinte, selon le degré de maturation des conflits primitifs avec cette mère archaïque et œdipiens, tels qu’ils ont été élaborés à l’adolescence, la jeune femme accédera ou non à une identification tempérée à la fonction maternelle (Spiess, 2002).
Concernant le mouvement du fœtus, au cours du quatrième mois de grossesse l’expérience réelle du fœtus va donner corps au bébé imaginaire grâce à l’échographie qui permet de découvrir le bébé dans sa chambre utérine mais aussi au mouvement du fœtus. Il s’agit d’un moment d’ambivalence chez les parents, donc chez la mère.
L’échographie permet de placer le bébé dans une place filiative, et les images à venir sont vécues comme celles qui vont confirmer ou soutenir une appartenance familiale. Pour certaines, c’est la crainte d’images qui ne seraient pas conformes à leurs attentes de mères et elles n’oseront pas s’imaginer l’enfant sereinement tant que l’échographie n’aura pas révélé ses secrets. Ce sont ces images qui leur permettront de savoir si ce bébé à naitre est bien celui de leurs attentes. Elles ont tendance à superposer l’image échographique à leur pensée intime (Landau, 2012).
Les mouvements du bébé ressenti par la mère vont alimenter le profil du bébé imaginaire. Ils vont aussi permettre à la femme enceinte de ressentir que cet autre en elle a une existence propre, relié à elle mais avec ses propres caractéristiques, une étape qui permet à la femme de sortir de cet état d’indifférenciation et de se rapprocher vers un ressenti de différenciation (Landau, 2012).
Grâce à l’échographie, l’enfant devient plus réel, il n’est plus un pur fantasme. Pourtant, une différence est observée entre l’effet de l’image échographique du fœtus, même en trois dimensions, et la perception d’un enfant en chair et en os. Il ne suffit pas d’avoir vu ces images échographiques du bébé pour que celui-ci acquière une réalité et une identité propre (Landau, 2012).
Devant l’écran de l’échographie, moins que l’image perçue, c’est le langage que celle-ci déclenche qui provoque le bouleversement. Car très rapidement, il est possible de mettre des mots sur l’image, des paroles douces et souvent même une esquisse de prénom. Ce qui est d’autant plus important que, pendant longtemps encore, la mère n’aura pas une représentation concrète de l’enfant. Au troisième mois de grossesse, ce qu’elle perçoit sur l’image n’est qu’une image, alors que la représentation de son enfant fait appel à des processus conscients et inconscients de perception et d’identification. Le fait d’attribuer un prénom au futur bébé favorise son identification. Dès lors il n’est plus interchangeable, il n’est plus seulement un joli fœtus. Il devient une personne à qui la mère peut parler, et le prénom permet de renforcer le dialogue dont le futur bébé a besoin (Landau, 2012).
Après le troisième mois, la viabilité de la grossesse est confirmée par le médecin, activant alors chez la mère le processus imaginaire. Les premières imaginations se portent essentiellement sur les caractéristiques physiques et psychologiques de l’enfant à naitre. Au cours du quatrième mois, le bébé imaginaire commence à avoir un corps, grâce à l’échographie et à l’expérience réelle du fœtus. Cependant, même sans images échographiques, la mère peut sentir le fœtus donner des coups de pied, preuve irréfutable de son existence (Landau, 2012).
Généralement, les femmes enceintes accordent une liberté à leur imagination entre le quatrième et le septième mois de grossesse. Elles établissent alors un portrait plus élaboré du bébé (Stern, 2009).
1.4.4. Le troisième trimestre
C’est au septième/huitième mois que le portrait de l’enfant à naitre est le plus élaboré. Ensuite, au cours du huitième et du neuvième mois, ce portrait est défait par la mère de manière progressive. Le bébé imaginaire commence à être effacé et oublié. Ce bouleversement s’explique par le fait que la mère est confrontée à la rencontre du bébé réel. La mère ne souhaite pas constater l’écart entre le bébé réel et le bébé imaginaire, en termes de taille, de sexe, ou encore de caractère. Ce détachement avec le bébé imaginaire va ainsi lui permettre d’accepter aisément le bébé réel, que celui-ci soit différent de son imagination ou non (Stern, 2009).
Au cours des derniers mois de la grossesse, la femme enceinte commence généralement à se préparer à l’arrivée du bébé et à porter son attention sur la naissance, ce qui peut provoquer une anxiété intense. En effet, des angoisses à propos d’un problème avec la naissance et/ou son bébé peuvent apparaître. Durant cette période, l’élaboration du bébé imaginaire prend fin. La mère fait état de différentes inquiétudes, notamment en ce qui concerne le risque que le bébé soit mort à la naissance, que la douleur de l’accouchement soit insupportable, ou encore que le bébé présente des anomalies (Stern, 2009).
Ces craintes sont considérées comme légitimes et fait partie des événements de la grossesse. C’est au cours du huitième et neuvième mois de grossesse que la femme s’apprête à rencontrer son vrai enfant (Stern, 2009).
Ainsi, les 9 mois de grossesse permettent à la femme de se préparer à la maternité. Elle passe par une construction de son identité, puis à l’élaboration d’un processus imaginaire destiné à disposer de divers scénarii et à les justifier au fur et à mesure de l’avancement de la grossesse. Au cours du dernier mois de grossesse, la mère a déjà réalisé la plus importante partie de sa préparation psychique (Stern, 2009).
1.5. La relation d’objet virtuel (ROV)
Pour la mère, le fœtus ne constitue pas tout au long de la grossesse une extension narcissique. Cette période est aussi marquée par un travail d’humanisation permettant de donner forme au bébé à venir. Le processus de maternalité permet d’avoir une vision qui diffère de celui d’un bébé imaginaire (Missonnier, 2013).
Dans le cadre de la relation d’objet virtuel, un lien biopsychique est établi. Il s’agit du lien prénatal entre la mère et le fœtus, qui est encore l’enfant du dedans. Pour la mère, ce dernier se situe entre le bébé virtuel prénatal et le bébé réel postnatal. Cette confrontation représente « la réalité biopsychique de l’anticipation parentale. C’est précisément cette anticipation parentale qui représente la relation d’objet virtuel (Missonnier, 2004).
Le virtuel consiste à imaginer ce qui n’est pas là et qui peut advenir. En ce sens, il ne s’oppose pas au réel mais à l’actuel. La relation d’objet virtuel concerne l’ensemble des comportements, affects et représentations (conscientes, préconscientes, inconscientes) de la mère à l’égard de l’embryon, puis du fœtus. Plus largement, une modalité de relation d’objet qui concerne toutes les personnes gravitant autour de cette mère. La relation d’objet virtuelle est alors utérine et fait partie du processus de maternalité (Missonnier, 2004).
La relation d’objet virtuelle est alors un processus comprenant plusieurs étapes. D’abord, un investissement narcissique s’opère. Cet investissement est réalisé à un niveau extrême pour ensuite atteindre le niveau le plus bas, celui de zéro. Ensuite, lorsque ce niveau est atteint, l’investissement devient objectal. Enfin, cet investissement est pré objectal car l’autre devient un être en soi. La relation d’objet virtuel, du point de vue de l’intersubjectivité, correspond au fait que l’enfant virtuel de dedans devient un être humain (Missonnier, 2004).
La grossesse correspond ainsi à une période caractérisée par l’acceptation, mais aussi le rejet, liés à l’identité occupationnelle, et aux bouleversements d’être enceinte. La femme devient alors mère. Or, pour acquérir un tel statut, elle doit réaliser un travail d’élaboration psychique important durant lequel elle traverse certaines crises de maturation (Ammaniti, 1999).
2. Problématique, objectif et hypothèses
2.1. Problématique
La problématique est formulée de la manière suivante : « Comment la femme enceinte évolue-t-elle d’un état d’acceptation puis de symbiose avec son fœtus (moment d’indifférenciation soi/autrui) à un état où elle est capable de se représenter cet être en devenir comme ayant une altérité propre (différencié) ?
2.2. Objectif
Le présent travail a pour objectif de montrer que la grossesse psychique n’est pas une période ou la mère serait exclusivement nourrie d’images de son bébé. C’est une période caractérisée par des remaniements psychiques et qui inclut différentes phases, correspondant aux trois trimestres successifs, et dont la représentation de l’enfant à naitre n’apparait qu’au second trimestre. Chaque étape, la première centrée sur la grossesse, la deuxième sur le fœtus, et la troisième sur le bébé, correspond à une conscience progressive que l’enfant du dedans est viable à l’extérieur du fœtus.
2.3. Hypothèses
En réponse à la problématique, deux hypothèses sont avancées :
- Hypothèse 1 : La grossesse modifie la relation d’objet dont les modalités s’établissent sur un mode de confusion moi/autrui (indifférenciation).
- Hypothèse 2 : Le fœtus s’objectalise progressivement jusqu’à aboutir à une authentique préfiguration de l’altérité objectale de l’enfant à venir (différenciation).
2.3.1. Hypothèse 1 : La grossesse modifie la relation d’objet dont les modalités s’établissent sur un mode de confusion moi/autrui (indifférenciation)
La relation d’objet désigne schématiquement le mode de relation au monde et à l’autre (le terme d’objet signifiant, en psychanalyse, ce qui est investi par la pulsion). Pendant la grossesse la relation d’objet est modifiée dans le sens d’une confusion entre la femme enceinte et cet être en devenir, enserré en elle. En effet, si dans la réalité d’une personne « névrotico-normale », moi et autrui sont différenciés, dans le cas de la grossesse moi et autrui sont confondus. Il s’agit d’une situation proche de la folie dont les modalités d’allure psychotique ou ressemblant à un état de dissociation correspondent en fait à une réorganisation de la vie psychique de la femme. En ce sens, elle va, dans un processus évolutif, transformer ses limites intérieures, ses frontières physiques et psychiques pour commencer à faire une place à cet autre en elle, absent de la réalité visible et représentable seulement par les éléments du passé.
La grossesse, qui est selon Winnicott (1956) une période de folie normale, permet à la femme de se préparer à devenir plus sensible aux besoin de son enfant après la naissance. Le temps de la grossesse permet donc l’intégration de l’être psychique conçu que la mère, à sa naissance, doit pouvoir différencier d’elle-même. Ainsi, la préoccupation maternelle primaire, m’hypersensibilité maternelle, évolue tout au long de la grossesse jusqu’à culminer quelques semaines avant et dans les semaines qui suivent l’accouchement. La Maternalité est caractérisée comme l’ensemble des processus psychologiques et affectifs qui se développent et s’intègrent chez la femme lors de la maternité, et implique une organisation particulière du moi et de la personnalité (Racamier, 1979). C’est un état narcissique et pulsionnel polarisé autour du fœtus qui est nécessaire pour que la mère puisse s’adapter à son enfant. La transparence psychique est quant à elle, caractérisée par l’émergence de « choses inconscientes » car les résistances s’estompent. La mère peut, dans un mouvement régressif, élaborer ce qui lui est normalement inaccessible, ce qui lui permet d’alimenter les rêveries autour de l’enfant à naitre (Bydlowski, 2008).
Les processus psychiques pendant la grossesse s’articulent progressivement pour aller vers une différenciation, alors même que celle-ci n’est pas encore clairement dessinée, définie ni même ressentie par la femme enceinte. Si la femme enceinte doit s’adapter à la présence d’un être humain à l’intérieur de son sexe, cela commence par l’implantation de celui-ci dans son corps et sa psyché (nidification biopsychique) sans provoquer de rejet.
2.3.2. Hypothèse 2 : Le fœtus s’objectalise progressivement jusqu’à aboutir à une authentique préfiguration de l’altérité objectale de l’enfant à venir (différenciation)
Ce processus évolutif et dynamique d’objectalisation se fait par le travail du virtuel et de la gestation psychique. Le virtuel est opposé au réel du fait qu’il constitue ce qui peut advenir. En ce sens, le fonctionnement psychique prénatal est « une forme emblématique du travail du virtuel : réaliser l’actualisation d’un potentiel créatif » (Missonnier, 2004).
Le fœtus ne nait pas humain, il le devient. La femme ne nait pas mère, elle le devient. La relation d’objet virtuel décrit cette relation d’objet particulière de la devenant mère au devenant enfant (Missonnier, 2004). Le concept repose sur le fait que si le fœtus est une extension corporelle narcissique, incarnation du narcissisme parental, en début de grossesse, il ne l’est pas jusqu’à la naissance. Pour métaphoriser les enjeux dynamiques de la relation d’objet virtuel, Missonnier parle de fonctionnement psychique placentaire pour mettre en évidence la fonction contenante du placenta psychique parental qui va permettre la maturation objectale de l’enfant virtuel. Ainsi, la gestion psychique de l’enfant à naitre est réalisée de façon conjointe à la gestation biologique. Le fœtus acquiert progressivement un statut d’objet différencié (Missonnier, 2004).
La nidification chez la devenant-mère pendant les différentes phases de la grossesse permet d’illustrer les variations psychologiques de la relation d’objet virtuel. Nous avons choisi la description des différents stades du processus de grossesse décrit par Bibring (1959,1961) et Raphael-Leff (1980) pour donner une représentation plus complète de la progressive prise de conscience pour la femme que l’enfant du dedans peut vivre une fois hors de son utérus.
Le fœtus, grâce aux projections maternelles, va devenir un être qui est distinct de la mère. Il devient alors quelqu’un pour ses parents, un pré sujet, même s’il n’est pas encore reconnu dans son altérité. La mère peut être confrontée à 4 enfants qui sont l’imaginaire, le narcissique, le mythique et le culturel, et qui représentent un « arbre de vie » de la psyché maternelle, grâce entre autre à l’échographie et aux mouvements fœtaux. Autour de l’image échographique, des paroles douces et une esquisse de prénom des parents favorisent l’identification de cet être que la femme enceinte ne se représente pas encore (Landau,2012). Si les parents sont rassurés sur le bon déroulement de la grossesse, alors l’enfant peut commencer à naitre dans leur esprit. Les mouvements fœtaux vont permettre à la femme de ressentir sensoriellement cet autre en elle et donc, de lui attribuer une existence propre. L’échographie et les mouvements fœtaux accélèrent la formation du lien avec le fœtus et sa reconnaissance comme un être séparé.
En ce sens, il est possible que la représentation du lien précède la représentation de l’objet. Ainsi, dans le cadre de la théorie de l’attachement (Bretherton, 1990) et du modèle de l’accordage affectif (Stern, 2003), le bébé est une représentation psychique pour la mère, et non réelle. Le lien résulte donc d’un investissement préobjectal. Bien que le bébé puisse encore être imaginaire, le lien est déjà présent.
3. Méthodologie
3.1. Outil de recherche : l’entretien semi-directif
L’entretien semi-directif vise l’expression personnelle du sujet et l’exploration de thèmes particuliers. Un guide d’entretien sera élaboré à partir de l’IRMAG (Interview pour les représentations maternelles pendant la grossesse, 1990). L’utilisation de cette interview comme base de notre propre entretien nous a semblé intéressant, car il s’agit d’un outil permettant d’explorer les émotions et changements au cours de la grossesse (dans la vie personnelle du couple, dans le rapport de la femme avec sa propre mère, dans la perspective de l’accouchement).
L’IRMAG est un outil permettant d’explorer les émotions et changements au cours de la grossesse dans la vie personnelle, du couple, dans le rapport avec sa propre mère, dans la perspective de l’accouchement, comment elles affrontent la maternité et comment elles construisent progressivement l’image du fœtus et de l’enfant à venir.
Dans le cadre de notre recherche, nous utiliserons les trois variables suivantes de l’IRMAG :
- Les émotions personnelles du couple et de la famille à l’annonce de la grossesse ;
- Les émotions et les changements au cours de la grossesse dans la vie personnelle du couple et par rapport aux familles ; et
- Les perceptions, émotions positives et négatives, fantaisies maternelles et paternelles : espace de l’enfant intérieur.
Dans notre recherche, nous avons choisi ainsi l’entretien semi directif. Dans ce type d’entretien, le chercheur dispose d’un guide d’entretien avec des axes thématiques, qui favorise l’expression libre et associative à partir de questions ouvertes, tout en orientant ponctuellement la personne sur des questions précises, auxquelles l’examinateur souhaite une réponse (autour des hypothèses), Le chercheur propose une trame qui permet au sujet de dérouler son récit, dont le contenu fera l’objet d’une analyse.
Son objectif dans notre recherche est de recueillir différents éléments et informations qui peuvent nous renseigner sur la représentation de l’enfant par les futurs parents, durant la première grossesse.
Par ailleurs, il a été demandé aux femmes enceintes en fin d’entretien de se dessiner enceinte, de représenter cet autre en elles/leur bébé. Pour ce faire, des feutres de couleur différentes et une feuille blanche ont été mis à leur disposition.
3.2. Echantillon, lieux et méthode de recrutement
Pour chaque femme enceinte, il a été prévu de réaliser deux entretiens à des périodes différentes de sa grossesse, notamment le premier et second trimestre, ou le second et troisième trimestre. Cette démarche a été entreprise dans le but de pouvoir répondre à la problématique de recherche (mettre en lumière, « évaluer » l’évolution du gradient indifférenciation/différenciation dans le vécu de sa grossesse). De plus, plusieurs entretiens avec la même femme (au moins deux) permettent de favoriser un lien de confiance et la continuité.
Il a été prévu des rencontres d’une durée moyenne de 45 minutes, réalisées soit à domicile, soit en consultation avec la sage-femme, soit dans un lieu « fermé » à définir avec la psychologue après la réunion des futurs parents qui pourrait être un lieu de rencontre, présentation du projet de recherche et prise de rendez-vous pour des entretiens ultérieurs.
Concernant les critères de sélection, il s’agit essentiellement des femmes enceintes dans leur premier ou second semestre de grossesse qui acceptent de participer à deux entretiens (avec un espace d’un mois et demi / deux mois). Cependant, le mode de recrutement, ne nous permettait pas de confirmer si la grossesse était dite « normale » sans complication, c’est-à-dire sans problèmes somatiques ni troubles psychopathologiques graves antérieurs ou liés à la grossesse.
Du fait de la crise sanitaire, l’échantillon a été modifié :
- Les seconds entretiens n’ont pas pu être réalisés pour toutes les femmes concernées par la recherche (un sur trois et par téléphone).
- Du fait de l’annulation d’un entretien (femme enceinte dans le premier trimestre), un recrutement d’une femme enceinte primipare a été réalisé.
Les lieux de recrutement correspondaient à notre terrain de stage : crèches municipales du 15ème et 16ème arrondissement de Paris.
Concernant la méthode de recrutement, nous avons d’abord parlé de notre sujet de mémoire à notre tutrice ainsi que l’évolution de notre travail jusqu’à la validation de notre problématique par notre directeur de recherche. Puis, nous lui demandé des conseils pour le recrutement de femmes enceinte pour nos entretiens de recherche. Ensuite, encouragée par notre tutrice, nous avons présenté notre projet de recherche aux équipes de direction des différentes crèches de notre stage, et également à l’équipe pluridisciplinaire de la PMI, en transmettant nos coordonnées. Ainsi, chacun pouvait nous contacter s’il rencontrait une future maman intéressée par notre recherche. De son côté, lorsque notre tutrice rencontrait des femmes enceintes lors de rendez-vous parents, elle parlait de notre recherche même lorsque nous n’étions pas présente à ces moments (deux jours de stage par semaine). Dans tous les cas, chaque professionnel demandait l’autorisation à chaque future maman intéressée avant de nous transmettre ses coordonnées.
Pour le recrutement, parmi l’échantillon possible, fruit du recrutement de ce travail commun, nous avons sélectionné trois femmes enceintes de 4 à 6 mois (second trimestre de grossesse). Cependant, malgré nos recherches, nous n’avons pas pu recruter de femmes enceintes de 0 à 3 mois. Une explication nous semble possible après avoir écouté quelques femmes enceintes pendant les entretiens de recherche mais également à partir de notre travail (éducatrice de jeunes enfants). La confirmation médicale de la viabilité de la grossesse était une étape nécessaire à beaucoup d’entre elles avant de la dévoiler à leur entourage. De de fait, de nombreux professionnels apprenaient la grossesse de ces femmes après trois mois de gestation.
Les premiers entretiens ont été programmés entre fin février et début mars, et les seconds devaient avoir lieu fin avril, début mai. Une des femmes sélectionnées n’a finalement pas désiré donné suite. Entre temps, une femme enceinte (6 mois), rencontrée sur notre lieu de travail a accepté de participer à notre recherche. Une femme enceinte de 2 mois et demi venait d’annoncer sa grossesse à la crèche (début mars), et notre tutrice voulait la contacter pour lui parler de notre recherche. Elle avait également rencontré une femme enceinte de 7 mois lors d’un rendez-vous parent à la crèche qui était intéressée par notre recherche.
Ainsi, pour notre recherche, l’échantillon était le suivant :
- Trois femmes enceintes (Madame S, Madame J, Madame A) dans leur second trimestre de grossesse. Les premiers entretiens ont été programmés entre mi-février et début mars. Les seconds devaient avoir lieu entre mi-mars et fin avril soit entre un mois et un mois et demi plus tard.
- Une femme enceinte (Madame B) dans son premier trimestre de grossesse avec un premier entretien prévu mi-mars.
- Les entretiens cliniques de recherche
Nous avons rédigé notre grille d’entretien que nous avons soumis à notre tutrice. Elle nous a proposée d’autres manières de formuler nos questions, nous suggérant par la même une approche plus délicate invitant à l’échange. Sur ces conseils, nous avons reformulé nos questions. Elle nous a laissée le choix de mener ces entretiens en étant accompagnée de sa présence ou seule. Même si la première option nous paraissait plus accessible, ensemble nous avons finalement tranché sur la seconde plus logique en Master. Il nous fallait nous confronter seule à cette expérience qui sera notre principal outil de travail professionnel. Pour valider cette démarche, il fallait l’autorisation de Madame S, Coordinatrice des psychologues à la direction des Familles et de la Petite Enfance de la Mairie de Paris. Après avoir lu la grille d’entretien et pris note des échanges entre notre tutrice et nous, elle a accordé sa validation.
- Les entretiens
Sur notre terrain de stage, fin février/début mars, nous avions mené deux entretiens de recherche de deux femmes enceintes entre 4 et 6 mois que nous devions revoir fin avril, soit entre un et un mois et demi après, dans leur troisième de grossesse. De plus, plusieurs rendez-vous étaient planifiés pour mi-mars : deux entretiens avec des femmes enceinte de 7 mois et celle enceinte de 2 mois et demi (avec qui nous étions entrée en contact). Pour ces dernières, nous avions quelques doutes sur la faisabilité des seconds entretiens par rapport au délai imparti à notre travail. Mais nous avions jugé opportun de recueillir leur ressentis de l’évolution et de la représentation de « leur bébé du dedans » presque dehors. Quant au dernier, nous trouvions très important de pouvoir mener ne serait-ce qu’un seul entretien d’une femme en début de grossesse, période où prédomine l’être enceinte et où la représentation de l’enfant est généralement pas (ou très peu) élaborée (« blanc d’enfant »).
Le contexte de crise sanitaire a modifié à la fois l’organisation et nos modalités des entretiens prévues. Nous avons finalement pu avancer un entretien d’une femme enceinte de 7 mois qui a eu lieu juste avant la fermeture des crèches. Celui avec la femme enceinte de 2 mois n’a pas pu finalement avoir lieu, « malade » (nausées, vomissements), elle nous a dit l’être encore plus depuis le confinement et donc elle n’était plus disponible pour un échange. Et plusieurs entretiens ont été menés par téléphone.
Déconcertée, un peu découragées par ces modifications, nous étions soucieuse de ne pas pouvoir rassembler assez de matériel clinique pour notre recherche. Nous nous interrogions également sur nos futurs entretiens cliniques téléphoniques. Comment évoquer l’expérience intime de la grossesse qui est aussi un bouleversement physiologique sans observer ces femmes dans leur posture, leurs gestes sur leur corps modifié ? Et peut-être que d’une manière plus générale nous pensions que l’entretien clinique ne pouvait que laisser s’échapper quelque chose d’indéfinissable, d’imprécis mais qui allait manquer, presque nous empêcher d’aller au bout de ce travail de mémoire. Finalement, l’expérience fut intéressante, différente de ce qu’elle aurait pu être mais enrichissante sur plusieurs aspects.
La grille d’entretien utilisée est disponible à l’Annexe 1 du document.
3.3. Analyse méthodologique
Les données sociodémographiques ainsi que les informations obstétricales ont été récoltées dans un questionnaire complété lors de la première rencontre suite à la signature du formulaire de consentement (disponible à l’Annexe 2).
Les entretiens ont tous été enregistrés et retranscrits fidèlement. La transcription verbatim des entretiens a été analysée en fonction des thèmes pertinents à nos questions de recherche. Les entretiens retranscrits sont disponibles à l’Annexe 3. Quant aux dessins réalisés par les femmes enceintes, ils sont présentés à l’Annexe 4.
4. Analyse des résultats
4.1. Analyse des entretiens
Au fur et à mesure des entretiens, nous avons senti l’importance de bien connaitre les questions, leur chronologie avant de débuter l’entretien. Cela contribue à permettre une fluidité dans le discours, donnant ainsi à la femme la possibilité d’explorer calmement et sans interruption le flux spontané de ses pensées.
- Première partie : Questions sur les émotions et changements au cours des premiers mois de la grossesse. Pour mettre en lumière les préoccupations autocentrées de la mère : elle se sent enceinte mais pas enceinte de. Pas de représentation de l’enfant.
Au cours des premiers mois de la grossesse, la femme enceinte fait part d’une attente, teintée d’inquiétude de la conception. En effet, diverses émotions ont été évoquées, dont principalement la joie : « j’étais contente » (Madame S) ; « j’étais trop contente » (Madame A). En même temps, la femme enceinte n’est pas encore certaine de la réussite de la procréation, ce qui la laisse dans un état de doute, d’inquiétude, mais aussi d’incapacité à agir : « J’avais arrêté la pilule mais ça ne venait pas, et puis on a laissé faire » (Madame S) ; « je n’étais pas du tout rassurée » (Madame A).
Cette situation est confirmée par les propos de Spiess (2002, p. 44) : « La formulation passe par l’emploi répété, insistant de l’indéfini, du neutre- les pronoms on et ça, qui ont pour effet d’estomper l’implication dans l’acte de procréation. Cette forme d’expression elliptique évoque l’idée d’une sorte d’autonomie du corps et traduit quand la grossesse a tardé la préoccupation angoissée du fonctionnement corporel dans sa normalité, ses capacités à procréer. Ce doute n’est l’apanage d’une première gestation : il touche chaque femme, primigeste ou multipare dans une quête de réassurance quant à sa fécondité. »
De plus, la grossesse, en tant qu’expérience radicale, entraine la passivité chez la femme, mais l’expose également à une rude épreuve (Lechartier-Atlan, 2001).
La grossesse place la femme dans un état d’ambivalence : elle est confrontée à la différence des sexes, à l’ordre des générations et à la proximité de la mort dans l’émergence de la vie. La peur de faire une fausse couche, expériences douloureuses passées à laquelle elle a déjà dû faire face témoigne d’une période d’incertitude qu’elle doit affronter. Elle doute de son aptitude personnelle à la maternité.
A ce stade, la femme enceinte ne se représente pas encore l’enfant : « franchement, non » (Madame S) ; « ça reste abstrait » (Madame A). De plus, compte tenu du fait de la viabilité non confirmée du fœtus, elle demeure dans l’état d’être enceinte uniquement : « je n’aime pas me projeter » (Madame S).
Ces résultats confirment l’idée de Bayle (2005) selon laquelle une femme enceinte n’ayant pas de certitude sur la viabilité de sa grossesse ne se permettrait pas de penser au bébé. C’est d’ailleurs le cas de Madame S qui a vécu de douloureuses expériences précédemment : « j’ai vécu des fausses couches avant » (Madame S).
La femme enceinte peut ressentir certains désagréments liés à la grossesse, dont essentiellement des nausées et vomissements : « je n’en peux plus de toujours vomir » (Madame A).
Ce sont précisément les premiers changements qui caractérisent la grossesse et qui constituent l’emblème du maternel (Spiess, 2002). De plus, le fait d’être malade au cours d’une grossesse permettrait d’extérioriser le trouble psychique de la femme, de sorte que la société accepte et reconnait, (sans signe physique encore visible), qu’elle soit enceinte (Berthiaud, 2012). Les premiers signes de la grossesse de la femme sont exprimés par le corps, mais en premier lieu à travers des manifestations subjectives telles que les nausées ou encore la fatigue. Chacun des gestes et signes envoyés par le corps peut alors correspondre à un malaise sur le plan psychique, en fonction de la représentation de la grossesse par chaque femme (Spiess, 2002).
- Pendant un période de la grossesse qui correspond globalement au premier trimestre, il existe un « blanc d’enfant » (Aulignier, 1964) pendant laquelle l’enfant est éliminé au profit du vécu et de la représentation d’être enceinte. La femme enceinte rêve à la fois d’elle-même étant enfant, mais aussi de l’enfant à naitre qu’elle porte. Au cours de la grossesse, les fantasmes de la femme se portent à la fois sur les fantasmes maternels et les fantasmes anciens. Il existe des femmes qui ne parviennent pas à se représenter le bébé à venir, d’où le « blanc d’enfant » (Riazuelo, 2003). Soulé (1981) décrit le début de la grossesse comme un « blanc d’enfant » c’est-à-dire comme un vide de l’imagination dans lequel la représentation de l’enfant est le plus souvent absente et les vécus de la femme centrés sur les représentations de sa grossesse. L’image de l’enfant apparaît essentiellement sur un plan imaginaire et fantasmatique (Lebovici,1983). Alors que « l’enfant imaginaire se situe à l’intérieur des fantaisies conscientes et réalistes de la femme et peut-être partagé avec son partenaire, « l’enfant fantasmatique » a ses racines dans ses fantaisies inconscientes infantiles et est relié aux relations objectales et aux dynamismes des représentations parentales. Soulé (1990) insiste sur le fait que le développement de l’enfant dans l’esprit des parents dépend aussi de la capacité maternelle et paternelle de fantasmer sur lui. Cela pouvait s’illustrer par les mères qui tricotaient des vêtements de naissance, plus rare de nos jours. Ce travail assumerait alors l’importante fonction de solliciter chez la femme une relation avec l’enfant imaginaire et en même temps avec le corps de l’enfant réel par la fabrication d’un « utérus de laine extérieur au corps » fait par la mère pour contenir l’enfant et lui donner sa chaleur.
- L’apparition des mouvements fœtaux et l’échographie qui rend possible la visualisation de l’enfant du dedans peuvent faciliter une relation plus concrète entre la mère et l’enfant, étape nécessaire à la mise en marche du processus de différenciation.
- Les indices d’une reconnaissance initiale de l’autonomie de l’enfant sont donnés par le choix du prénom ou des prénoms, les expectatives sur le sexe, la préparation des espaces et du trousseau de l’enfant.
- Deuxième partie : Questions liées aux perceptions, émotions positives et négatives, fantaisies. Espace de l’enfant intérieur. Reconnaissance par le fœtus d’une configuration et de caractéristiques de plus en plus précises. Parler de plus en plus du bébé, de l’enfant dans le discours et donc de le considérer progressivement comme un être séparé de soi.
La femme reconnait réellement le bébé comme un être qui existe vraiment lorsque celui-ci commence à bouger : « Les premières fois que je l’ai senti bouger, je me suis dit… ah oui, il est vraiment là » (Madame A).
De manière générale, c’est l’échographie qui donne une réalité au bébé imaginaire. Cependant, même en l’absence de l’échographie, les mouvements du fœtus que peut sentir la mère lui permet de reconnaitre que le bébé existe réellement (Stern, 2009).
Les mouvements fœtaux accélèrent la formation du lien avec le fœtus et le fait de le reconnaitre comme une être séparé. La femme voit les mouvements de son fœtus comme une forme de communication, d’interaction. Et de fait, la représentation du bébé devient de plus en plus concrète. Au fur et à mesure que le terme avance, l’enfant du dedans est pensé comme un être de plus en plus autonome par ses propres mouvements, mais aussi par ses intentions.
Comme il est souligné dans la littérature (Pines, 1972), le déséquilibre émotif et la conséquente vulnérabilité psychologique de la femme enceinte vont vers un processus de régression normal qui permet à la femme de s’identifier avec le fœtus. Les changements de l’image corporelle sont accompagnés par une augmentation de l’investissement sur le soi, une régression et la sensations d’une passivité accrue. La femme récapitule tout le développement de la relation avec sa mère : à certains moments, elle s’identifie totalement avec le fœtus à l’intérieur d’elle, alors qu’à d’autres moments, elle manifeste des tendances contraires en s’identifiant avec une mère active envers son enfant qui va naitre.
L’interaction que madame A vit et relate avec son enfant du dedans par les mouvements fœtaux fait penser au concept de « préoccupation maternelle primaire » décrit par Winnicott (1956), c’est-à-dire à un état de haute sensibilité qui permet la création d’un « espace potentiel » dans lequel la mère peut essayer de développer la relation avec son enfant dans une zone intermédiaire entre fantaisie et réalité, entre réalité intérieure et réalité extérieure. L’interaction imaginée décrite est une relation qui a de bonnes possibilités de devenir source de réassurance et de sécurité pour les deux partenaires.
Pour madame J, la première échographie lui permettait d’observer le bébé, alors qu’au niveau de son corps, aucun changement important n’a été observé. Elle considérait ce phénomène comme étrange : « C’était bizarre, car moi physiquement, je n’avais pas changé ».
Comme Spiess (2002) le décrit, cette sensation étrange qu’éprouve madame J résulte du fait que l’embryon est considéré comme neutre jusqu’au jour où la face cachée devient visible lors de l’échographie. En début de grossesse, la femme a une image de soi confuse. Lors du premier examen échographique, elle perçoit le fœtus en éprouvant des sentiments d’étrangeté, de confusion, ou encore de non reconnaissance de soi. « Mais l’état d’indistinction corporelle entre mère et fœtus fait d’abord naître le vacillement et l’ambivalence en tant que s’y repropose sous forme inversé l’expérience fusionnel primaire » (Spiess, 2002, p.49).
- Le corps pendant la grossesse est le lieu de transformation progressives qui devraient être acceptées et intégrées au fur et à mesure qu’elles ont lieu à l’image corporelle préexistante (Barry,1980). Les changements qu’il faut affronter peuvent toutefois concerner le travail. Ainsi Madame S semble avoir des difficultés à éprouver ses changements (fatiguée, doit ralentir le rythme). Cette apparente rigidité peut certes traduire une ambivalence psychique (continuer comme avant la grossesse), mais peut aussi refléter une réalité économique liée à des conditions de travail précaires (contrats ) ou à un emploi de dirigeant à la tête de sa propre entreprise. Madame S le souligne : « si je ralentis, qui va s’occuper des commandes… », « comment l’entreprise va-t-elle tourner ? ». Il est aussi possible d’y ajouter une pression sociale. La phrase « être enceinte n’est pas une maladie » balaie aussi toute problématique et tous les symptômes qui pourraient nécessiter un arrêt maladie parce que trop contraignants avec une activité professionnelle.
4.2. Analyse des dessins
Le temps du dessin a donné lieu à des échanges détaillés et riches autour de l’enfant du dedans. Mais il est important de préciser que les femmes enceintes étaient toutes intéressées par la recherche et dans ce sens, disposées à parler de leur grossesse. Même si la demande du dessin les a un peu surprises (plus ou moins), elles ne le considéraient que comme un moyen de prolonger leur récit sur leur grossesse.
Toutefois, il est possible de supposer que dans le cas de femmes vivant difficilement leur grossesse (complications psychologiques ou physiologiques), se dessiner peut représenter une épreuve particulièrement difficile.
5. Discussion
5.1. Discussion de la méthodologie
Les entretiens réalisés permettent aux femmes enceintes d’exprimer ce qu’elles ressentent à un moment où l’ensemble du milieu médical et familial accorde prioritairement son intérêt au bébé. Cela permet à la femme de retrouver l’écho de sa voix personnelle, l’écho de son narcissisme.
En ce qui concerne le dessin, il a d’abord été comme un élément qui permettrait de clôturer l’entretien sur une autre modalité d’échange, une manière de dire (sans le dire) : « avez-vous d’autre choses à me dire sur votre grossesse ? Mais il a été un temps d’échange, support de projections, et a pris une part entière dans l’entretien. Il a effectivement semblé être un médiateur, comme s’il est plus facile pour ces femmes de se livrer sur leur intimité (leur grossesse) en dessinant ce « en dedans », le regard sur leur feuille et non plus soumis à notre attention. Comme s’il était plus facile pour nous de poser les questions avec cette feuille comme intermédiaire. Même lors de notre entretien téléphonique avec Madame E, le dessin a pris toute sa place. Pourtant, cet entretien à distance excluait le regard entre nous. Mais pendant le temps du dessin, nous avons senti un discours fluide, ponctué d’anecdotes, d’explications. L’attention de notre interlocuteur semblait portée sur ce moment qui facilitait l’émergence et l’expression.
Lors du premier entretien de Madame S, nous avons eu tendance à poser les questions un peu trop rapidement, laissant peu de temps au sujet d’élaborer, d’associer librement ses idées. Trop parler aussi, ne laissant pas la place aux silences, parfois nécessaires comme nous avons pu nous en rendre compte lors des entretiens ultérieurs, à la reprise possible du discours. De plus, nous avions en tête nos questions d’une manière trop présente, ce qui, peut être, nous rendait moins disponible à l’écoute de l’autre. Nous avions cette impression que d’oublier des questions mettrait presque à défaut notre recherche, car de fait nous perdrions des réponses. En fait, nous avons appréhendé que poser une question et laisser la femme s’exprimer dans une écoute attentive et bienveillante permettait d’avoir les réponses espérées sans les questions. Les échanges devenaient plus fluides, riches.
A la prise de conscience du fait que le second entretien ne sera pas réalisé comme initialement, compte tenu de la crise sanitaire, nous avons envisagé et fait le « deuil » de cette perte. Nous avons commencé en relisant nos verbatim à trouver des informations, faire des liens que nous n’avons pas fait la première fois. Certainement plus disponible alors au matériel clinique en notre possession et non plus dans l’attente de ce que nous ne pourrons pas avoir, nous n’avons plus cherché à combler ces seconds entretiens en cherchant d’autres femmes enceintes à interviewer.
Les difficultés rencontrées lors de la recherche sont essentiellement :
- Le recrutement de femmes enceintes dans leur premier trimestre de grossesse ;
- Le recrutement de femmes intéressées et disponibles pour deux entretiens de recherche ; et
- L’absence d’homogénéité dans l’échantillon du fait de la crise sanitaire : (grossesse primipare et deuxième pare), pas de second entretien (Madame J, Madame A), et une modalité d’entretien différente (par téléphone).
Le confinement a également eu des impacts sur les entretiens, notamment une impression d’avoir réalisée une étude inachevée et insuffisante. Néanmoins, les entretiens par téléphone ont permis de mettre en avant une attention particulière sur le discours (les mots employés, la construction du discours, les silences, hésitations…). Il a donc été possible de reprendre notre recherche sur des modalités différentes.
Par ailleurs, il a également été difficile de devoir interrompre le stage à un moment où nous commencions à y avoir une participation de plus en plus active après une longue phase d’observation nécessaire.
5.2. Discussion de résultats
L’entretien réalisé invite la femme à explorer ses émotions à l’annonce de sa grossesse et comment elle a affronté ses circonstances : désir de partager ou non la nouvelle, ses éventuelles réactions physiques. Cet aspect rend compte du fait qu’il y a une autre vie en elle et renseigne beaucoup sur les émotions de la femme enceinte, comment elle a accueilli sa maternité. Quand la grossesse est confirmée, elle devient une réalité avec laquelle il faudra s’adapter, s’ajuster tant intérieurement qu’extérieurement. Dans les entretiens cliniques réalisés, lors de début de grossesse, elles attendent souvent les trois premiers mois pour annoncer leur grossesse à leur entourage. Elles soulignent l’incertitude des trois premiers mois au niveau médical mais c’est aussi comme si elles préservaient encore une certaine distance avec cet autre hébergée en elle. Il est là, mais pas certain qu’il reste. Et même s’il est là, elles ne le ressentent pas. Elles sont enceintes mais sans évoquer cet autre en elle.
Concernant les émotions et les changements au cours de la grossesse de la femme dans sa vie personnelle, l’idée de l’entretien est de percevoir le tissu émotif qui caractérise la grossesse, ainsi que la disposition de la femme à affronter les changements. Une orientation flexible de la mère est perceptible quand elle décrit des épisodes (réaménagement de son emploi du temps avec des moments de pause plus longs, réguliers, adaptés à son état de fatigue par exemple) et permet de retrouver chez elle une capacité à affronter les différents changements physiques et émotionnels liés à sa grossesse. Cette orientation peut être lié au rôle important du « soi réflexif » décrit par Fonagy (1992) comme « observateur de la vie mentale » et qui a aussi une opinion de l’esprit de l’autre.
Etre enceinte confirme à la femme sa capacité de procréer. Même dans le cas d’une seconde grossesse, il s’agit d’une quête de réassurance quant à sa fécondité. Cette question s’associe à celle de la contraception : elle est le revers de la contraception, qui induit le leurre de l’enfant « programmable » et de la maitrise de la procréation. Il crée de l’inquiétude quand cela prend plus de temps que celui imaginé et pensé. Dès le début de la gestation, quelque chose échappe à la maitrise. La grossesse s’annonce trop vite ou bien quand la femme n’y croyait plus.
Concernant le vécu de la première et de la seconde grossesse, le premier enfant réorganise l’ordre générationnel. Pour la seconde grossesse, la femme affirme son identité de mère.
Conclusion
En guise de conclusion, les différentes étapes réalisées dans le cadre du présent travail ont permis de comprendre le processus d’indifférenciation et de différenciation de la femme avec son fœtus lors de la grossesse.
D’abord, la femme enceinte passe par un processus d’indifférenciation du fait que la relation objectale est modifiée. Moi et autrui sont alors confondus. Progressivement, la femme parvient à se différencier du fœtus, car ce dernier s’objectalise et devient l’enfant à venir, différent de la mère.
Dans certaines cultures, le placenta est enterré, parfois même dans un lieu tenu secret dans l’idée de couper le cordon de façon définitive : ce qui est enterré ne pourra donc pas revenir hanter l’enfant tel un fantôme. C’est ce qui est appelé le « paradis » dans certains mythes : la fusion prétendue parfaite du temps prénatal. L’enterrement du placenta est un rituel de coupure, de séparation, qui devrait garantir son refoulement. Toute l’évolution du fœtus et plus tard de l’enfant passe par le même processus : c’est la perte d’un lien fusionnel qui permet un progrès.
Dans nos sociétés, il y a encore un siècle, le placenta est souvent enterré. Aujourd’hui apparait une nouvelle mode, illégale en France, mais autorisée aux Etats-Unis : celle de l’ingestion du placenta par la mère (placentophagie), pour des raisons de santé, ou pour un retour à la nature.
Mais peut-être s’agit-il pour la mère d’un refus de la perte du lien fusionnel provoquée par la naissance. Le placenta digéré fait à nouveau partie de son corps. Ainsi se reconstitue, pour elle, la fusion primitive perdue.
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Annexes
Annexe 1 : Grille d’entretien semi-directif
Annexe 2 : Formulaire de consentement
Annexe 3 : Entretiens retranscrits
Annexe 4 : Dessins réalisés par les femmes enceintes
Annexe 1 : Grille d’entretien semi-directif
Première partie : Questions sur les émotions et changements au cours des premiers mois de la grossesse. Pour mettre en lumière les préoccupations autocentrées de la mère : elle se sent enceinte mais pas enceinte de. Pas de représentation de l’enfant.
- Avez-vous ressenti quelque chose de particulier à l’annonce de votre grossesse ? Si oui, qu’avez-vous ressenti ?
- Est-ce que vous avez l’impression que le fait d’être enceinte a modifié vos relations avec votre entourage (Entourage proche, famille, amis collègues) : changements d’humeur, émotions différentes, etc… ? (États d’âme, humeur variable, émotions différentes avant/après grossesse)
- Votre grossesse a-t-elle modifié vos habitudes, vos activités, votre rythme de travail ?
- Avez-vous ressenti quelques désagréments liés à la grossesse ? Si oui lesquels ? (Nausées, vomissements, altération du sommeil…)
Deuxième partie : Questions liées aux perceptions, émotions positives et négatives, fantaisies. Espace de l’enfant intérieur. Reconnaissance par le fœtus d’une configuration et de caractéristiques de plus en plus précises. Parler de plus en plus du bébé, de l’enfant dans le discours et donc de le considérer progressivement comme un être séparé de soi.
- Ressentez-vous la présence de votre bébé ? Si oui depuis combien de temps, de quelle manière ? (Premiers mouvements fœtaux, échographie)
- Vous est-il arrivé d’imaginer votre enfant ? (Sexe, caractéristiques physiques et caractère). Depuis combien de temps ?
- Vous est-il arrivé de rêver de votre enfant la nuit ?
- Avez-vous commencé à réfléchir à un prénom ?
- Avez-vous commencé à préparer l’arrivée de votre enfant ? Si oui de quelle manière ? (Chambre…)
Troisième partie : Différence en terme de sensations (être enceinte) et de représentations de l’enfant entre une première et une seconde grossesse.
- Si vous avez vécu des inconvénients au début de votre grossesse, avez-vous vécu les mêmes pour votre seconde grossesse ? Des différences ? Les avez-vous ressentis de la même manière ?
- Si vous pensez à votre enfant, qu’est ce qui change par rapport à votre première grossesse ?
Annexe 2 : Formulaire de consentement
Annexe 3 : Entretiens retranscrits
- Entretien de Madame S
Première partie : Questions sur les émotions et changements au cours des premiers mois de la grossesse. Pour mettre en lumière les préoccupations autocentrées de la mère : elle se sent enceinte mais pas enceinte de. Pas de représentation de l’enfant.
- Avez-vous ressenti quelque chose de particulier à l’annonce de votre grossesse ? Si oui, qu’avez-vous ressenti ?
J’étais contente…cela faisait deux ans qu’on essayait depuis la naissance de T…oui j’étais contente, je ne suis pas toute jeune donc voilà. J’avais arrêté la pilule mais ça ne venait pas, et puis on a laissé faire.
- Est-ce que vous avez l’impression que le fait d’être enceinte a modifié vos relations avec votre entourage (Entourage proche, famille, amis collègues) : changements d’humeur, émotions différentes, etc… ? (États d’âme, humeur variable, émotions différentes avant/après grossesse)
(Réfléchit) franchement non (silence).
Quand nous lui demandons si cela a modifié son humeur par exemple…
Oui, peut-être.
- Votre grossesse a-t-elle modifié vos habitudes, vos activités, votre rythme de travail ?
A mon travail, je fais attention à ne pas trop porter… mais je travaille beaucoup- là je commence à me sentir fatiguée, depuis que je suis dans le 6ème mois mais bon c’est normal, non ? Pour T, j’ai été alité pendant un mois. J’ai dû faire tout mon travail allongé…les commandes, l’ordi, j’avais tout à côté de moi et je travaillais allongé. C’était dur alors je fais attention.
- Avez-vous ressenti quelques désagréments liés à la grossesse ? Si oui lesquels ? (Nausées, vomissements, altération du sommeil…)
Non.
Quand nous lui parlons de nausées, vomissements.
Oui, les premiers mois mais après non.
Le sommeil ?
Oui, je me sens fatiguée maintenant mais c’est normal
Deuxième partie : Questions liées aux perceptions, émotions positives et négatives, fantaisies. Espace de l’enfant intérieur. Reconnaissance par le fœtus d’une configuration et de caractéristiques de plus en plus précises. Parler de plus en plus du bébé, de l’enfant dans le discours et donc de le considérer progressivement comme un être séparé de soi.
- Ressentez-vous la présence de votre bébé ? Si oui depuis combien de temps, de quelle manière ? (Premiers mouvements fœtaux, échographie)
Oui, quand on me l’a montré à la première écho mais avant non… de toute manière on ne le sent pas avant non ? Mais maintenant je le sens (se touche le ventre).
- Vous est-il arrivé d’imaginer votre enfant ? (Sexe, caractéristiques physiques et caractère). Depuis combien de temps ?
Non je n’aime pas me projeter…je suis comme ça. J’ai vécu des fausses couches avant T alors…je préfère voir au jour le jour. J’ai commencé à prévoir deux, trois choses…ma valise pour la maternité, des petits trucs comme ça mais j’ai le temps. En fait avec mon travail je n’ai pas le temps. J’ai six personnes sous ma responsabilité dans mon travail, j’ai pleins de choses à faire qui me demande de me concentrer, d’être présente…euh…psychiquement. Je n’ai pas le temps d’imaginer mon bébé. Le soir parfois j’y pense ou le week-end quand je suis au calme. (Se caresse le ventre)
Et puis c’est un deuxième enfant aussi donc je connais. Pour le premier j’avais pris des cours avec une sage-femme pour apprendre à faire des biberons. Là je n’en ai pas besoin.
- Entretien de Madame A
Première partie : Questions sur les émotions et changements au cours des premiers mois de la grossesse. Pour mettre en lumière les préoccupations autocentrées de la mère : elle se sent enceinte mais pas enceinte de. Pas de représentation de l’enfant.
- Avez-vous ressenti quelque chose de particulier à l’annonce de votre grossesse ? Si oui, qu’avez-vous ressenti ?
J’ai appris ma grossesse par hasard. Ça ne venait pas donc mon médecin a demandé que je fasse une prise de sang pour voir s’il n’y avait pas de problème. Et c’est là que j’ai appris que j’étais enceinte. Je l’ai dit le soir même à mon mari, j’étais trop contente ! Par contre, on l’a annoncée plus tard à ma famille, notre entourage.
- Est-ce que vous avez l’impression que le fait d’être enceinte a modifié vos relations avec votre entourage (Entourage proche, famille, amis collègues) : changements d’humeur, émotions différentes, etc… ? (États d’âme, humeur variable, émotions différentes avant/après grossesse)
J’étais plus énervée parfois mais c’était surtout dû à la fatigue. Depuis que j’ai été en arrêt maladie ça allait mieux. Avant je faisais les lessives…et toutes les tâches ménagères le soir. Maintenant je fais ça tranquillement quand A est à la crèche. Du coup quand je le récupère le soir je suis moins énervé, plus tranquille.
- Votre grossesse a-t-elle modifié vos habitudes, vos activités, votre rythme de travail ?
Cette grossesse a complétement chamboulé mon rythme de travail. Pour A j’avais travaillé jusqu’au bout, jusqu’à mon congé maternité. Là je suis en arrêt depuis janvier et encore j’avais déjà eu quelques arrêts maladies sur novembre. J’étais beaucoup plus fatiguée…pas facile de rentrer le soir à la maison et de s’occuper d’un petit de 20 mois. A l’échographie, on m’a dit que le bébé était trop petit, qu’il ne grossissait pas assez, qu’il fallait donc que je me repose. Ça n’a pas été évident de laisser mes élèves…je suis institutrice et j’aime beaucoup mon métier. Je n’ai pratiquement jamais été arrêté avant cette grossesse…et je me disais que j’étais enceinte, pas malade.
- Avez-vous ressenti quelques désagréments liés à la grossesse ? Si oui lesquels ? (Nausées, vomissements, altération du sommeil…)
J’ai eu beaucoup de nausées. En fait du moment où j’ai appris que j’étais enceinte jusqu’au troisième mois de grossesse. Je n’avais plus faim, j’avais perdu beaucoup de poids. Et puis, les nausées se sont arrêtés au second trimestre. Le second trimestre c’est magique…en ce moment, je me sens bien aussi mais bon je me sens lourde (rires).
Deuxième partie : Questions liées aux perceptions, émotions positives et négatives, fantaisies. Espace de l’enfant intérieur. Reconnaissance par le fœtus d’une configuration et de caractéristiques de plus en plus précises. Parler de plus en plus du bébé, de l’enfant dans le discours et donc de le considérer progressivement comme un être séparé de soi.
- Ressentez-vous la présence de votre bébé ? Si oui depuis combien de temps, de quelle manière ? (Premiers mouvements fœtaux, échographie)
Vers 4-5 mois, je l’ai senti bouger, ça me faisait comme des « petites bulles ». Je sentais qu’il était là. A la première échographie aussi, on sait que c’est un bébé, on le voit. Mais le sentir en soi c’est une autre dimension. Avant trois mois, on sait qu’il y a un bébé, on l’aime déjà mais ça reste abstrait.
- Vous est-il arrivé d’imaginer votre enfant ? (Sexe, caractéristiques physiques et caractère). Depuis combien de temps ?
Je l’imagine plus en fonction de son caractère. Et puis je me demande quelquefois s’il aura des cheveux blonds et des yeux bleus comme A (son premier fils) et mon mari ou des cheveux blonds et des yeux marrons comme moi. On n’a pas voulu connaître le sexe comme pour le premier d’ailleurs. Du moment qu’il est en bonne santé…c’est ce qui nous apporte. Du coup quand je l’imagine, je l’imagine asexué…enfin je ne pense pas qu’il va être asexué mais je l’imagine comme un peu fille, un peu garçon. Et le plus souvent au niveau de son caractère, sans trop penser s’il sera une fille ou un garçon.
- Vous est-il arrivé de rêver de votre enfant la nuit ?
J’ai rêvé de lui la nuit mais plus au niveau du caractère qu’il pourrait avoir et aussi des moments ensemble…lui avec moi, mon mari et A avec lui.
- Avez-vous commencé à réfléchir à un prénom ?
Nous avons réfléchi à un prénom de fille et de garçon.
- Avez-vous commencé à préparer l’arrivée de votre enfant ? Si oui de quelle manière ? (Chambre…)
On a le lit, le siège auto…là je trie les vêtements. Ma valise pour la maternité est prête. A est é avec un mois d’avance, alors je me prépare.
Troisième partie : Différence en terme de sensations (être enceinte) et de représentations de l’enfant entre une première et une seconde grossesse.
- Si vous avez vécu des inconvénients au début de votre grossesse, avez-vous vécu les mêmes pour votre seconde grossesse ? Des différences ? Les avez-vous ressentis de la même manière ?
Au niveau des symptômes, ce sont presque les mêmes. Mais il y a des choses que je ne referai pas…des erreurs…enfin bon je sais que j’en referai d’autres. Mais cela concerne plus mon positionnement. J’ai accepté des choses que je n’accepterais plus. Par exemple, quand j’ai accouché d’A j’ai eu beaucoup de visites à la maternité. Parfois je n’en avais pas spécialement envie mais c’était le premier, je voulais faire plaisir à tout le monde. Là j’ai prévenu…à la maternité, je ne voudrai voir que mon mari. Point. Et rester avec mon bébé. J’ai tranché…c’est mon bébé, c’est moi qui décide.
- Entretien de Madame E
Première partie : Questions sur les émotions et changements au cours des premiers mois de la grossesse. Pour mettre en lumière les préoccupations autocentrées de la mère : elle se sent enceinte mais pas enceinte de. Pas de représentation de l’enfant.
- Avez-vous ressenti quelque chose de particulier à l’annonce de votre grossesse ? Si oui, qu’avez-vous ressenti ?
Nous étions en vacances en juillet. Fin juillet, j’ai eu un retard de règles. J’ai acheté un test, je l’ai fait et c’est J (mon conjoint) qui a lu le résultat. J’ai déjà fait une fausse couche alors on a attendu les 3 mois pour l’annoncer. En fait, on a attendu l’échographie du 3ème mois. On était très stressé. Mais le gynécologue a su nous rassurer. C’est lui qui me suivait déjà pour ma première grossesse. Alors il nous a tout de suis dit : « tout va bien » et il a branché l’appareil pour qu’on puisse écouter le cœur du bébé. Le week-end qui a suivi on a fait un repas surprise avec notre famille (nos parents et nos frères et sœurs) pour leur annoncer la nouvelle. Par contre, on leur a demandé de ne rien acheter pour le bébé à Noel…je pense qu’on était à la fois rassurés (écho des 3 mois) mais encore un peu stressé…
La première fois aussi on avait aussi attendu 3 mois pour l’annoncer. Heureusement. J’ai fait une fausse couche mais personne ne savait que j’étais enceinte. Donc personne n’a su.
- Est-ce que vous avez l’impression que le fait d’être enceinte a modifié vos relations avec votre entourage (Entourage proche, famille, amis collègues) : changements d’humeur, émotions différentes, etc… ? (États d’âme, humeur variable, émotions différentes avant/après grossesse)
Quand je l’ai annoncé à mes parents lors du dîner surprise, je sentais qu’il fallait que j’en reparle avec eux. Ils étaient contents mais ils m’ont dit qu’ils avaient besoin de temps pour… comment dire… accuser le coup. Ils m’ont dit qu’ils venaient de comprendre qu’ils allaient du coup devenir grand parent. C’est vrai ce n’est pas évident pour eux non plus…je n’étais plus leur petite fille. En plus ils ne s’y attendaient pas. On leur parlait beaucoup de nos projets de voyages et ils pensaient peut-être que nous allions leur parler d’un projet en ce sens.
- Votre grossesse a-t-elle modifié vos habitudes, vos activités, votre rythme de travail ?
J’étais très fatiguée. J’ai pris mon heure de grossesse à partir du 3ème mois. Mais à part cette heure en moins je n’ai pas modifié mon rythme de travail. J’ai effectué toutes mes missions de travail. Mes collègues étaient bienveillants.
(Vous m’avez parlé de votre rythme de travail, pouvez- vous me dire ce qu’il en était de vos autres activités ?)
Je suis très sportive : je vais à la piscine, fait du sport en salle…mais dès que j’ai su que j’attendais un enfant j’ai tout arrêté. Je ne voulais pas prendre de risque. Pour ma première grossesse, j’avais tout fait comme d’habitude. Là non. Enfin si j’ai gardé la marche et j’allais à la piscine une fois par semaine avec J et mon papa qui est à la retraite. J’ai arrêté en janvier car il commençait à faire trop froid.
- Avez-vous ressenti quelques désagréments liés à la grossesse ? Si oui lesquels ? (Nausées, vomissements, altération du sommeil…)
J’ai eu beaucoup de nausées, envie de vomis pendant les trois premiers mois. Surtout le matin et après 18h. J’avais besoin de fractionner mes repas. Quand je revenais du travail J me faisait des tartines au fromages ce qui me permettait de tenir, sans trop de nausées, jusqu’au repas du soir.
Deuxième partie : Questions liées aux perceptions, émotions positives et négatives, fantaisies. Espace de l’enfant intérieur. Reconnaissance par le fœtus d’une configuration et de caractéristiques de plus en plus précises. Parler de plus en plus du bébé, de l’enfant dans le discours et donc de le considérer progressivement comme un être séparé de soi.
- Ressentez-vous la présence de votre bébé ? Si oui depuis combien de temps, de quelle manière ? (Premiers mouvements fœtaux, échographie)
Bizarrement, pas vraiment à la première échographie. On savait qu’il allait bien, le gynéco nous l’avait dit…on a entendu son cœur battre, on était rassuré. L’écho du 3ème mois a été un vrai moment d’angoisse avant de devenir un moment de soulagement. C’est le même gynéco qui m’avait suivi quand j’ai fait ma fausse couche. Donc il a fait attention…il nous rapidement rassurés, il a branché presque tout de suite l’appareil pour qu’on entende le cœur du bébé. Et quand il ne parlait pas…il nous expliquait que tout allait bien mais qu’il avait besoin de se concentrer pour faire des mesures. Mais je n’avais pas cette sensation qu’il était en moi. Et puis, quand j’étais enceinte de 4 mois, nous sommes partis en vacances loin…au soleil. On était assis sur nos transats et je l’ai senti bougé…des petites bulles. Là j’ai vraiment réalisé que j’étais réalisé que j’avais un bébé dans mon ventre…car je l’ai ressenti. Plus que de le sentir, ce sont les échographies tous les mois qui nous rassurait sur sa bonne santé et son bon développement. Mais ce sont les petites bulles qui m’ont fait vraiment réalisé qu’il y avait un bébé dans mon ventre.
Maintenant je le sens beaucoup, plus souvent. Et quand J s’approche de mon ventre et lui parle avec sa grosse voix…le bébé bouge
- Vous est-il arrivé d’imaginer votre enfant ? (Sexe, caractéristiques physiques et caractère). Depuis combien de temps ?
Oui mais pas tellement physiquement…on se pose plus des questions concernant son caractère : « est ce qu’il aura de l’humour ? ». On se dit qu’étant donné nos caractères…lui aussi aura un sacré caractère ! Et puis, on imagine aussi l’éducation…les valeurs qu’on voudrait lui transmettre. Par exemple, nous on aime beaucoup voyages, découvrir d’autres lieux, rencontrer de nouvelles personnes…on aimerait bien qu’il est le goût des voyages.
On a appris que c’était un garçon a 3 mois…presque. Lors de cette écho, le gynécologue nous a demandé si on voulait connaître le sexe…on ne s’y attendait pas mais on voulait savoir donc on a dit oui…Il nous a dit : « c’est un garçon », puis silence…on a même commencé à avoir un peu peur car il ne disait plus rien. Puis il a ajouté qu’il avait quand même un doute…qu’il ne fallait pas qu’on annonce le sexe tout de suite à notre entourage. Du coup on n’a rien dit pour le repas surprise avec nos familles. Juste ce qui était le principal pour nous de toute façon : on attend un bébé et il va bien.
Quand on l’imagine physiquement…je dis à J : « Est-ce qu’il a aura ton grand nez de profil ? » (Rires). J’aimerai bien qu’il ait les beaux yeux de J mais pas mes cheveux frisés ».
- Vous est-il arrivé de rêver de votre enfant la nuit ?
Rarement. Mais la nuit dernière j’ai justement rêvé de l’accouchement. C’était floue…mais je pense en fait que je suis un peu angoissée par rapport au confinement. J’ai peur que J ne puisse pas être présent. Et puis je me demande si le personnel soignant pourra être aussi disponible compte tenu des événements actuels.
- Avez-vous commencé à réfléchir à un prénom ?
Oui on avait déjà choisi un prénom de garçon et presque (rires)…de fille un peu avant le 3ème mois. Et quand on a appris que c’était un garçon, on a gardé le prénom qu’on avait choisi. On le garde pour nous jusqu’au jour de la naissance. Et quand on parle au bébé on ne l’appelle pas par son prénom…on dit : « le petit bonhomme ».
- Avez-vous commencé à préparer l’arrivée de votre enfant ? Si oui de quelle manière ? (Chambre…)
Oui, la chambre, les vêtements sont prêts. On a vraiment commencé à le faire à partir du 5ème mois. Avant ce n’était pas possible…
- Entretien de Madame J
Première partie : Questions sur les émotions et changements au cours des premiers mois de la grossesse. Pour mettre en lumière les préoccupations autocentrées de la mère : elle se sent enceinte mais pas enceinte de. Pas de représentation de l’enfant.
- Avez-vous ressenti quelque chose de particulier à l’annonce de votre grossesse ? Si oui, qu’avez-vous ressenti ?
On a décidé d’avoir un second enfant à partir de cet été. En septembre j’ai eu un retard de règles et j’ai cru que j’étais enceinte. Mais le test était négatif. J’étais très déçue. Du coup en octobre quand j’ai eu un retard de règle, je n’ai rien dit j’ai attendu un peu, j’avais peur de me précipiter et d’être déçue. J’ai fait un test…il était positif. J’étais heureuse…et soulagée aussi. Pour J (le premier enfant de Madame L), j’ai été enceinte quasiment tout de suite après avoir arrêté la pilule. Alors là comme ce n’est pas venu tout de suite, je commençais à m’inquiéter. Je l’ai annoncé tout de suite à mon mari, je ne pouvais pas attendre. On voulait attendre 3 mois pour l’annoncer à notre famille, nos amis car on ne sait pas ce qui peut se passer avant trois mois mais avec les fêtes de fin d’année et ce que ça implique… (elle précise) je parle des restrictions alimentaires. Donc finalement on l’a dit fin décembre.
- Est-ce que vous avez l’impression que le fait d’être enceinte a modifié vos relations avec votre entourage (Entourage proche, famille, amis collègues) : changements d’humeur, émotions différentes, etc… ? (États d’âme, humeur variable, émotions différentes avant/après grossesse)
Je n’ai pas ralenti mon rythme de travail. Mais lors de ma seconde échographie on m’a dit que le bébé était assez petit et que cela peut être dû au fait que j’ai un rythme trop intense. Alors mon employeur m’a incitée à ma ménager…à prendre des pauses plus longues.
- Votre grossesse a-t-elle modifié vos habitudes, vos activités, votre rythme de travail ?
Je n’ai jamais eu de nausées, je n’ai jamais vomi. Mais je suis fatiguée et plus émotive aussi.
Deuxième partie : Questions liées aux perceptions, émotions positives et négatives, fantaisies. Espace de l’enfant intérieur. Reconnaissance par le fœtus d’une configuration et de caractéristiques de plus en plus précises. Parler de plus en plus du bébé, de l’enfant dans le discours et donc de le considérer progressivement comme un être séparé de soi.
- Ressentez-vous la présence de votre bébé ? Si oui depuis combien de temps, de quelle manière ? (Premiers mouvements fœtaux, échographie)
Au premier trimestre, cela restait abstrait surtout que je n’ai pas eu de nausées…pour aucune de mes deux grossesses d’ailleurs. C’est juste l’émotivité…oui je suis plus émotive. Lors de la première échographie, comme je l’ai vu, j’ai plus réalisé. Quand je le sens bouger, je sais qu’il est là…mais c’est en terme de perceptions, sensations…je ne me le représente pas encore.
- Vous est-il arrivé d’imaginer votre enfant ? (Sexe, caractéristiques physiques et caractère). Depuis combien de temps ?
(Silence) Un peu.
- Vous est-il arrivé de rêver de votre enfant la nuit ?
Oui mais c’était plutôt dû au stress. J’ai fait une échographie au début du 5ème moi et je devais en faire une autre contrôle le lendemain à l’hôpital. J’étais angoissée, j’avais peur…et c’est de ça dont j’ai rêvé.
- Avez-vous commencé à réfléchir à un prénom ?
Oui on avait commencé à y réfléchir au début de ma grossesse. Et quand on a appris récemment que c’était une fille, on a commencé à réfléchir à un prénom de fille.
- Avez-vous commencé à préparer l’arrivée de votre enfant ? Si oui de quelle manière ? (Chambre…)
Non pas vraiment…en fait nous allons bientôt déménager…donc on va utiliser l’ancien lit de J pour le bébé. La poussette on l’a déjà…le siège auto aussi. Oui en fait on a déjà réfléchi au niveau pratique…et puis si j’ai craqué ce weekend pour le premier vêtement…c’est vrai que pour les filles on craque plus facilement.
Troisième partie : Différence en terme de sensations (être enceinte) et de représentations de l’enfant entre une première et une seconde grossesse.
- Si vous avez vécu des inconvénients au début de votre grossesse, avez-vous vécu les mêmes pour votre seconde grossesse ? Des différences ? Les avez-vous ressentis de la même manière ?
Pour la première grossesse comme pour celle-ci je n’ai pas eu de nausées, juste une grande fatigue. Au début je n’ai pas senti de différence entre mes deux grossesse…d’ailleurs je pensais que c’était un garçon. Mais là je suis plus émotive, peut être plus stressée aussi. Parce que je sais ce que c’est d’avoir un enfant maintenant, ce que ça implique.
- Si vous pensez à votre enfant, qu’est ce qui change par rapport à votre première grossesse ?
Depuis que je sais que c’est une fille, je me pose beaucoup de questions sur les relations mère/fille parce que c’est compliqué parfois…alors je me demande comment ça va se passer.
Annexe 4 : Dessins réalisés par les femmes enceintes
- Dessin A, Madame J, enceinte de 6 mois
« Je ne sais pas dessiner mais je vais essayer…je vais le dessiner comme je pense qu’il est maintenant un peu près… Alors il y a le ventre, le placenta et puis le cordon. Il est gros mais il a encore de la place pour grandir…et voilà. »
- Dessin B, Madame A, enceinte de 6 mois et demi
« Alors je vais faire deux dessins…au début à 8 semaines de grossesses. Au premier écho, je l’appelais « mon petit haricot », voilà c’était un peu comme ça…mon ventre et mon petit haricot.
Après, je vais le dessiner maintenant…bon j’arrondis, j’écris 7 mois de grossesse car j’y suis vraiment presque. Depuis le second écho, on voyait bien que ça ressemblait à un bébé alors on l’a gardé le surnom qu’on lui a donné « Boudou ».
(Je lui demande si elle peut m’expliquer comment est venu ce surnom.)
« Oui, c’est grâce à mon fils ainé (2 ans ). Quand on lui a dit que j’étais enceinte, on lui a demandé comment il aimerait qu’on appelle le bébé quand il sortirait de mon ventre. Il a répondu « boudou » si c’est une fille et « …… » si c’est une fille. On a gardé Boudou, c’est mignon et ça ressemblait au surnom qu’avait donné mon mari à notre fils aîné quand il était dans mon ventre ».
- Dessin C, Madame E, enceinte de 7 mois
« Je peux le représenter ? Nous représenter… parce que je ne veux pas trop dessiner le bébé, j’ai peur de ne pas bien le dessiner, le faire moche. Alors que J et moi on est moche, ce n’est pas grave !!! Et je voudrai ben faire deux dessins… »
« Alors pour le premier, je vais dessiner un soleil…pas trop gros. Le soleil c’était quand à 3 mois de grossesse, le gynéco nous a dit que tout allait bien. On avait écouté son cœur. On était rassurés. »
« Et puis pour le second dessin, je vais dessiner J et moi et un cœur vert au milieu pour représenter le bébé. Notre bulle ».