Cet exemple de mémoire vous donne un aperçu des attentes académique relative à la rédaction de mémoire dans ce domaine de compétence.
TABLE DES MATIERES
1.1 – La notion d’hôpital : un établissement à part entière 7
1.2 – Le fonctionnement des hôpitaux en Belgique 8
1.2.1 – Les hôpitaux généraux 8
1.2.2 – Les hôpitaux psychiatriques 9
1.3 – Les problèmes rencontrés au niveau des hôpitaux 10
2 – Le métier d’infirmier et ses fondements 12
2.1 – L’infirmier : un acteur clé des établissements de santé 12
2.2 – L’infirmier en Belgique : missions et attributions 12
2.3 – Leur situation au regard de leur missions et attributions 13
3 – Le concept de conditions de travail et stress professionnel 15
3.1 – Les conditions de travail favorables comme une notion protégée par la loi 15
3.2 – Ses composantes, caractéristiques et conditions 15
3.3 – Les implications du bien-être au travail dans les établissements de santé 16
3.4 – Les difficultés d’application avant la pandémie et après la pandémie 16
1.1 – L’ethnométhodologie ou praticienne-chercheuse ? 17
1.1.1 – Définition de l’ethnométhodologie 17
1.1.2 – Praticienne-chercheuse : définition 17
1.2 – L’entretien semi-directif 18
2.1.1 – Mise en route du Plan d’Urgence Hospitalier (PUH) 19
2.1.2 – Le calme avant la tempête 21
2.1.3 – La peur et la colère qui s’installe 22
2.1.4 – Description de l’unité Covid dans lequel j’ai travaillé 23
2.1.4.1 – Effectifs et horaires avant la crise Covid 24
2.1.4.2 – Flexibilité des horaires pour la crise Covid 24
2.1.2 – Transformation du travail 25
2.1.2.1 – Renforcement de l’équipe et difficultés rencontrées : 25
2.1.2.2 – Ateliers sur les mesures de protection et appréhension du personnel 28
2.1.3 – Augmentation de la charge de travail 29
2.1.3.1 – Disparition des temps morts 29
2.1.3.2 – Tension au sein de l’équipe 30
2.1.4.1 – La fatigue physique 32
2.1.4.2 – La peur de manquer de matériel 33
2.1.4.3 – Contamination du personnel soignant 36
2.1.5 – Les soignants face aux patients, à la famille, à la mort 37
2.1.5.1 – Bouleversement du contact entre le patient et le soignant 37
2.1.5.2 – Quand la guérison tarde et que la mort guette 41
2.1.5.3 – Le soignant face à la mort 42
2.1.5.4 – Les soignants face à la famille 45
2.1.6 – L’ensemble des soignants animés par une colère 48
2.2 – Les résultats de la seconde observation par entretiens semi-directifs 52
2.2.1.2 – Avec l’arrivée du Covid 53
2.2.2.2 – Durant la crise Covid 55
2.2.3.1 – Avant l’arrivée du Covid 57
2.2.3.2 – Durant la crise Covid 57
2.2.4.1 – Avant l’arrivée du Covid 59
2.2.4.2 – Durant la crise Covid 60
2.2.5.1 – Avant l’arrivée du Covid 61
2.2.5.2 – Durant la crise Covid 62
2.2.6.1 – Avant l’arrivée du Covid 63
2.2.6.2 – Durant la crise Covid 63
Discussion sur la seconde observation 65
INTRODUCTION
Infirmière de formation depuis 15 ans et spécialisée comme instrumentiste et aide opératoire depuis 8ans, j’ai toujours exercé en milieu hospitalier. J’ai toujours été fascinée par ce milieu et il n’était pas question pour moi de travailler ailleurs que dans celui-ci. Aussi, à l’issue de mes études, j’ai signé un contrat de travail à durée indéterminée avec un hôpital public.
J’ai été accueillie par une infirmière beaucoup plus âgée dans le service dans lequel j’allais exercer, elle m’interpelle en me disant : « Qu’est ce qui t’a pris de faire ce métier de fou ? Bienvenu chez les fous ! »
Jeune et fraîchement diplômée, j’ai ri et je lui ai répondu : « J’ai toujours su que je voulais faire ce métier, c’est mon rêve depuis toute petite et si vous êtes fous et bien je vais le devenir avec vous ! »
C’est un souvenir que je n’oublierais jamais, souvenir car je n’y suis resté que durant six ans. En effet, un mal être commençait à se manifester en moi mais il n’était pas question d’arrêté. Aussi, j’ai changé de service et ai exercé dans celui du bloc opératoire durant sept ans. A l’issue de mes treize ans d’exercice dans le milieu hospitalier se manifeste alors le « burnout » avec la pression, la charge de travail importante, les horaires lourds et le stress intense de ce travail. J’étais préparée à ce genre de situation mais viennent également des notions comme les injonctions contradictoires, la non reconnaissance, la malveillance, la déshumanisation des soins, etc.
J’ai alors changé de voie mais toujours dans le même milieu en choisissant de revoir ma carrière et d’exercer en tant qu’indépendante complémentaire. Concrètement, j’exerce en tant qu’infirmière instrumentiste indépendante, j’ai des horaires plus flexibles et cela me permet de parcourir énormément d’hôpitaux et de voir tous les jours des infirmières épuisées, éreintées, dévalorisées. De plus avec la crise sanitaire, la situation empire.
J’ai constaté cela surtout lors d’un échange auquel j’ai assisté entre deux infirmières d’un bloc opératoire de Bruxelles juste avant la mise en place du plan d’urgence hospitalier (PUH) suite à la crise sanitaire m’avait laissé à réfléchir :
« Tu as vu ce qui se passe en Italie ? C’est en train d’arriver chez nous… Si on ferme le bloc et qu’on m’envoie travailler avec des malades contaminés, c’est sûr, je me mets en maladie… », Stéphanie, infirmière
Ah oui… Tu as peur ?
« Tu rigole, pour la reconnaissance que l’on a je ne vais pas risquer de mettre ma vie et celle de ma famille en danger… En plus, ça fait 16 ans que j’ai plus mis un pied dans un service hospitalier…» Stéphanie, infirmière
« Moi ça me fait très peur, autant lors des attentats de Bruxelles… Je ne dis pas, ça me suit encore, c’était horrible toutes ces blessures… Mais là je me dis que c’est comme un attentat puissance 1000, parce que tu vois… ce virus on le voit pas, il est invisible et tu peux te le choper à tout moment, là on risque notre propre santé et celle de nos familles… (long silence), mais je lâcherais pas mes collègues, moi j’ai besoin d’être sur le terrain, on verra comment tout ça sera organisé, parce que tu vois bien que ça grouille partout, y’a des réunions tous les jours mais on te dit rien… C’est comme d’habitude on est les premiers concernés et on sera mis face au fait accompli, pff… » Géraldine, infirmière.
Cet échange m’a faite réfléchir quant à l’attitude que je devais adopter durant cette crise, préserver ou annuler mes contrats ? Ou aller sur le terrain pour renforcer les équipes ?
Déjà que le personnel hospitalier était antérieurement à la crise sanitaire déjà en situation tendue à cause des mauvaises conditions de travail, la crise portée par le Covid-19 n’a fait qu’empirer les choses. C’est pourquoi j’ai choisi de porter mon attention sur cette question des conditions de travail du personnel de santé.
D’un, concernant la partie théorique, dans le premier chapitre, il s’agira de revenir sur la situation des établissements de santé publique en Belgique avant la crise portée par le Covid-19 et de voir les conséquences de cette dernière sur la situation déjà tendue. Dans le second chapitre, nous reviendrons brièvement sur le métier d’infirmier et ses fondements. Dans le troisième chapitre, on évoquera les concepts de conditions de travail et de stress professionnel.
De deux, concernant la partie pratique, nous parlerons d’entretiens qui ont été effectués auprès de personnels hospitaliers touchés de près ou de loin par la crise sanitaire Covid-19. Il sera question de présenter une méthodologie, les résultats et la discussion de ces résultats.
NOTIONS THEORIQUES
1 – Contextualisation
L’hôpital est un lieu important pour un État donné car il assure les soins des éventuels malades de la population, sa mission relève de l’intérêt général. Justement l’article 2 de la loi relative aux hôpitaux et à d’autres établissements de soins, coordonnée le 10 juin 2008 dispose que :
« (…) sont considérés comme hôpitaux, les établissements de soins de santé où des examens et/ou des traitements spécifiques de médecine spécialisée, relevant de la médecine, de la chirurgie et éventuellement de l’obstétrique, peuvent être effectués ou appliqués à tout moment dans un contexte pluridisciplinaire, dans les conditions de soins et le cadre médical, médico-technique, paramédical et logistique requis et appropriés, pour ou à des patients qui y sont admis et peuvent y séjourner, parce que leur état de santé exige cet ensemble de soins afin de traiter ou de soulager la maladie, de rétablir ou d’améliorer l’état de santé ou de stabiliser les lésions dans les plus brefs délais ».
On est alors face à un lieu qui se veut être un lieu de guérison ou d’accompagnement des malades et cela sur plusieurs maladies. De ce fait, il est un établissement à part entière dans le paysage étatique (1.1) et il fonctionne d’une manière spécifique en Belgique (1.2). Ce fonctionnement n’est toutefois pas exempt de vices (1.3) et encore plus avec la crise sanitaire actuelle (1.4).
1.1 – La notion d’hôpital : un établissement à part entière
L’hôpital se montre un établissement empreint de plusieurs concepts non seulement sur le plan sanitaire mais sur le plan social et reflète les aspirations et la puissance d’un État donné face à la prise en charge des éventuels malades. En effet, Pierre Panel évoque que :
« L’hôpital est souvent présenté comme le miroir de notre société, de ses détresses comme de ses joies, de ses limites comme de ses progrès. Plus encore, les valeurs qui sous-tendent l’hôpital public sont le reflet des valeurs qui fondent notre société : des valeurs humanistes en termes de santé physique et morale le respect de la dignité de chacun, la non-discrimination et l’égalité de traitement due à chaque citoyen » (Panel, 2007: 319).
L’hôpital n’est alors pas un simple établissement recueillant des malades même si c’est sa fonction primaire. Il sous-entend la prise en compte de la qualité des patients, de leur traitement et il en va même de leur vie, un hôpital enregistrant un taux important de décès ou de mauvaises prises en charge témoignera de l’inefficacité non seulement de l’établissement mais de l’État lui-même si l’on s’intéresse aux hôpitaux publics.
Le personnel hospitalier est aussi à prendre en considération dans l’appréhension de l’hôpital. Ce dernier est aussi un établissement à part entière car le personnel ne jouit pas des mêmes prérogatives horaires que les travailleurs lambda qui vont par exemple au bureau durant la journée et rentrent le soir. Le personnel hospitalier est tenu de veiller sur les patients de jour comme de nuit et sont également exposés à diverses maladies, ce qui fait que diverses tensions peuvent survenir car on fait l’équilibre entre la préservation de notre santé et de celle des patients.
1.2 – Le fonctionnement des hôpitaux en Belgique
En Belgique, on distingue deux types d’hôpitaux :
- Les hôpitaux généraux ;
- Les hôpitaux psychiatriques.
1.2.1 – Les hôpitaux généraux
Concernant les hôpitaux généraux, on distingue trois grands secteurs :
- Les services aigus : qui prennent en charge les patients dans la phase aigüe de leur maladie et qui comportent parfois des sections neuro-psychiatriques (Delvaux, 1986: 4) ;
- Les services spécialisés : qui se trouvent hors de l’hôpital-mère mais souvent dans un centre distinct et qui traitent d’un seul type de maladie très spécifique ou appliquent une technique médicale particulière (Delvaux, 1986: 4) ;
- Les services gériatriques : contrairement à ce que la dénomination peut laisser penser, ces services ne sont pas destinés aux personnes âgées, ce sont des services dont les soins sont axés sur la revalidation et sur les soins aux personnes souffrant de maladies de longue durée (Delvaux, 1986: 4).
On trouve également d’autres typologies dans les hôpitaux généraux : les hôpitaux universitaires1 (7 en 2019 (Horta, 2019: 6)), les hôpitaux à caractère universitaire2 (17 en 2019 (Horta, 2019: 6)) et les hôpitaux généraux classiques (79 en 2019 (Horta, 2019: 6). En 2019, on recensait 103 hôpitaux généraux dont 14 à Bruxelles, 52 en Flandres et 37 en Wallonie (Horta, 2019: 6).
Sur le point du fonctionnement, dans les hôpitaux généraux, on se retrouve avec des unités de soin dans chaque hôpital pour désigner les services. Chaque unité a sa spécialité pour chaque sous-groupe de patients. Chaque service au sein de l’hôpital doit répondre à des critères comme « la capacité minimale de lits, le taux d’occupation ou le niveau requis d’activité, l’équipement technique et le type et le nombre de personnel médical, paramédical et soignant » (Horta, 2019: 9).
1.2.2 – Les hôpitaux psychiatriques
Concernant les hôpitaux psychiatriques, ce sont des hôpitaux dont la dénomination ne peut prêter à confusion car ils sont réservés aux patients psychiatriques comme le dispose l’article 3 de la loi relative aux hôpitaux et à d’autres établissements publics : « Pour l’application de la présente loi coordonnée sont considérés comme hôpitaux psychiatriques, les hôpitaux exclusivement destinés à des patients psychiatriques ».
Dans ces hôpitaux, on enregistrait en 2019 3.995 lits psychiatriques (Horta, 2019: 8) destinés à prendre en charge uniquement de jour ou de nuit les patients présentant des troubles psychiques et devant être hospitalisés. Il s’agira d’observer et de traiter les neuropsychiatries des patients adultes ou enfants.
1.3 – Les problèmes rencontrés au niveau des hôpitaux
Les hôpitaux belges connaissent un personnel de santé vu comme à l’agonie car non seulement les conditions de travail sont déplorables mais il accuse un cruel manque de reconnaissance de la part de la hiérarchie mais aussi de la part de la société en général.
En effet, il a été vu que depuis le 04 juin 2019 : « le mouvement des blouses blanches est né pour dénoncer la dégradation des conditions de travail dans les soins de santé, l’augmentation de la charge de travail ou encore le manque de valorisation de leur profession. Tous les mardis de juin, ils ont mené des actions. Il y a aussi eu de nouvelles négociations entre les syndicats et les responsables des hôpitaux, mais le blocage est toujours là » (Lejeune & Vangeenderhuysen, 2019).
Il n’est pas alors question d’une simple défaillance mais réellement d’un problème récurrent et qui affecte le personnel soignant, d’où la nécessité de grèves pour améliorer les conditions et la charge de travail ainsi qu’une valorisation de leur fonction. C’est un problème qui n’est pas encore résolu et l’apparition de la crise sanitaire portée par le Covid-19 actuellement n’a fait qu’empirer les choses.
Le mois de mai a connu une augmentation du dépôt de préavis de grèves dans les hôpitaux et dans les maisons de repos (rtl.be, 2020) surtout pour des choix politiques et financiers jugés comme non appropriés, en effet il a été vu que : « Pour la CNE3, la publication des deux arrêtés royaux constitue “un véritable coup de poignard dans le dos” du personnel de santé après “l’abandon des MR-MRS (maisons de repos et maisons de repos et de soins) sans matériel ni dépistage, et après l’annonce de la reprise des visites dans ce même secteur, sans aucune concertation”. La centrale dénonce également l’intention de transférer le budget du fonds blouses blanches vers le budget des moyens financiers (BMF), “sans accord social préalable”. Elle demande au gouvernement de retirer ces textes avant le 31 mai et d’entamer une concertation avec les représentants syndicaux. Dans le cas contraire, des actions seront organisées dans les hôpitaux et les maisons de repos, dont des arrêts de travail, précise Yves Hellendorff, secrétaire national CNE Non Marchand »(rtl.be, 2020).
Les revendications sociales sont alors en pleine ébullition et ne sont pas prêtes de se calmer. Pour le cas des infirmiers, ils font partie du personnel de santé, aussi il importe d’en parler brièvement, c’est ce qui sera développé ci-après.
2 – Le métier d’infirmier et ses fondements
2.1 – L’infirmier : un acteur clé des établissements de santé
L’infirmier est un acteur clé des établissements de santé dans la mesure où il est un acteur de proximité dans ces établissements c’est-à-dire qu’il est lien direct entre le patient et l’établissement, il prend soin dans tous les aspects des maux d’un patient.
En Belgique, on distingue deux profils de fonction: les « prestataires de l’art infirmier » (PAI) versus les aides soignantes (Gobert et al., 2010: 10). Avec les PAI, on retrouve les infirmiers bacheliers, les infirmiers spécialisés, les infirmiers hospitaliers et les ASH (assistants en soins hospitaliers) (Gobert et al., 2010: 10).
Son importance peut être constaté à travers ses missions et ses attributions.
2.2 – L’infirmier en Belgique : missions et attributions
Les missions et attributions de l’infirmier sont disposées dans l’article 21 quinquies de l’arrêté royal n° 78 :
« On entend par exercice de l’art infirmier, l’accomplissement des activités suivantes :
a) – observer, identifier et établir l’état de santé sur les plans psychique, physique et social ; définir les problèmes en matière de soins infirmiers ;
– collaborer à l’établissement du diagnostic médical par le médecin et à l’exécution du traitement
prescrit ;
– informer et conseiller le patient et sa famille ;
– assurer une assistance continue, accomplir des actes ou aider à leur accomplissement en vue du maintien, de l’amélioration et du rétablissement de la santé de personnes et de groupes qu’ils soient sains ou malades ;
– assurer l’accompagnement des mourants et l’accompagnement lors du processus de deuil ;
b) les prestations techniques de l’art infirmier qui ne requièrent pas de prescription médicale ainsi que celles pour lesquelles elle est nécessaire
Ces prestations peuvent être liées à l’établissement du diagnostic par le médecin, à l’exécution d’un traitement prescrit par le médecin ou à des mesures relevant de la médecine préventive.
c) les actes pouvant être confies par un médecin (…) ».
2.3 – Leur situation au regard de leur missions et attributions
Les infirmiers ont toujours eu une place importante dans une société donnée comme la Belgique même si le manque de reconnaissance est flagrant non seulement de la part des autorités publique mais parfois de la part de la population. On en attend beaucoup de ce métier mais pas avec les moyens adéquats. Ils sont au front pour toute maladie et la crise sanitaire actuelle n’y fait pas exception, que l’on agisse en indépendant à domicile ou dans un établissement de santé, mais spécialement dans ce dernier.
Ils doivent s’occuper des patients, en prendre soin jusqu’à ce que ces derniers aillent mieux ou décèdent, c’est la notion de « care ».
2.4 – La notion de care
Littéralement, « care » peut se traduire comme se soucier, penser à, prendre soin. Selon le dictionnaire médical de l’Académie de Médecine – Version 2020, il est retenu comme : « En médecine, ensemble des mesures et actes visant à faire bénéficier une personne des moyens de diagnostic et de traitement lui permettant d’améliorer et de maintenir sa santé physique et mentale »4.
Il a aussi été vu que : « Le terme, sans équivalent en français, caractérise une relation d’aide, familiale ou professionnelle ; il désigne tout à la fois l’activité de soin à une personne qui en dépend et le souci de la réception de ce soin, sa singularité résidant dans cette combinaison affûtée de compétences techniques et émotionnelles »(Hochschild, 1983 cité in Benelli & Modak, 2010).
Dans notre présent cas, les patients dépendent de l’infirmier et ce dernier doit prodiguer des soins aux patients lorsque le besoin se fait ressentir. Il n’est pas uniquement question de prodiguer des soins d’une manière brute mais les émotions entrent grandement en compte lors du traitement, l’infirmier est alors un acteur privilégié du care.
3 – Le concept de conditions de travail et stress professionnel
3.1 – Les conditions de travail favorables comme une notion protégée par la loi
Se sentir bien n’est pas uniquement un droit inhérent aux patients mais les infirmiers méritent également ce droit. En fait, c’est même un droit protégé par la loi si l’on se base sur le plan professionnel notamment avec la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail.
3.2 – Ses composantes, caractéristiques et conditions
On citera quelques notions inhérentes à ce bien-être au travail :
- La sécurité au travail : il s’agit pour l’employeur de prendre toutes les mesures afin de prévenir les accidents de travail ;
- La protection de la santé du travailleur au travail : veiller à ce qu’il ne tombe pas malade ;
- Les risques psychosociaux : prendre en considération une charge de travail raisonnable et éviter le harcèlement moral au travail ;
- L’ergonomie : il s’agira de pouvoir adapter le travail à l’homme ;
- L’hygiène du travail : qui est nécessaire pour lutter contre la nature de l’entreprises et ses influences funestes ;
- L’embellissement du lieu de travail : rattaché à l’hygiène du travail ;
- Les mesures prises par l’entreprise en matière d’environnement.
Toutes ces notions doivent être idéalement appliquées pour assurer que le travailleur se sente à l’aise sur son lieu de travail. Qu’en est-il dans les établissements de santé ?
3.3 – Les implications du bien-être au travail dans les établissements de santé
Dans les établissements de santé, la sécurité au travail sera rarement applicable car il est difficile d’imaginer un accident récurrent en ce lieu, ce qui est intéressant c’est par rapport à la protection de la santé du travailleur. Dans le cas des infirmiers, ils sont exposés aux maladies en tout genre et il doit avoir tous les équipements nécessaires pour prévenir ou minimiser les effets de cette maladie s’il se fait contaminé. Pour les risques psychosociaux, la charge de travail importante dans les établissements sera difficilement appréhendable car les patients seront toujours présents mais le personnel sera éventuellement insuffisant, ces risques seront alors difficilement écartables, même avec le concours de l’employeur. Pour les autres points, ils n’intéressent pas spécifiquement les établissements de santé.
3.4 – Les difficultés d’application avant la pandémie et après la pandémie
Le personnel de santé en Belgique, comme on l’avait dit plus tôt, témoigne d’un certain mécontentement au vu de leur traitement et de leur manque de reconnaissance. Les charges de travail sont importantes, les effectifs sont réduits et les grèves sont fréquentes et le problème n’est toujours pas résolu. Il est difficile de penser à une amélioration de la situation avec la crise sanitaire actuelle.
Cette idée sera développée plus amplement dans la partie pratique ci-après pour se faire une idée du terrain.
ETUDE PRATIQUE
Outre les notions théoriques, il a également été question pour moi, pour mener à bien ce travail, d’effectuer une étude pratique. Pour celle-ci, j’ai fait le choix d’utiliser deux méthodes : l’ethnométhodologie et l’entretien semi-directif.
1 – Les méthodes retenues
1.1 – L’ethnométhodologie ou praticienne-chercheuse ?
Pour la première description, j’ai longuement hésité sur la posture dans laquelle j’étais en analysant le terrain. Étais-je une praticienne-chercheuse ou bien ma démarche s’orientait elle plutôt vers ce que l’on appelle une ethnométhodologie ?
1.1.1 – Définition de l’ethnométhodologie
Concernant les recherches en ethnométhodologie, Garfinkel, le fondateur de cette méthode, en parle de la manière suivante : « celles-ci analysent les activités de la vie quotidienne en tant que méthodes des membres pour rendre ces mêmes activités visiblement-rationnelles-et-rapportables-à-toutes-fins-pratiques, c’est-à-dire ‘descriptibles’ (accountable) comme organisations des activités ordinaires de tous les jours » (Garfinkel, 1967: 45).
1.1.2 – Praticienne-chercheuse : définition
Pour Catherine De Lavergne : « le « praticien-chercheur » est un professionnel et un chercheur qui mène sa recherche sur son terrain professionnel, ou sur un terrain proche, dans un monde professionnel présentant des similitudes ou des liens avec son environnement ou son domaine d’activité. L’expression de « praticien-chercheur » signifie qu’une double identité est revendiquée, sans que l’une des deux ne prenne le pas sur l’autre » (de Lavergne, 2007: 28).
La frontière entre les deux approches s’avère très ténue mais force est de constater que j’ai été plus praticienne qu’ethnométhodologue sur la première observation sur terrain. En effet, j’ai tenu un rôle avant tout de soignante, la précaution était de mise, il ne s’agissait pas de faire n’importe quoi car on le sait, un moment d’inattention était risque de contamination.
Je tiens à souligner que j’ai fait le choix volontairement de ne pas parler de mon étude à l’équipe. Pourquoi ce choix ? Pour la bonne raison que je rejoignais une équipe que je ne connaissais pas, je ne voulais pas que l’équipe se sente « observée », qu’elle craigne que je décortique chaque fait et geste de leur part. Et puis, je voulais que les échanges que nous avions lors de la réalisation de notre travail se fassent spontanément, sans retenue. Cela m’a permis de me rapprocher facilement de chacun, d’établir des liens ; des liens professionnels mais également des liens amicaux.
Il m’était impossible dans les conditions de travail dans lesquels nous étions de tenir un journal de bord. Faire une retranscription sur le moment, il ne fallait pas y penser et il était très difficile pour moi de m’atteler à ça après mes douze voire parfois 14 heures de travail. Après réflexion, j’ai opté pour l’enregistrement audio. Pour moi c’était la meilleure solution, cela ne demandait pas d’effort d’écriture, qui m’aurait demandé du temps et de l’énergie après mes heures de travail. Tous les soirs, en rentrant, je dictais mes observations sur mon téléphone portable et lorsque j’étais en congé, j’en profitais pour retranscrire mes observations. Me réécouter et retranscrire mes observations m’ont fait prendre conscience que l’équipe et moi-même étions animés par des sentiments variés. La colère, la tristesse, les pleurs, la peur, l’angoisse, le stress, etc. faisaient partie de nos comportements et de notre vocabulaire.
Christelle Avril et Marie Cartier (Avril et al., 2010) décrivent dans leur ouvrage Enquêter sur le travailcomment il était possible d’observer les sentiments au travail. Elles s’inspirent de l’ouvrage d’Anne Paillet qui entend démontrer que les manifestations de sentiments constituent un matériau d’enquête pertinent au même titre que les paroles ou les actes. J’ai alors tenté de rendre le plus réaliste possible les sentiments que j’observais.
1.2 – L’entretien semi-directif
La première observation de terrain est complétée par des entretiens semi-directifs. Au total, six entretiens ont été réalisés.
Suite aux mesures de confinement, ceux-ci se sont faits à distance : cinq par téléphone et un par vidéo-conférence, auprès de quatre femmes et deux hommes. Afin de maintenir un cadre le plus objectif possible, j’ai choisi volontairement de ne pas inclure dans mon étude des soignants faisant partie de mon réseau. Pour ce faire, je me suis servie du réseau social Facebook dans lequel j’ai publié, sur le groupe « infirmier et infirmière de Belgique », une annonce décrivant mon étude. La condition d’éligibilité pour faire partie de l’étude était d’être infirmier et d’avoir travaillé dans une unité Covid. La promesse d’anonymat étant faite à chaque début d’entretien, n’apparaîtront que les initiales des personnes interviewés.
Les entretiens étaient d’une durée d’une heure à une heure et quart. J’avais comme objectif, lors de ces entretiens, de laisser parler librement les sujets. Le but de cette démarche était d’éviter de les « contenir » dans des réponses toutes faites et de laisser place à la spontanéité, je voyais ces entretiens également comme l’occasion de déposer non seulement son expérience mais également tous les sentiments qui accompagnent celle-ci.
Mon guide d’entretien comportait trois parties : la première partie consistait à comprendre comment le soignant travaillait avant l’arrivée de la crise et comment il se situait par rapport à son travail. Cette deuxième observation m’a permis de comprendre tout ce que la crise portée par le Covid-19 a chamboulé dans le travail du soignant.
2 – Résultats
2.1 – Contextualisation
2.1.1 – Mise en route du Plan d’Urgence Hospitalier (PUH)
Le PUH est un plan dont doit disposer chaque hôpital pour pouvoir faire face aux accidents majeurs au sein de l’hôpital5 et en dehors6. Il définit les procédures à suivre lors d’un afflux soudain de patients et leur prise en charge sans toutefois mettre en péril les soins administrés aux patients déjà hospitalisés, il est question d’augmenter rapidement la capacité d’accueil de l’hôpital (Le plan d’urgence hospitalier (PUH), 2016).
La crise sanitaire portée par le Covid-19 a conduit au déclenchement de ce PUH le 14 mars 2020 dans tous les hôpitaux généraux et psychiatriques. Les examens, les visites, les consultations et les interventions électives ne peuvent plus avoir lieu et doivent donc être annulés, seules les urgences pourront être traitées.
Ces urgences connaîtront en particuliers les patients contaminés par le Covid-19 et les autorités sollicitent de la part de chaque hôpital général la prise en charge de ceux-ci et d’élaborer divers plans pour augmenter la capacité en termes de lits ventilés. On a pensé à une libération de certaines parties du bloc opératoire, de la salle de réveil, des salles vacantes, etc. (Klaes, 2020).
L’hôpital connaît un arrêt non habituel : les couloirs ne sont plus bondés, des services ferment ou se transforment en unités spéciales Covid-19, des unités de soins intensifs (USI) se réorganisent ou se créent pour mieux faire face à la menace. L’hôpital sera organisé en trois zones durant la pandémie :
- Zone verte : pour les patients non porteurs de la maladie ;
- Zone orange : pour les patients suspectés d’être porteurs du Covid-19 ;
- Zone rouge : pour les porteurs du Covid-19.
Après un éventuel traitement, les patients qui sont dans un meilleur état peuvent rentrer chez eux et ceux qui nécessitent une autre hospitalisation seront placés dans la zone verte. La crise sanitaire actuelle a vu un engouement7 pour les dispositifs médicaux comme les gants, masques et blouses qui sont réquisitionnés par la direction de l’hôpital qui les redistribuera au compte-goutte tout au long de la crise.
La crise est également l’occasion d’organiser des réunions qui s’enchaînent ayant pour thématique la réorganisation des horaires, l’aménagements des équipes venant des plateaux techniques8, la mise en place d’un « call center » pour contacter les patients afin d’annuler les consultations prévues. On a aussi vu la mise en place des « ateliers d’hygiène » afin de former le maximum de personnes à l’habillage et le déshabillage des tenues de protections car, on le sait, chaque geste mal réalisé peut risquer une contamination.
Des ateliers de formation sont aussi organisés par les anesthésistes et les réanimateurs afin de revoir les techniques d’intubation9 du patient infecté. Tout doit être prêt afin de faire à une maladie nouvelle vers laquelle tous les regards de la communauté scientifique sont tournés, l’hôpital devient sans le vouloir un champ de bataille.
« Je ne suis pas un soldat, je ne suis pas payée pour risquer ma vie… Mon job c’est de soigner pas de me faire tuer ! » Sylvia, infirmière
2.1.2 – Le calme avant la tempête
Depuis les quelques jours après la mise en place du PUH, rien ne se passe encore. Du personnel soignant doit récupérer les heures supplémentaires accumulées et les médecins sont autorisés à rester chez eux. Dans les couloirs, un silence assourdissant raisonne. Pour ma part, je ne cesse de recevoir des appels de proches qui s’inquiètent tous par rapport à la situation dans laquelle je me trouve.
« Dit, je n’ai jamais autant glandé de ma vie… tu ne crois pas que c’est un peu exagéré tout ça ? » Linda, infirmière et amie
« Il ne se passe pas grand-chose à l’hôpital, les services sont vides, il y a eu 2-3 admissions de patients Covid mais c’est tout… je suis curieux de voir si ça va être si catastrophique que ce qu’ils ont l’air de le faire croire… » Cinthya, infirmière et amie
« Moi je ne comprends plus rien, Deblock elle disait que c’était une petite grippette il y a encore une semaine et là on fou tous ce bordel ! Je ne sais pas ce qu’il faut croire. On a fermé les vaches laitières10 de l’hôpital pour un truc qui n’a pas trop l’air d’être si catastrophique que ça ! Il ne se passe rien chez nous, franchement on est limite payer à rien faire ». Grégory, infirmier
2.1.3 – La peur et la colère qui s’installe
La situation sanitaire en Italie dont les médias montrent des images et des scènes font très peur à tous. Un futur chaotique se présageait au vu des différents témoignages du personnel soignant dans un hôpital à Bergame. On se demandait si on allait tenir le coup car déjà avec les conditions de travail déplorables, le manque d’effectif et la charge de travail qui ne fait que croître depuis des années, le personnel présent ne sera pas du tout épargné, il y a aussi eu la manifestation d’un sentiment de colère chez beaucoup d’entre nous.
Comment en sommes-nous en arrivés là ? Pourquoi l’Europe n’a-t-elle pas fermé ses frontières et placé enquarantaine les voyageurs venant des pays où l’épidémie a gagné du terrain ? Alors que l’Italie est touchée en plein cœur, comment a-t-on pu considérer cela comme étant une « petite grippette » ? Toujours par téléphone, mes proches ont exprimé leur peur et leur colère :
« Ça fout les jetons ce silence… on se croirait sur un champ de bataille, tu vois quand les ennemis ne sont pas encore l’un en face de l’autre… Et boum, d’un coup ça va commencer à mitrailler… On n’est pas prêt pour ça, en fait on ne nous a jamais préparé à ça…(soupire) ! » Tanguy, ancien collègue
« Franchement… j’ai peur, je ne sais pas ce qui nous attends. Quand tu vois les images d’Italie… (long soupire) bah, comme je n’ai pas envie de connaître ça, c’est horrible… Tu sais, quoi qu’il arrive, n’oublie jamais que je t’aime, on ne se le dit pas assez souvent entre nous… » Titi, aide-soignante, ma sœur
« Mais les gens n’ont pas l’air de comprendre… il y a encore des rassemblements, il leur faut quoi ? ça me fou la rage de voir tous ces inconscients, il faut vraiment être plus sévère, on va jamais s’en sortir sinon…, j’ai 4 covid dans mon unité et je peux te dire que ce truc c’est une vrai bombe à retardement, les gens sont stable et bam d’un coup ils se mettent à désaturé et à se dégrader… ça fait vachement peur ! et quand je vois ces imbéciles… j’ai juste la rage ! »
« Je ne sais pas si je vais tenir… ça à l’air tellement harde quand tu vois les images d’Italie… Dans mon service on travaille comme des ânes depuis des mois, on est tous à bout par la charge de travail, on nous en demande de plus en plus avec de moins en moins de personnel et là on devient une unité Covid… Franchement, on ne va jamais tenir si on se retrouve débordé, on va tomber comme des mouches ! Mais qu’est ce qui m’a pris de faire ce job ? … » Fatou, infirmière et amie
« Je suis prête, j’ai un peu peur mais pour moi c’est vraiment l’expérience de ma vie, ça fait deux ans que je travail et je vais vivre quelque chose d’inédit… En fait ce qui me faisait le plus peur c’était de risquer de contaminer mes parents, mon père est quand même à risque, il est diabétique, mais je me suis arrangée avec Stéphanie, ma nouvelle collègue, et je vais occuper sa chambre d’ami jusqu’à la fin de la crise, c’est chouette on va pouvoir se soutenir mutuellement et en plus on s’entend trop bien ! » Catherina, infirmière et amie
Le jeu 19 mars, je commençais à travailler comme infirmière dans une unité Covid d’un hôpital bruxellois et ma mission prit fin le 22 mai pour retourner au bloc opératoire.
2.1.4 – Description de l’unité Covid dans lequel j’ai travaillé
L’unité que j’ai rejointe fait partie du département de chirurgie. C’est un service de chirurgie polyvalente, qui compte 30 lits d’un hôpital dans la région de Bruxelles-Capitale qui s’est vu transformé en unité Covid suite à la crise. Ce service est constitué d’une équipe multidisciplinaire : on y retrouve infirmier(e)s ; aides-soignants ; médecins ; kinésithérapeutes ; aides logistiques ; secrétaire ; techniciennes de surface et bien d’autres encore.
2.1.4.1 – Effectifs et horaires avant la crise Covid
Sur le point des effectifs, on retrouvait : 13 infirmiers(e)s ; 2 aides-soignantes ; une infirmière chef de service ; une secrétaire et 2 aides logistiques. L’institution disposait également d’une équipe mobile qui aidait de façon ponctuelle en fonction des besoins.
Sur le point des horaires, il était variable en fonction de trois tranches horaires :
- Matin : de 7h00 à 15h00 ;
- Après-midi : de 12h à 20h ;
- Nuit : de 20h15 à 7h15.
2.1.4.2 – Flexibilité des horaires pour la crise Covid
La crise sanitaire a fait que les horaires ont dû être revus afin de faire face à l’important flux de patients qui allait survenir, il était question de les rendre plus flexibles. Il s’agissait pour deux équipes de travailler en cohorte : lorsque l’une travaille, l’autre est en congé et inversement. Les horaires étaient de 7h à 20h tous les jours du mercredi au mercredi.
Personne n’était préparé à ce nouvel horaire car il tendait à ce que le personnel soit plus que jamais sur terrain, ce qui était alors source d’angoisse et de colère, comme en témoignent les récits ci-après :
« On nous prend pour des machines de guerre… on ne va jamais tenir, parce qu’on te dit que tu auras une semaine de récupération mais ils ont oublié qu’on risque d’avoir du personnel qui tombe malade et il va bien falloir le remplacer… Du coup on risque de te rappeler en plein dans ta semaine de récup. ! » Alexia, infirmière
« Je suis épuisée, j’en suis à mon 5ème jour dans cet horaire de fou et le service n’est pas encore plein… (larmes aux yeux et soupire) je suis déjà épuisée, en fait ça fait déjà un an que je tire sur la corde, là c’est bon ils vont m’achever » Meryem, infirmière
« J’ai eu Cédric en ligne, il est vraiment dégouté de pas bosser avec nous, on nous a vraiment éclaté… Il va mettre en place un groupe WhatsApp pour que l’on puisse se donner des nouvelles. C’est chouette qu’il y ait de l’aide mais sérieusement… Ils pouvaient trouver une autre solution que nous séparer… pffff…vivement la fin de cette grosse merde, qu’on récupère nos vies ! »
« Donc, il a fallu le Covid pour se rendre compte qu’on devait augmenter les effectifs ? ça fait des années qu’on le crie, qu’on est sur les genoux ! ils veulent plus engager parce que ça coûte trop cher… euh vous savez quoi ? la merde dans laquelle on est aujourd’hui, ils l’ont créé de leurs propres mains… (ton colérique) on travaille en flux tendu depuis des années et aujourd’hui on doit combler leurs propres manquements… Et à quel prix ? Au risque de notre santé ? Hier lorsqu’on criait à l’aide et qu’on manifestait, on nous regardé à peine, en France ils se faisaient gazé par des lacrymo … et là on est devenu des HEROS… La belle blague ! » Thomas, infirmier
2.1.2 – Transformation du travail
2.1.2.1 – Renforcement de l’équipe et difficultés rencontrées :
La mobilité forcée, connue encore sous l’intitulé TTM (time to move), est l’un des aspects de la mise sous pression du personnel et on a vu son application durant cette crise sanitaire. Le personnel doit s’adapter, se former à de nouvelles choses, l’univers hospitalier est devenu instable, menaçant et insécurisant.
Dans le service dans lequel j’ai été affectée, on a alors vu du personnel venant de tout horizon11 qui n’était pas totalement en phase avec la situation mais qui devait assurer le service. Ainsi, une grande majorité de ce personnel n’avait plus mis un pied dans un service depuis longtemps et n’avait donc plus effectué de soins mais devait agir en fonction. Il était réellement question d’augmenter le stock de soignants à disposition pour mieux appréhender le Covid-19. Le personnel réaffecté à l’unité, n’était pas fixe à celle-ci et pouvait au jour le jour rejoindre un service et une équipe différente.
Les nouveaux venus, notamment ceux venant de plateaux techniques, n’étaient pas à habitué à cette mobilité forcée, ils subissaient un stress et se posaient la question de savoir comment s’adapter rapidement à une façon de travailler qui leur était devenue inconnue :
« Je ne dors plus de la nuit, la dernière fois ou j’ai travaillé dans un service adulte, c’était il y a 16 ans lors de mes stages… franchement, ça me stress à mort, en plus dans des conditions pareilles. Hier il m’a fallu 1h30 pour faire une toilette, je voyais bien que marie n’était pas contente, mais je fais de mon mieux, après je comprends… ici le service n’est pas plein, les cas vont seulement arrivés et si je travaille à ce rythme, je ne servirais à rien. » Tatiana, infirmière de consultation « non habituée »
« On m’a sortie de ma tanière pour me catapulté dans un service… (silence) et un service Covid en plus ! Vous êtes vous-mêmes stressés (ici la personne s’adresse à l’équipe), alors que vous avez plus l’habitude de traiter des patients infectés que moi… Moi je dois tout réapprendre… je me lève le matin avec une boule au ventre…(soupire) je réfléchis sérieusement à demander à ce qu’on me mette au chômage temporaire ! » Isabelle, infirmière de consultation
Le stress, l’angoisse et la colère gagnaient également le personnel soignant habitué face à la venue du nouveau personnel non habitué et la nécessité de les encadrer comme en témoignent les récits ci-après :
« Lui expliquer ce qu’elle doit faire, me prendra plus de temps que si je le faisais moi-même » Stéphanie, infirmière.
« 30 min pour faire le pansement d’un seul talon, tu te rends compte un seul talon !! En 30 min je te fais 2 toilettes avec pansement compris…(colère) Je ne vais pas pouvoir continuer à travailler comme ça, je préfère qu’on me laisse seul et que j’organise mon travail, travailler avec quelqu’un qui ne sait même pas ouvrir un set à pansement… non, je vais sortir d’ici avec 20 de tensions ! En plus je ne suis pas pédagogue pour un sou. Je sentais qu’elle était tendue quand je lui disais ce qu’elle devait faire… je vais finir par la faire fuir et on va encore dire que je suis désagréable ! » Coralie, infirmière
« Faire travailler des gens qui n’ont plus fait de soins depuis des années… Je trouve que c’est limite dangereux… Hier c’était moins une que Mme X (patiente) reçoive une perf surdosée en KCL, je suis arrivée dans la salle de soins, stéph terminé de préparer la perf… et je vois 5 ampoules de KCL sur le plan de travail … (silence) elle a confondu potassium et sodium… ça craint ! Moi, je n’ai pas le temps d’être derrière tout le monde…tu vois, t’es pas à l’aise mais vraiment pas à l’aise… En fait, tu dois être partout… quand je rentre le soir je refais toute la journée dans ma tête pour être sûr que c’est ok… (long soupire)… C’est fatiguant !!! »
La montée du stress en milieu professionnel est causée par la flexibilité des espaces et du temps de travail et le travail en flux tendu. Cette flexibilité, tendant à une réorganisation totale, était pourtant inévitable avec la crise sanitaire engendrée par le Covid-19. Malgré l’augmentation du nombre de personnel affecté au service, les problèmes d’encadrement couplés à la charge de travail déjà importante causaient une tension importante dans l’unité Covid.
On voyait aussi une inégalité de compétences certaine entre les habitués et les non-habitués. On voit que l’expérience de terrain conditionne grandement la fluidité des activités mais tous ne peuvent pas avoir le même niveau de compétence comme il a été vu ci-après : « Les opérateurs expérimentés disposent de ressources que les novices ne possèdent pas. Comme on l’a vu, ces ressources leur permettent d’adapter leur comportement et de faire face à des situations que les novices ne peuvent affronter sans difficulté. En conséquence, la complexité subjective des situations est inégale, en fonction de la compétence des sujets.
Cela ne signifie pas qu’il n’y ait pas de complexité objective. Pour un opérateur donné d’un niveau de compétence particulier, les problèmes ne sont pas égaux entre eux : les exigences varient. Mais ce qui sera un problème difficile pour l’un pourra être plus facile pour l’autre » (Falzon & Sauvagnac, 2004: 181).
2.1.2.2 – Ateliers sur les mesures de protection et appréhension du personnel
Le service hygiène a organisé un atelier à tout le personnel des unités Covid et des soins intensifs qui avait pour but de le former aux techniques d’habillage et de déshabillage des tenues de protection. Lors de cet atelier, j’ai fait la rencontre d’une infirmière qui travaillait en consultation depuis plus de 15 ans. D’un air crédule, elle regardait l’infirmière qui donnait la formation et l’interrompit pour lui demander :
« C’est super de nous former à tout ça… mais moi ce que j’aimerais savoir, c’est si nous aurons bien tous ce matériel pour nous protéger ? On sait très bien que l’hôpital n’est pas prêt, qu’on va manquer de masques. On fait quoi ? On va au front, sans armes ? »
« Au front, sans armes », ces mots raisonnent encore dans ma tête. La formatrice tentait de rassurer comme elle pouvait mais elle-même était dans l’incertitude quant à la suffisance des matériels et son manque de conviction se voyait. Une autre infirmière s’exprima également :
« Le problème, c’est le Gouvernement ! Cela fait des années qu’ils nous sucent, là on est arrivé à l’os ! Moins d’infirmiers, plus d’année d’études, moins de pognons, plus de ministres et aujourd’hui pas de stock stratégique, on se fou de nous ! L’hôpital n’y peut rien quand tu regardes… Ils sont dans la même galère que nous et en plus ils risquent de ne plus pouvoir assurer la sécurité du personnel… c’est la merde, parce que tous ces gens…il va bien falloir les soigner, on ne peut pas refuser ! »
L’infirmière de consultation lui répondit d’un ton et d’un air révoltée :
« Ce sera sans moi ! Je me fou en maladie si on a plus de matériel de protection ! Déjà qu’on me retape dans un service or que j’ai plus fais de soins depuis 15 ans… c’est déjà le stress total de devoir réapprendre dans des conditions pareilles, mais si c’est pour en plus risquer ma vie… c’est sans moi !!! Et la direction peut le savoir, ça m’est égale ! »
Deux semaines après, cette infirmière de consultation était admise dans une unité Covid pour détresse respiratoire.
2.1.3 – Augmentation de la charge de travail
La charge de travail augmentait en même temps que l’augmentation des nouveaux patients jusqu’à rendre complet tout le service. Malgré la réorganisation du personnel, nous travaillions à un rythme infernal, les pauses se faisait rare voire inexistante. Les soins s’enchaînaient et il en était de même pour les appels d’urgence des médecins12.
2.1.3.1 – Disparition des temps morts
« Je suis HS (hors service) aujourd’hui j’en peux plus, on arrive au week-end et je ne sais pas comment je vais tenir… Hier c’était hard, je suis restée dans la chambre de M. X durant 3h et ça m’a mis en retard, je n’ai pas mangé, pas bu et j’ai même pas pu aller au toilette avant 20h, je suis rentrée chez moi, j’ai avalée une tartine et je me suis étalée dans mon lit…Je suis crevée et j’en veux plus (pleure) … Je préfère rester en dehors des chambres aujourd’hui, si vous êtes ok ! » Alexia, infirmière
Tous les patients sont différents et certains nécessitent une plus grande vigilance et plus de soins que d’autres. Cela a fait qu’il y avait certaines journées où l’équipement de protection ne nous quittait pas, on ne pouvait ni boire ni manger, on avait à peine voire pas du tout le temps d’aller aux toilettes. Même les moments de convivialité et de socialisation avec les collègues ne se passaient plus.
« Tu te rends compte il est 19h et je viens de voir que Sylvie travaillait aujourd’hui… Je suis arrivée en retard, du coup je n’étais pas à la remise du rapport. Finalement tu te rends compte que les seuls moments qu’on est sûr d’avoir pour se parler, beh c’est lors de la remise du rapport du matin ! » Meryem, infirmière
« Dire que je me disais qu’en faisant un horaire de 12h, qu’on aurait largement le temps de faire notre travail…J’en peux plus…(soufflement) en fait il faudrait rallonger les journées ! Hier je suis partie d’ici à 22h…J’ai l’impression de passer ma vie à l’hôpital… » Thomas, infirmier
Pour P. Falzon et C. Sauvagnac (Falzon & Sauvagnac, 2004: 176) : « Les facteurs temporels sont probablement ceux qui ont été le plus mis en avant (Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail 2003). Au premier rang de ces facteurs, on trouve l’intensification, qui se traduit par une disparition des temps morts, une accélération des cadences, des délais courts et le sentiment de manquer de temps. […]. Un deuxième aspect temporel concerne le morcellement et les interruptions. Le travail devient haché, sous l’effet, d’une part, de l’accroissement du nombre de tâches à accomplir, d’autre part, de la pression de l’urgence […] ». Avoir alors trop peu de temps pour une charge de travail qui ne suit plus cette tranche horaire est un facteur de découragement, de stress et de colère pour ceux qui vivent cette situation.
Le personnel sur place ne trouvait aucun plaisir à prendre en charge l’afflux de patients dans l’unité Covid mais il le fallait et j’étais aussi concernée. J’ai souvent dit : « je n’ai que deux bras et deux jambes » tellement, par moment, on devait être partout et faire vite. Outre la charge de travail déjà importante, de nouvelles tâches nous étaient confiées par moments comme par exemple la fonction de brancardier : lorsqu’un patient Covid devait faire une radiologie du thorax, c’était au personnel soignant de le conduire au service de radiologie, de l’attendre et de le ramener. Le temps consacré à l’hôpital était réellement large et on avait à peine de quoi s’occuper de nous.
Retenons l’idée de Rochefort et Guérin (Rochefort & Guérin, 2000 cité in Cazabat et al., 2008) selon laquelle la charge de travail est située dans le temps et qu’elle permet ainsi à l’opérateur d’anticiper sa charge future en la comparant à sa charge actuelle. Dans notre cas, cette anticipation était illusoire dans la mesure où cette maladie que nous devons combattre a un caractère imprévisible.
2.1.3.2 – Tension au sein de l’équipe
A mon sens, les tensions et les pressions ont émergé à cause de l’intensification de la charge de travail causant ainsi peu de temps à consacrer à soi, tout en étant en présence d’une maladie contagieuse, le milieu hospitalier connaît généralement la tension et la pression mais avec la crise, elles sont devenues plus importantes que d’habitude. Le personnel déjà en sous-effectif doit travailler rapidement face à une maladie dont on ne connaît pas encore grand-chose. Les altercations étaient fréquentes.
Pour Vincent de Gaulejac (de Gaulejac, 2012: 14), cette pression produit une culture du harcèlement généralisé dans la mesure où celui qui est sous pression met ses subordonnés et ses collaborateurs sous pression. Le personnel hospitalier était victime de ce harcèlement au vu de la pression subie par les dirigeants de l’hôpital suite à la crise sanitaire.
Un matin, alors que nous nous apprêtions à transférer un patient au soins intensifs, nous avons été interpellés par une altercation aux propos acerbes, entre deux collègues :
« Je suis resté coincé dans la chambre 1h parce que j’ai attendu que MADAME, se décide à m’amener une perfusion… Je ne sais pas ce que tu « glandais », franchement c’est abusé ! Tu es vachement plus un poids qu’autre chose.
Si tu as des aides à l’extérieur de la chambre pour t’apporter du matériel, ce n’est pas pour que tu attendes 1h ! »Sylvain, infirmier
« Je ne glande pas ! je suis au four et au moulin… On nous dit qu’on doit vous servir de l’extérieur et on vient m’emmerder pour faire une entrée en urgence. Tu sais qu’on ne peut pas laisser les patients dans les couloirs, quand ils montent des urgences, ils doivent aller directement en chambre. J’aurais peut-être dû te prévenir que j’étais occupée mais vient pas dire que je fou rien. Tout le monde bosse ici, il n’y a pas que toi qui travail ! » Alexia infirmière.
On assistait à ce type d’altercation régulièrement. Selon l’organisation en place, une infirmière (ou deux si possible) devait rentrer dans la chambre d’un patient pour le soigner et une autre infirmière ou aide-soignante devait rester à l’extérieur pour donner le matériel manquant à l’autre. Celle qui restait dehors était pourtant souvent réquisitionnée, ce qui donnait lieu encore une fois à des tensions entre le personnel.
Ces situations devenaient au fil du temps génératrices de stress chez certaines personnes. On pouvait entendre des soignants l’exprimer clairement :
« Rentrer en chambre toute seul, moi ça me stress, je suis pas du tout à l’aise avec ça… Il y a 2 jours, j’ai un patient qui a commencé à se dégrader et le temps d’avoir quelqu’un qui vienne m’aider il a bien fallu que j’attende 30min. Ensuite c’est le médecin qu’il a fallu attendre et là de nouveau 20min… ! Résultat : le patient a dû être transféré aux soins intensifs ! » Cinthya, infirmière
« Ce matin je suis resté, 40min dans la chambre de M.X (patient), assis sur une chaise avec cette tenue de malade…40min à attendre que le doc. (médecin) décide de se pointer pour regarder une escarre du talon…(soupire) Celui-là je te jure… de toute façon il est bien au courant, je lui ai bien fait comprendre… prochaine fois si après 10 min il ne se pointe pas, je remballe le pansement…(ton colérique) et si ça ne lui va pas, beh il déballe et refait le pansement lui-même ! » Thomas, infirmier
Dans mon cas, je devais aussi soigner rapidement mais cela conduisait à un sentiment de ne pas avoir fait ce qu’il fallait, d’être maltraitante envers les patients, d’être négligente, et cela me poursuivait jusqu’à chez moi et j’essayais de me rattraper le lendemain. Cela me mettait en colère contre moi-même, contre l’institution et même contre la politique qui a permis qu’on en arrive là.
2.1.4 – Le matériel de protection : Fatigue physique, peur de manquer de matériel et contamination du personnel soignant
2.1.4.1 – La fatigue physique
Le matériel que nous devions porter était très lourd. Ce n’est pas la première fois que l’on portait ce genre de protection mais jamais pour des journées. Nous devions porter un tablier auquel souvent nous ajoutions, par-dessus, un tablier en plastique ; les cheveux devaient être emballés dans un bonnet en papier ; nous avions un masque (parfois deux masques en fonction du type de masque qui était disponible), des lunettes de protection ; nos mains étaient protégées par des gants sur lesquels nous ajoutions, au niveau de la manchette, du scotch.
On avait chaud et la chaleur déjà présente dans l’établissement ne faisait qu’empirer les choses. La transpiration était importante, on ne pouvait pas respirer et on avait la sensation d’avoir le visage en flamme avec le masque, ce qui conduisait à des visages marqués et des corps épuisés à la fin de la journée et on revivait la même situation chaque jour.
Plus d’une fois je me suis retrouvée face à des soignants qui exprimaient cette fatigue et ses conséquences :
« J’en peux plus… (pleure). Je n’ai pas assez d’une nuit pour récupérer. Mon corps et ma tête sont fatigués, je ne sais même plus comment je m’appelle ! » Salima, aide-soignante
« Stéphanie a appelé à 6h pour prévenir qu’elle ne serait pas là aujourd’hui. Elle a dit qu’elle serait absente que pour aujourd’hui et que demain elle serait là… Mais elle était au bout de sa vie, elle m’a dit que son corps « était paralysé », qu’elle n’arrivée pas à se lever de son lit, et qu’elle préféré ne pas venir car elle ne servirait à rien »Monique, infirmière de nuit.
« J’ai l’impression d’être devenu un robot une sorte de distributeur de soins… tu vois ? » Marc, infirmier
« Je me sens vidée. Le moindre petit truc m’irrite, Dr M. m’a fait changer trois fois le traitement de Mme X ce matin, à la troisième fois j’ai pété un plomb, je lui ai demandé s’il savait encore ce qu’il faisait, à peine je me débarrassais de cette tenue de fou, il revenait vers moi et hop je devais de nouveau m’habiller pour entrer en chambre…
Le pauvre il a été tout gentil, il m’a répondu : « non, c’est vrai que je ne sais plus ce qu’il faut faire, en fait personne ne sait. Excuse-moi si je te donne plus de travail ». Je m’en suis voulue de lui avoir parler comme ça, mais j’ai l’impression qu’on avance et qu’on recule … (pleure). »
2.1.4.2 – La peur de manquer de matériel
On commençait à manquer de masques, de blouses et de gants. Le matériel était distribué au compte-goutte au jour le jour. Il avait été réquisitionné et enfermé dans une réserve dont seule la chef et le cadre ont la clé. Il fallait procéder ainsi car des masques ont été volé au sein du service alors que l’établissement était interdit aux visites. Toutefois, on ne pouvait pas se rendre compte du matériel restant dans la réserve, on ne peut se faire une idée de ce qui reste que durant les réunions avec toutes les parties prenantes de l’établissement. Apparemment, on est « juste » d’après ce que l’infirmier chef donne comme information :
« Ça va être juste, on réfléchit à une solution… Nous avons reçu des masques du fédéral mais ils ne sont pas bon, ils ont été testés et ça laisse passer les particules qui sont en suspensions ! On est sur une piste… on réfléchit à peut-être stériliser les masques et les rendre nominatif. Garder bien vos FFP , on devrait nous dire quoi d’ici peu ».
La pression monte dans l’équipe et des collègues parlent même de s’absenter s’ils venaient à manquer de matériel de protection :
« Je ne suis pas suicidaire, je ne vais pas risquer ma santé et celle de mes proches… S’il vient à manquer du matos, je remets un certificat, ça c’est certain !
On va nous dire de garder un masque pendant x jours… mais où on va quoi… (colère) ! »
« Même le matériel qu’on nous fournit, on n’est pas sûr qu’il soit bon… regarde les masques qui ont été livrés et qui n’étaient pas bon, heureusement qu’ils ont été testés par un hôpital…sinon on était bon pour tous être contaminé… Franchement, je n’ai pas confiance… je ne touche même plus mes enfants, j’ai beaucoup trop peur de ramener cette saloperie à la maison ! »
L’Université d’Anvers, à la demande de l’UGIB13, a effectué une étude sur le manque de matériels dans les établissements hospitaliers à partir de 1216 infirmiers(ères), aides-soignants et membres du personnel soignant, les données suivantes ont été retenues :
- Un quart de prestataires de soins indiquent ne pas disposer de matériel suffisant pour se protéger (medi-sphere.be, 2020) ;
- 27 % des prestataires déclarent ne pas avoir la possibilité de dépister les patients potentiellement infectés (medi-sphere.be, 2020) ;
- 18 % des personnes interrogées indiquent ne pas disposer de suffisamment de masques FFP pour pouvoir se protéger de manière optimale (medi-sphere.be, 2020).
On constate alors que la fourniture de matériels de protection n’est pas optimale et une situation dans notre service a confirmé cette constatation. En effet, durant les jours qui ont suivi, nous avons eu la directive de garder nos masques FFP2 afin qu’ils puissent être stérilisés dans le service de stérilisation14 et nous devions porter un masque chirurgical par-dessus toute la journée, l’économie de matériel était alors de mise. Ce manque est encore plus prononcé lorsqu’on en est amené à appeler la population à fabriquer des masquer ou même donner des masques qu’ils auraient à la maison et qui ne leur étaient pas nécessaires à ce moment-là. Des bureaux sont même transformés en atelier couture au sein de l’hôpital avec du personnel plus âgé ou des bénévoles ayant pour mission de confectionner des masques et des blouses. Des magasins de tissu ont fait des donations, des citoyens ont donné des chutes de tissus pour la confection des masques ; le papier qui sert à emballer les plateaux stériles de chirurgie est transformé en blouses.
On voit alors que la population bouge pour aider au niveau matériel mais le personnel soignant fait preuve d’une certaine colère : « pourquoi ce stock stratégique n’a-t-il pas été renouvelé ? »
« J’ai ramené des masques, ma sœur qui est esthéticienne me les a donnés, je les garde dans mon casier, mais si quelqu’un en veut, qu’il n’hésite pas à venir vers moi…, et pour le problème des manchettes j’ai une amie qui m’a dit que dans son institution ils utilisaient du scotch, ça peut être une bonne idée… » Meryem, infirmière
« Nous avons reçu une donation de blouse en plastique et de visière de la part d’un brico, le matériel de protection sera distribué au jour le jour, on ne peut pas tous laissé à porter de main car hélas nous avons du matériel qui a disparu… » infirmière-chef
L’exportation, le 15 mars, de masques buccaux, lunettes de protection et autres équipements qui ont fait la une dans le journal Le Soir, ont fait réagir :
« Sérieusement tu as entendu cette histoire de fou ? La Belgique aurait envoyé du matériel de protection à l’étranger, notamment à Monaco… (regard colérique) donc, toi t’es là tu risques ta vie, tu as du matériel de merde, j’ai même dû ramener des tabliers de chez mon boucher, on en arrive à mendier, mendier de l’argent, mendier du matériel de protection, mendier de la main d’œuvre, et cette bande de con en costard/cravate planqué dans leur maison dorée, envoie notre matériel à l’extérieur. Franchement j’ai la haine, il y a des comptes à régler et c’est dans la rue qu’il va falloir le faire ! » Doriane, infirmière
« C’est n’importe quoi depuis le début… le stock stratégique pas renouvelé, la saga des mauvais masques commandés, plus ça… (ton coléreux) Sérieusement faut arrêter de les payer ! Il ne faut pas oublier ce qu’on vit les « cocos », surtout pas ! Il faut se mobiliser, là on dépasse la connerie… » Marc, infirmier
Tout au long de la crise sanitaire, l’attention sera portée sur la suffisance et l’adéquation du matériel de protection. La hiérarchie faisait de son mieux mais nous n’étions toujours pas à l’aise, pas en confiance. Lorsque l’État a commandé du matériel non conforme, on se demandait s’il était adapté ou qu’on ne nous donnait cela juste pour nous faire taire. Malgré le doute, il fallait faire confiance malgré tout.
Dans l’équipe, à quelques jours d’intervalles, une aide-soignante et deux infirmières ont remis un certificat médical pour une durée d’un mois par peur d’être contaminées. J’ai appris récemment, qu’une des deux infirmières avait remis sa démission.
2.1.4.3 – Contamination du personnel soignant
Outre le manque de matériel de protection, le manque de test de dépistage était aussi une préoccupation majeure. La première infirmière qui a été admise au sein de l’unité Covid nous a tous mis face à une réalité : « On peut être symptomatique et ne pas être testé ! »
En effet, cette infirmière, qui travaillait dans un service d’hospitalisation non Covid, avait été admise 5 jours après qu’elle ait présenté les premiers symptômes. Dans un premier temps, elle s’est plainte de courbature, de perte d’odorat et de goût et sa température était à 37,8°. Elle a donc averti le cadre intermédiaire qui lui a dit que si elle ne faisait pas de température, elle devait continuer à travailler. D’après ce qu’elle a raconté, deux jours après cette discussion avec le cadre, sa température est montée à 38,5°. Ici, le médecin des urgences l’a écarté du travail pour une semaine mais sans jamais faire de test.
Après deux jours d’arrêt maladie, elle a dû être admise en urgence pour une détresse respiratoire. Elle a eu droit à ce moment-là à un test qui était positif au Covid-19. Son état a nécessité une hospitalisation au sein du service. On apprendra au décours de son hospitalisation, que cette infirmière avait pris en charge un jeune patient opéré d’un appendice en urgence qui a été testé après avoir fait un épisode de température dans l’unité d’hospitalisation non Covid, son test était revenu positif.
L’incompréhension avait atteint son paroxysme lorsque nous avions appris qu’aucun membre du service dans lequel travaillait cette infirmière n’avait été testé. Il faut tout de même souligner que le personnel soignant qui travaillait dans les unités de soins non Covid, disposait de protection basique : un masque chirurgical qu’il devait garder toute la journée.
Une semaine après avoir appris l’hospitalisation aux soins intensifs d’une infirmière qui travaillait dans la même équipe que cette infirmière, elle est restée quatre semaines, intubée et aujourd’hui, nous savons qu’elle est partie pour quelques mois de revalidation. Se faire infecter est une chose mais le décès d’un patient fait se dire que ça pourrait être nous. La maladie peut être contractée à partir des patients mais aussi à partir de l’équipe elle-même. Mais on avait l’intime conviction que si le personnel soignant n’était pas soigné, c’était pour ne pas souffrir d’un manque d’effectif.
« Si on commence à nous tester et qu’on est positif… ahhhhh… qu’est qui va se passer à ton avis ? eh bien on va se retrouver en sous-effectif… Ils (ici le sujet parlait de sciensano , car c’est d’eux qu’émanait l’attitude a adopté face au testing des soignants) n’en n’ont rien à faire qu’on soit contaminé, ils sont surtout inquiets qu’on ne puisse plus être suffisamment en nombre pour assurer les soins … Au risque de me répéter, nous sommes devenus de la CHAIR A CANON (en tapant son poing contre la table) » Marc, infirmier
2.1.5 – Les soignants face aux patients, à la famille, à la mort
2.1.5.1 – Bouleversement du contact entre le patient et le soignant
Pour S. Paugam (Paugam, 2007: 190) : « Les infirmières et les aides-soignantes définissent souvent le plaisir qu’elles éprouvent au travail en soulignant d’abord qu’elles ont « de bons contacts avec les malades ». La relation entre eux et les malades est primordiale. C’est de sa qualité que dépendent en grande partie les satisfactions au travail puisqu’elle permet au salarié de valoriser à la fois sa compétence technique ou médicale et ses qualités humaines ». Les bons contacts avec les patients sont alors importants pour assurer la motivation du personnel mais force est de constater que la situation infernale due à la crise sanitaire ne permet pas d’établir ces contacts de qualité.
En effet, il y a la peur d’être contaminé qui conduisait à des soins très expéditifs et donc ne permettant aucune prise en charge de qualité et aussi la présence de la tenue de protection qui nous couvrait de la tête aux pieds, qui ne laissait alors transparaître aucune émotion, on devenait des « robots ».
Je vivais difficilement cette situation. Un jour, un patient m’a dit que « Superman » avait changé son costume. Loin de moi l’idée d’être Superman, mais pour moi Superman est un personnage qu’on ne voit pas, qui est « caché » sous un masque ; on ne sait pas ce qu’il pense, ce qui le fait sourire ou pleurer, et surtout, il n’échoue jamais, il sauve tout le monde sans peur de se faire tuer, un peu comme un robot quoi !
Comme l’évoque Zulueta (2013 cité in Kiefer, 2014) : « dans ce qui fonde le management sanitaire, c’est « la métaphore de l’organisation-machine » laquelle fonctionne avant tout sur la séparation du corps biologique et du patient compris comme personne. Même ce qui reste de ce patient-personne, une fois isolé de son corps, doit entrer dans le modèle machiniste, fait de procédures et de résultats monitorés. Dans cette compréhension du management, « aussi bien la compassion que les soins relationnels sont contrôlés et réduits à leur minimum ». Le processus mène « à la démotivation et à la démoralisation des professionnels de santé et en conséquence conduit à une déshumanisation à la fois des patients et de ceux qui travaillent pour l’organisation ». Le modèle relationnel porté par la crise sanitaire actuelle ne répond alors pas aux exigences de la motivation du personnel.
Souvent, j’entendais des collègues partager l’idée qu’on était cachés sous une « armure » qui effaçait tout le langage non verbal ou nos émotions, qui sont pourtant importants dans une relation.
Cet échange que j’ai eu avec Maria, une « infirmière volante » qui venait de terminer un soin et que je voyais retirer son matériel de protection en pleurant, appuie cette idée que, le langage non verbal avait disparu et avait modifié les contacts avec le patient :
Question :
« Maria, ça va ? Tu veux qu’on en parle ? »
« Pas top … (pleure ++)… je suis restée une heure dans la chambre de ce patient, il me parlait de son fils qu’il n’avait plus vue depuis 10 ans… il me disait qu’aujourd’hui il voulait juste pouvoir lui demander pardon, le serrer dans ses bras une dernière fois… apparemment il a pas été réglo avec lui… (soupire) mais il peut pas… il le veut mais il peut pas… je me suis mise à pleurer en chambre, il n’a même rien vu…c’est pas que je voulais qui me voie pleurée, pas du tout mais …(silence) enfin tu vois, j’ai l’impression d’être un robot dans cette tenue, tu pleures on le voit pas tu souri on le voit pas, tu dois faire vite quand tu rentres dans la chambre et tu ne sais même pas montrer …(pleure) de la compassion, un sourire… limite j’ai l’impression qu’on leur fait peur plus qu’autre chose (soupire) »
Le temps ne nous permettant pas de nous accorder un moment d’échange, j’ai proposé à Maria qu’on puisse s’appeler en soirée, pour en rediscuter si elle le désirait. Ce soir-là, c’est elle-même qui m’a téléphonée. Notre conversation lui avait fait du bien, mais m’avait chamboulée :
Maria : « Je sais que je fais de mon mieux, mais tu vois en fait j’arrive à saturation, c’est tout ensemble…(soupire) quand je suis sortie de la chambre j’ai craquée, et je pensais que c’était cette histoire de mon patient qui m’avait bouleversé…(pleure) mais non, je… j’en peux plus…(pleure++) … »
Moi : « on est tous à bout tu sais, on est fatigué par la charge de travail, les horaires… on n’a même pas le temps de se poser un peu, de pouvoir discuter entre nous, de parler de ce qu’on ressent… Regarde on a dû couper court à notre discussion cette après-midi… ce n’est pas normal… »
Maria : « j’en ai gros sur le cœur… je vois des trucs qui me rendent malade… dans l’unité Covid gériatrie, il y a des infis qui ne lavent même pas les patients… ils passent une lingette et l’affaire est faite… ils disent que moins ils restent dans la chambre, plus ils se protègent… et moi quand j’arrive pour renforcer l’équipe… (pleure++)…beh tu vois, je peux pas faire différemment qu’eux, sinon je vais les retarder et je vais me faire mal voire… je culpabilise, je m’en veux tellement… il y a deux jours, on était deux dans une chambre, on n’a « lavé », si on peut appeler ça lavé… je dirais plus tôt on a « lingetté » une vieille mamie … j’ai honte de le dire mais c’est tellement ce que je ressens… (pleure++) c’est de la maltraitance… on ne lui a même pas adressé la parole et en sortant elle nous a regardé et elle nous a dit : « merci »… (silence)… et là, je …(pleure ++) là je me suis rendue compte qu’on ne lui avait même pas adressé la parole, à aucun moment on lui a demandé comment elle allait… moi, j’étais la tête dans le guidon, à « carwasher » et écouter blablater la fille avec qui je bossais… Tu dois tout faire vite, même leur donner à manger, à boire… tu te rends compte ?… (Pleure) même donne à boire tu ne sais pas le faire, tu ne peux pas rentrer dix fois sur une journée pour les hydrater… et il fait chaud là en plus… (pleure)… »
Moi : « Je sais qu’on ne travaille pas comme on le voudrait, on fait de notre mieux… Tu prends conscience de ça et c’est bien… Tu devrais peut-être demander au cadre de ne plus aller dans ce service ? »
Maria : « Le cadre ? tu l’as déjà vu toi ? Ils sont planqués dans leur bureau… on est SEUL avec nous-même (ton colérique) … Je vais te dire (pleure) je vais appeler mon médecin demain et lui expliquait comment je me sens… (pleure) je me sens …tellement vide de l’intérieur…(soupire) je dors plus très bien, je mange plus tellement je n’ai plus de goût à rien… je préfère me mettre en arrêt… c’est bon j’ai donné ! »
Après cet appel, il était difficile de penser à autre chose. Maria avait déposé des mots, là ou moi j’avais placé du déni. Je me sentais également maltraitante par moment, j’avais aussi peur : plus vite sorti de la chambre, moins de risque d’être contaminé.
Le lendemain, Maria avait un horaire prévu dans le service dans lequel je travaillais, elle n’est pas venue, je ne la reverrais plus.
Pour Philippe Zawieja (Zawieja, 2017) : « les métiers du soin, […], placent la compassion au cœur de leur exercice. A côté des compétences théoriques et techniques, la compassion permet même de distinguer un soignant d’un « bon » soignant, animé par l’éthicité de sa relation aux personnes qu’il prend en soins. L’empathie désigne la capacité de percevoir ce que ressent autrui. La compassion est cette aptitude non seulement à se laisser affecter par cet autre, mais aussi à se mettre en mouvement pour lui venir en aide, sans se substituer à lui. La fatigue compassionnelle est une forme d’usure professionnelle, […]. C’est le contact prolongé avec la souffrance d’autrui, à l’occasion de laquelle le soignant manifeste divers symptômes tels que colère, dépression et apathie. Cette conception, dans laquelle le mot « fatigue » traduit bien l’incapacité de continuer, s’articule autour de la charge émotionnelle ou des « exigences émotionnelles », soulignant le sentiment d’impuissance, l’impossibilité à pouvoir agir sur les souffrances rencontrées. […] le stress mal géré majore la fatigue de compassion et conduit au burn out ». J’imagine que Maria a fait l’objet de ce burnout.
2.1.5.2 – Quand la guérison tarde et que la mort guette
Pour Régis Aubry (Aubry, 2013: 241) : « Parce qu’il est insuffisamment formé et préparé, le soignant, confronté à la mort, aux limites de la vie et du savoir, se sent mal à l’aise. Il est probable que ce malaise lié à l’impensé et à la peur renforce ses difficultés. D’autant que travailler en situation de limites (limites des savoirs et limites de la vie) revient à être confronté à l’incertitude ».
L’incertitude à laquelle nous avons été confrontés durant cette période faisait partie de notre quotidien, rien n’était acquis. Quand on pensait qu’un patient allait mieux, il pouvait en quelques heures se dégrader au point d’être transféré à l’unité de soins intensifs puis être placé au respirateur ou, d’une manière plus dramatique, mourir. Le virus lui-même était une incertitude, tant sur le plan du traitement que sur son action.
Cette incertitude était présente tant chez le personnel soignant paramédical que chez le personnel médical. L’échange que j’avais eu avec un médecin, lors de la modification d’un traitement chez un patient, m’avait fait réaliser que personne ne savait ce qu’il fallait faire :
« Dr. La température de Mme X a du mal à chuter… et malgré l’oxygène qu’elle reçoit, elle désature encore… On ne pourrait pas envisager autre chose ? C’est dur de s’acharner comme ça et de se dire que rien ne fonctionne… »
« Ce truc (en parlant du virus), c’est une saloperie… on ne sait pas ce que c’est, ni ce qui fonctionne… il faut traiter les symptômes c’est tous qu’on sait faire et espérer que le patient soit assez fort pour combattre cette crasse… Tu peux lui mettre 6l d’oxygène au masque, reprend ses paramètres dans ½ heure et appelle moi, on va voir si l’USI veut bien la prendre… » Dr. M.
Cette incertitude conduisait au stress, à l’angoisse, à la peur et même à la colère mais il fallait tout de même y faire face et soigner les patients du mieux qu’on pouvait : leur mettre de l’oxygène, leur apporter une aide respiratoire, administrer des antipyrétiques ou des antalgiques afin de faire chuter la température ou de soulager des douleurs telles les courbatures par exemple. Tous cela était possible mais rien de cela ne guérissait le patient et c’est là où le soignant peut se demander, pour reprendre les mots de Régis Aubry : « ce que soigner veut dire lorsque guérir est impossible ».
2.1.5.3 – Le soignant face à la mort
« Je suis fatiguée de voir autant de souffrances…(pleure) qui sommes-nous pour décider que des patients doivent mourir seul, sans famille ? » Tatiana, infirmière
Je me suis mise à pleurer lorsque j’ai entendu Tatiana prononcer cette phrase alors qu’on venait de perdre le deuxième patient sur la journée. Qui étions nous pour autoriser ça, personne n’a le droit de mourir seul, d’être placé dans un cercueil sans un ultime adieu de sa famille, ses enfants, amis…
Je me suis demandée à plusieurs reprises si ce que l’on vivait était réel, si nous n’étions pas dans un mauvais rêve. Les patients avaient la même maladie, les mêmes symptômes, les mêmes craintes pour lesquels on ressentait une impuissance. Il était difficile de prodiguer un dernier soin, une dernière toilette à un patient qui allait être coupé des siens. C’était un sujet qui revenait quotidiennement où l’on pouvait aisément se rendre compte de comment l’on vivait cela chez chacun d’entre nous :
« J’en peux plus… (pleure) tu sais, même quand je m’endors j’entends le bruit des sacs mortuaires… aujourd’hui c’est mon 4ème décès en 3 jours…j’ai l’impression d’être devenu croc mort ! Je trouve ça traumatisant…(pleure) de me dire on va emballer le patient comme ça… nu, sans rien…(soupire)…même pas une robe de nuit…(pleure) emballer dans ses draps, qui n’étaient même pas propre ensuite dans une housse et puis encore une deuxième… et hop directement dans le cercueil sans rien…Je travaille pas comme ça moi, j’ai jamais bossé comme ça…(pleure) en temps normal, je fais tout pour que ces patients partent en toute dignité… je mets de l’eau de Cologne dans l’eau avec laquelle je vais les laver, je prends le temps qu’il faut pour les rendre beaux pour leur famille…(silence) je leurs parles aussi… tu vois, j’ai toujours fait ça… je vais même jusqu’à faire le tour des services pour chiner des fleurs pour mettre des pétales autour du patient dans son lit, pour que la famille puisse avoir une belle dernière image… Ici, j’ai l’impression que je bâcle mon travail… c’est horrible, je n’ai pas signé pour ça moi ! » Ines, infirmière
Pour David Le Breton (Le Breton, 2013: 37) : « La toilette mortuaire est un fait presque universel, […]. Elle confère au défunt une ultime dignité pour lui-même et pour les autres auxquels il sera livré pieds et poings symboliquement liés. Elle vise à le purifier pour le préparer à sa prochaine disparition. Les gestes accomplis par la famille ou les personnes traditionnellement affectées à cette tâche impliquent respect, tendresse, paroles murmurées, ou parfois reproches, comme s’il était toujours présent et participait lui-même à ces opérations […]. Dans un contexte familial, ces paroles ou ces gestes sont un ultime adieu, une manière d’échanger avec lui des sentiments essentiels. On poursuit une conversation avec lui, on lui fait des confidences, on lui dit son amertume de le voir partir. Pour de nombreux soignants, accomplir la toilette funéraire, c’est aller jusqu’au bout du soin ».
Outre la mort des patients, il y avait aussi le problème des négociations. Elles étaient relatives à la possibilité qu’un patient puisse être admis à l’unité de soins intensifs alors que son état se dégradait. Il fallait prendre en considération l’âge et l’état général du patient. Si en temps normal, ils avaient tous une chance d’être sauvés, ici il fallait faire un choix. La décision découlait d’une discussion entre le médecin traitant, le médecin hospitalier et le médecin réanimateur.
Il nous arrivait d’admettre des patients au sein de l’unité en sachant qu’ils venaient pour mourir. Il est déjà arrivé que le service prenne une allure d’unité de soins palliatifs de par le nombre important de patients qui étaient en train de vivre leurs derniers moments. Les patients pouvaient également venir directement des urgences avec un statut palliatif. L’absence de la famille dans ces prises de décisions et le défaut de concertation du personnel soignant, donnait l’impression d’être dans une médecine de guerre.
La conversation à laquelle j’ai assisté entre deux membres du personnel, laisse apparaître deux points de vue différents :
« Ça devient un mouroir ce service…(soupire) je viens de faire la deuxième entrée palliative de la journée… on a mis le patient sous morphine…(silence) il en n’a pour 2-3 jours max. La famille est à terre, ils appellent toute les heures…pfff…Sérieusement, ça fou les boules, faut pas me dire qu’on aurait pas pu le transférer aux soins intensifs ? … »Marc, infirmier
« Ouais mais bon c’est la vie… on ne peut pas sauver tout le monde ! On sait bien que la règle numéro un c’est d’éviter que le système de soins ne soit saturé ! Si mon frère de 40 ans venait à tomber malade, je préfère que ce soit lui qui soit dans un lit d’USI plutôt qu’un papy de 88 ans ! » Thomas, infirmier
« Mourir… on sait qu’on va tous y passer un jour…(soupire) mais comme ça ? Tout seul ? t’es sérieux ? qu’on est 20-40-80 ou 100 ballets (par ballets le sujet veut dire : « ans »), personne ne mérite de mourir seul ! En plus je ne sais pas si tu te rends compte, c’est MOURIR SEUL, être mis dans un cercueil SANS aucun au revoir, et limite être enterré SEUL…(soupire)… Sur ce… je vais me fumer une cigarette ! » Marc
Pour Éric Fiat (Fiat, 2013: 189) : « Pour les soignants la mort n’a rien de rare : les statistiques nous en informent assez. Certes, on meurt plus dans certains services que dans d’autres : les soignants officiant en service de radiologie ou de pédiatrie rencontrent moins souvent la camarde que ceux officiant en service de soins intensifs ou d’oncologie ; et parmi ceux qui exercent en service d’oncologie, certains rencontrent moins souvent la mort que d’autres, en raison de la structuration du service où ils exercent […]. Mais quel que soit le lieu où ils exercent, on sait la confrontation à la mort l’ordinaire des soignants. La mort n’a donc pour eux rien de rare ».
Si on fait le parallèle entre ce qui a été vécu par les soignants durant la crise Covid et la description d’Éric Fiat, il y a deux points qui sont intéressants à souligner :
- Nous avons effectivement eu des collègues qui n’ont jamais été confrontés à la mort d’un patient (service de consultation, salle d’accouchement, etc.) et quand cela se produisait, cela pouvait être vu comme brutal si on n’y est pas préparé. Le témoignage de Vinciane, une infirmière qui exerce depuis 17 ans dans un service de consultation gastro le démontre bien :
« Il y a 4 jours je me suis retrouvée dans la chambre avec Mme X… elle était morte… Je ne savais pas ce que je devais faire… Heureusement que Mouna est arrivée…(Pleure), j’étais perdue…ça fait 17 ans que je travaille et c’est la première fois que je suis face à ça (par ça, le sujet parle de la mort), ça me stress de rentrer en chambre…, je préfère rester à l’extérieur pour donner le matériel et m’occuper de retranscrire les paramètres… (soupire) Je suis choquée…(silence) j’en fait des cauchemar… j’ai le visage de la patiente devant les yeux à chaque fois que j’essaye de dormir… »
- Quand Éric Fiat dit : « la mort n’a donc pour eux rien de rare », on peut penser que ce cela ne soit applicable que dans des conditions de prise en charge « normale » c’est-à-dire la possibilité au soignant d’accompagner le défunt dans la mort avec tout ce que cela implique. Or, ici, la crise sanitaire a tout chamboulé. Vu le caractère récent de la crise, une nouvelle approche scientifique de l’appréhension des soignants face à la mort peut émerger.
2.1.5.4 – Les soignants face à la famille
Une famille non informée et non préparée au décès d’un proche est l’un des facteurs de stress repérés chez les soignants si l’on se base sur une étude conduite par le Dr Chantal Rodary (cité in Landry-Dattée, 2003)
Pour Nancy Kentish-Barnes et Julien Valy (Kentish-Barnes & Valy, 2013: 26) : « Les soignants […] ont pour l’habitude de nommer les personnes qui rendent visite au patient « famille ». Mais qui est cette « famille » ? Le terme est avant tout collectif et anonyme. L’hospitalisation transforme la personne en « patient » et ses proches, qu’ils soient époux, parents, enfants, cousins, amis ou voisins, en « famille » ».
La famille dans son sens large est une composante importante durant la prise en charge des patients, pourtant la crise a fait que les visiteurs n’étaient pas autorisés à rentrer dans l’établissement, ce qui fait les patients étaient livrés à eux-mêmes et en cas de décès, il serait impossible pour leurs familles de leur dire au revoir. Le personnel soignant vit aussi difficilement cette situation.
Bien sûr il y avait les outils de communication comme les tablettes mais ils n’étaient pas accessibles à l’ensemble des familles mais même quand c’était le cas, il manquait toujours ce contact physique et ce regard.
Les familles appelaient tous les jours et de même pour le médecin. Ce dernier appelait pour donner des nouvelles de leur proche mais une fois la conversation terminée, la famille appelait à son tour le service et demandait à parler à une infirmière. On nous demandait de répéter ce que le médecin avait dit et cela était très énergivore et alourdissait la charge de travail, on prenait alors le rôle de « transmetteur ».
Le patient et la famille qui été étranger jusqu’il y a peu, avaient pris une place importante dans notre quotidien de soignant, pouvant même, par moment, dépasser le cadre hospitalier. Comme en témoigne cette infirmière, qui avait fait un appel WhatsApp depuis son téléphone pour qu’un patient puisse parler à sa fille à l’étranger :
« Je ne sais pas comment je vais faire… la fille de M. x m’envoie tous les jours des messages sur WhatsApp depuis qu’on l’a appelé de mon numéro…(soupire) je n’arrive pas lui dire d’arrêter de me contacter… Je comprends qu’elle soit inquiète, mais bon quand je rentre chez moi j’aimerais penser à autre chose… et quand je vois ces messages …(soupire) tu vois ? enfin, je n’arrive pas à lui demander d’arrêter de me contacter… Mais hier soir, c’est mon mari qui a « pété un câble » je venais à peine de rentrer chez moi qu’elle m’appelait… il était passé 21h quoi… Mon mari était choqué, il m’a dit que je devais lui dire d’arrêter… Son père (le patient) m’a demandé qu’on l’appelle cet après-midi… je vais en profiter pour lui dire… Je vais lui dire que je peux l’appeler pour qu’elle puisse voir et parler à son père mais que je ne peux pas répondre à ses questions et ses appels quand je suis en dehors du boulot… J’espère qu’elle comprendra…(soupire) »
Ces nouvelles pratiques informelles alourdissaient effectivement notre charge de travail et impactaient notre moral. Nous vivions tous cela très difficilement et l’on pouvait régulièrement s’en rendre compte lors de nos échanges :
« J’ai eu la famille de M. X 4 fois sur la journée d’hier… (soupire), c’est horrible ce qui leur arrive…(voix tremblante)… son épouse est décédée il y a 2 jours, elle était en maison de repos… c’est un vrai massacre dans ces maisons de repos, la famille a tout fait pour qu’elle soit hospitalisée auprès de son mari mais impossible… (yeux humide), il n’est pas au courant que sa femme est morte, ses enfants préfère ne rien dire, ils ont beaucoup trop peur qu’il se laisse aller… ça me déchire le cœur, c’est beaucoup trop triste… (silence)… Il me parle tout le temps de sa femme, et là il va falloir faire semblant de rien… La famille devrait lui dire, ce n’est pas juste…Ils m’ont demandé de prendre bien soin de leur papa… ils ont peur qu’il ne sorte pas vivant d’ici… » Clara, infirmière
Question : « Pourquoi tu trouves ça injuste ? »
« Injuste parce que le patient a le droit de connaître la vérité… Du coup, tu vois, NOUS AUSSI on va devoir entrer dans le mensonge… je n’aime pas ça… c’est à l’encontre de mes valeurs ! Quand il va me parler de sa femme, je vais devoir faire semblant de rien, alors que JE SAIS qu’elle est morte…(soupire), C’est nous qui sommes face au patient tous les jours, c’est facile pour la famille de cacher la vérité… Je me mets à la place du patient… (pleure)… Je viens de perdre ma tante en Italie, elle est morte de cette saloperie, et si on ne me l’avait pas dit…(pleure) je peux te dire que je n’aurais jamais pardonné à mes parents (pleure ++) …je n’ai pas pu la voir une dernière fois, mais j’ai prié pour elle. La mort ce n’est pas quelque chose qui se cache !… (Long silence) … Je préfère ne plus m’occuper de ce monsieur… désolée mais je préfère…(pleure) je sais que je peux être capable de lui dire ou de lui faire comprendre… ça me prend trop à cœur, je préfère éviter ! »
Je trouvais que Clara avait toutes les raisons du monde d’être en colère et je la comprenais. En effet, il est arrivé plusieurs fois où la famille nous mette dans des confidences. Par moment, j’avais l’impression d’être un robot à qui l’on donne une information qu’il doit stocker dans son disque dur… Lorsque Clara évoque ce conflit de valeur, un mot me vient en tête : « trahison ». On en était à trahir nos valeurs, nos patients, notre métier finalement… Je me suis souvenue avoir vécu à peu près la même chose avec un oncle cancéreux en phase terminale… toute la famille savait qu’il ne lui restait plus beaucoup de temps à vivre. Tout le monde le savait… sauf lui. Cette histoire que je pensais être derrière moi, m’est revenue comme un boomerang.
Pour Marc Loriol (Loriol, 2013) : « si, lors d’une interaction, il n’est plus possible de retenir ses émotions dans le cadre prescrit par le rôle professionnel, il est recommandé de se retirer provisoirement de la relation, le temps de « retrouver ses esprits ». Cela suppose le soutien des collègues qui acceptent (et ont le temps) de prendre le relais pendant quelques instants. Éviter un malade perçu comme difficile ou pénible peut être un moyen de se protéger, mais peut également être source de culpabilité pour le professionnel ».
Certains évènements laissent aussi une trace indélébile en nous. Je pense particulièrement à une vieille dame dont je m’étais occupée et qui vivait ses derniers instants : la famille que j’avais eu en ligne m’avait supplié de lui mettre le téléphone au creux de son oreille, hélas les mesures de protection n’autorisaient pas cela. J’ai donc rappelé la famille avec mon GSM que j’avais placé dans un sac en plastique, j’ai déposé mon téléphone en mode « haut-parleur » sur la table de nuit juste à côté de la patiente. Je suis sortie de la chambre, j’y suis retournée une heure après… la patiente était morte et la famille continuait à lui souffler des mots de paix, d’amour… c’était dur, très dur… il a fallu annoncer à la famille que c’était fini… Une des filles de la patiente m’a demandé de bien lui laisser son alliance et de la laisser partir avec son écharpe, une écharpe qui ressemblait un peu à un châle qui n’avait jamais quitté la patiente durant son séjour. Étant donné que nous ne pouvions pas effectuer de dernière toilette mortuaire, j’ai pris la peine de la parfumer avec son eau de Cologne. Cette patiente ne sera pas partie seule, elle aura été accompagnée par la voie de ses enfants et petits-enfants… Jamais je ne pourrais oublier le visage de cette dame, jamais je n’oublierais la voix de ces enfants.
2.1.6 – L’ensemble des soignants animés par une colère
Le lundi 04 mai sont publiés au moniteur belge deux arrêtés royaux pris dans le cadre des pouvoirs spéciaux conférés au Gouvernement. Ils avaient pour but de réquisitionner du personnel soignant et cela s’avérait nécessaire dans le cadre de la crise sanitaire et de déléguer des actes infirmiers au personnel de soins non qualifiés. Ces arrêtés ont provoqué un tollé au sein des syndicats, du personnel soignant et des collectifs de soignant. Alors que la première phase de déconfinement était enclenchée, cet arrêté prend le ton d’une attaque et d’une non-reconnaissance du travail accompli jusque-là. La fracture avec la sphère politique et le terrain était déjà présente depuis bien avant la crise ; ici, c’est une faille béante qui sépare aujourd’hui les deux acteurs.
Au sein de l’unité Covid, les avis diverges mais sont tous animés par la colère :
« Il ne faut absolument pas lâcher… il ne faut pas oublier tous que l’on est en train de vivre (soupire) Macron l’a dit clairement : c’est la guerre ! beh oui … on a envoyé des bons petits soldats sans armes pour combattre… on va la gagner cette guerre ! Mais il y a un deuxième round qui nous attends… Il faut REGLER nos comptes, on peut plus retourner à l’ancien système… Aujourd’hui c’est notre métier qu’il faut sauver ! » Marc, infirmier
« Moi je suis fatiguée, fatiguée de tout ça… en fait, on est juste un numéro… sortir dans la rue ne changera rien… ça fait des années qu’on le dit que ça ne va pas, je pense que je vais juste réfléchir à ce que je pourrais faire d’autres… On se sert de nous, on nous a mis en danger, des collègues ont été contaminés et d’autres sont morts…(silence et soupire)… Tu as vu qu’on recensé des chiffres sur les soignants décédés du Covid toi ? … Rien, quedal ! C’est la preuve qu’on en n’a rien à foutre de ta gueule… c’est marche ou crève ! Franchement c’est à vomir…Et là en plus, comme si on ne s’était pas assez mobilisés au maximum de nos forces ces derniers temps en plus dans des conditions de merde, on vient avec cette réquisition… Super la reconnaissance ! »
« Ça fou vachement la rage de te dire que tu as fait 3 années d’études, pour entendre dire un jour que du personnel non qualifié puisse pratiquer des actes infirmiers … Vive la reconnaissance… ils sont entrain de détricoter notre métier… En plus, qui sera responsable si une erreur est commise ? » Doriane, infirmière
« De la reconnaissance on n’en a jamais eu et ce n’est pas maintenant que ça va commencer… Tu as vu quelqu’un de la direction descendre sur le terrain toi ? Moi jamais… il y en a même qui ont télétravailler si tu veux savoir… Le cadre je l’ai vu 2 fois sur 4 semaines…2 fois… je ne sais pas mais vient pas me dire qu’ils ne peuvent pas retrousser leur manche… tous ces cadres ils sont infirmiers avant tout ! ça me donne envie de vomir… (ton colérique) » Ines, infirmière
« S’ils croient que je vais me laisser faire… jamais je n’accepterais d’être réquisitionné si je suis en congé, on a déjà dû faire sauter tous nos congés ici… quand tu vois le merci que tu as ! une fois, pas deux ! En plus … franchement je ne me vois pas affronter une deuxième vague…(soupire) je suis à bout, on m’a pompé tous qui me restait comme énergie et humanité… là je fais mon boulot comme un robot… J’ai vraiment besoin de m’écarter un peu et de me retrouver, de retrouver ma famille que j’ai plus vue depuis 2 mois… »
Le 16 mai 2020, le personnel soignant de l’hôpital Saint-Pierre à Bruxelles a manifesté sa colère à la Première Ministre Sophie WILMES en visite à l’hôpital, ceux-ci lui ont réservé un accueil plus que glacial. C’est avec dos tourné par une haie d’honneur ou plutôt « de déshonneur », que la Première Ministre a été accueillie à son arrivée.
Alors que l’heure du déconfinement a sonné, l’heure est aux revendications pour les soignants.
Revendications qui ne sont pas nouvelles, elles étaient déjà présentes avant la crise du Coronavirus, notamment par les mardis des blouses blanches. Les événements que nous avons vécus sur le terrain à la suite de cette crise, sont venus attiser le feu dans cette marmite qui bouillonnait déjà bien avant la crise. Aujourd’hui, c’est le couvercle qui a sauté, les soignants se mobilisent, des arrêts de travail ont lieu partout en Belgique, les syndicats sont déterminés à mener ce combat à nos côtés, des collectifs de santé s’embrasent et organisent les premiers rassemblements de soignants à Bruxelles, Liège et Charleroi le 14 juin.
A l’heure où j’écris ces lignes, le déconfinement évolue, les services Covid se vident et le personnel soignant est à bout de souffle. La crainte de voir ressurgir une deuxième vague inquiète chacun d’entre nous.
Conclusion
Cette contextualisation nous aura permis, dans un premier temps, de se situer dans le cadre hospitalier et ensuite d’avoir une vision des tensions qui animaient les soignants avant l’épidémie du coronavirus. La démarché méthodologique choisie pour construire cette contextualisation peut paraitre accessible au vu de mon métier d’infirmière. Être sur le terrain et vivre cette crise dans ses moments les plus forts ont été une source de richesse pour m’aider à élaborer ce mémoire, même si la retranscription ne fût pas très confortable émotionnellement parlant.
Aujourd’hui, il paraît évident que l’épidémie du coronavirus est venue exacerber des problèmes qui étaient déjà bien présents avant la crise. A la faveur de cette crise pandémique, on s’aperçoit que le cadre budgétaire qu’on avait naturalisé et que l’on considéré comme un « ça va de soi » n’était qu’une utopie. La disproportion entre les besoins médicaux et les moyens disponibles était criante.
Aujourd’hui, cette crise est venue soulever un couvercle sur une marmite qui bouillonnait déjà bien. Les transformations organisationnelles du travail, les conditions de travail, l’intensification du travail, la flexibilité des horaires et des espaces de travail ainsi que toute la charge émotionnelle auxquels nous (soignants) étions confrontés durant cette crise sont autant de sujet qu’il serait intéressant d’explorer individuellement, mais ils sont également autant d’éléments déclencheurs de risques psychosociaux.
Cette étude participative m’a donné l’idée de me pencher sur les entretiens semi-directifs de personnel infirmier afin de se faire une idée de leur vécu. En effet, il est intéressant de connaître l’appréhension de plusieurs personnes ayant vécu la même situation. Les données retenues seront alors évoquées ci-après.
2.2 – Les résultats de la seconde observation par entretiens semi-directifs
Comme il a été évoqué plus tôt, six entretiens ont été effectués. Dans cette partie, nous allons mettre en exergue les résultats des entretiens pour chacun des participants.
2.2.1 – Participant n° 1
Le premier participant aura les initiales F.C., il est de sexe masculin, entre 30 et 40 ans, célibataire et travaille à temps plein avec une ancienneté de 13 ans. Il a été interviewé par téléphone le 15 juillet 2020 et deux scénarios lui ont été proposé, l’avant Covid et après l’arrivée Covid.
2.2.1.1 – L’avant Covid
Avant la crise sanitaire, le participant évoque qu’il ressentait déjà beaucoup de pression au travail pour des considérations financières : il fallait faire du chiffre et même quand les chiffres étaient bons (en hausse), la pression était toujours constante et il n’y avait aucune reconnaissance. Il ne vivait pas ce manque de reconnaissance car on le reléguait à ceux qui ne sont pas performants, tant que personne n’est tué dans l’établissement. Aussi, le manque de reconnaissance de la part de sa hiérarchie joue sur sa motivation mais pas tellement car la reconnaissance des patients lui est plus valeureuse.
La pression médicale était aussi vue comme stressante, ce qui le rendait irritable car déjà qu’ils étaient en sous-effectif dans leur service, il était le seul à se donner à fond. Malgré cela, il ambitionne de toujours bien faire son travail et de ne pas le bâcler (avec les erreurs), quitte à accuser un certain retard par rapport aux nouvelles demandes, il sait également dire non quand ça ne lui convient pas. Il estime toutefois que la pression est subie par tout le monde, même par les médecins qui sont plus hauts dans la hiérarchie mais il n’en fait pas plus qu’il devrait car son salaire restera le même.
Au vu de sa performance par rapport à ses collègues, il estime qu’il est celui qui supporte tout, surtout les critiques, il est vu comme fainéant alors que c’est tout le contraire, il essaye de faire de son mieux. Aussi, il a tendance à constamment remettre en question sa carrière professionnelle alors qu’il aime son travail, il ne le conseille pas toutefois et qu’il devait recommencer, il ne ferait pas ce travail. Il se voit plus tard changer de voie, il ne quittera pas l’hôpital à cause de la stabilité mais pense exercer une activité en relation avec l’aromathérapie et la médecine traditionnelle indienne à côté.
2.2.1.2 – Avec l’arrivée du Covid
Le service du participant a fermé avec la crise sanitaire. Comme il était en congé durant la nouvelle organisation, il n’a pas été affecté directement mais après avoir contacté les ressources humaines, il a appris qu’il était affecté en gériatrie, un service dans lequel il n’avait plus travaillé depuis des années, ce qui lui causa du stress car il est habitué des services techniques. Toutefois, la nouvelle équipe lui permet de tenir le coup et en même temps il voit de nouvelles personnes.
Ce changement, il l’estime comme bénéfique car ça lui a permis de sortir de son quotidien, de voir de nouvelles personnes même s’il n’aime pas le service de gériatrie. Il avait cependant l’impression de redevenir étudiant car il fallait tout réapprendre car il n’était plus habitué, ce qui s’avérait être un peu frustrant.
Concernant les horaires, le participant devait faire preuve d’une grande flexibilité car il évoque qu’ils étaient demandés en fonction des besoins du service donc aucun horaire fixe et il fallait demander à chaque fois où on allait travailler le lendemain et à quelle heure. Le service gériatrie ne lui allait pas au fil du temps car il voulait une expérience plus technique, il a alors été affecté dans le service dialyse qui a répondu à ses attentes. Malgré cela, il ne ressentait pas de reconnaissance de la part de sa hiérarchie même durant cette période tendue de crise sanitaire.
Il ressentait du stress à cause du changement de la façon de travailler, de la peur de l’inconnu, de la peur de malfaire son travail, de l’angoisse. Il y avait aussi un problème par rapport à l’équipement de protection médical qui n’était pas adapté à sa morphologie (barbe), il a alors dû se débrouiller par ses propres moyens pour trouver de l’équipement qui était en adéquation avec lui. Aussi, il a eu peur pour lui-même et pour ses proches. La maintenance de la distance physique était aussi vue comme dure, notamment par rapport à la famille mais les risques étaient trop grands et il fallait s’adapter.
Il estime également que la charge de travail durant la crise était plus importante notamment sur le plan horaire concernant l’habillage et le déshabillage, sur le plan performance où il fallait tout faire correctement dans un court laps de temps. Son affectation au sein du service dialyse a été plus légère car il y avait beaucoup de monde et des fois on le mettait en congé car il n’y avait pas beaucoup de travail.
Concernant la gestion du personnel durant la crise, le participant évoque que la direction était quelque peu négligente car tant que la température d’un membre du personnel n’atteignait pas 38,5°, il fallait que celui-ci vienne travailler même en étant malade. Il considère alors les membres du personnel comme des machines qui devaient juste travailler et se taire. Il y a également la question des conditions de travail durant cette crise, il la voyait comme moyenne car le personnel à disposition était moyennement suffisant mais on avait constamment peur d’être contaminé, de manquer de matériel et il fallait parfois travailler le soir ou les weekends, mais comme c’était temporaire, il acceptait plus facilement.
Toutefois, il ne se sentait pas en sécurité durant l’exécution du travail notamment sur la question des masques non adaptés à sa morphologie et quand on lui disait de s’adapter en fonction. Il ressentait alors de la colère car il sent qu’il n’est pas traité comme un être humain. Le matériel de protection non adapté lui causait alors des désagréments durant le travail et coupait sa relation avec le patient.
Concernant les exigences émotionnelles, il évoque l’angoisse et la peur de l’inconnu, d’être contaminé par une maladie qui est encore inconnue et de la transmettre à son entourage. C’est un sentiment pesant car il a réellement peur de nuire. Aussi, dès son arrivée à la maison, il se déshabillait et allait directement à la douche par peur de contaminer la maison.
Concernant les relations avec les patients isolé de tout contact familial et amical, il estime que cela était difficile car beaucoup pleuraient, surtout dans le service gériatrie. Il essayait d’être proche d’eux car les contacts avec les familles étaient prohibés. Étant retourné dans son unité, il a vu que le travail avec le Covid-19 était beaucoup plus stressant par rapport à ce qu’il vivait auparavant.
Il ressent toujours un manque de reconnaissance de la part de la hiérarchie et n’est pas prêt à laisser passer une telle situation car il ne se sent pas valorisé. Les applaudissements tous les jours à 20h et l’appellation de héros ne changent pas ses sentiments car il estime que c’est juste par peur de mourir, le déconfinement et la baisse d’attention envers le personnel hospitalier confirment son constat.
2.2.2 – Participant n° 2
Le second participant aura les initiales D.M., il est de sexe masculin, entre 30 et 40 ans, en couple et travaille à ¾ du temps les nuits et ¼ du temps les jours avec une ancienneté de 10 ans. Il a été interviewé par téléphone le 16 juillet 2020 et deux scénarios lui ont été proposé, l’avant Covid et durant la crise Covid.
2.2.2.1 – L’avant Covid
Avant la crise sanitaire, le participant travaillait dans une équipe mobile. Il ressentait de la pression car il avait repris des études et devait faire l’équilibre entre ses deux activités. Il ressent également du stress mais a pu s’adapter aux situations stressantes après 10 ans de travail.
Lui aussi remet sa carrière professionnelle en question, il ne se voit pas encore 10 ans dans les services hospitaliers et c’est pour cela qu’il a repris des études car il n’a plus beaucoup d’énergie pour cette activité. Il espère plus tard travailler dans un ministère, une ONG ou faire de la gestion de projet.
2.2.2.2 – Durant la crise Covid
Durant la crise, des changements ont eu lieu notamment sur les services, 3 ont fermé pour en faire des services Covid, un service post-Covid et un service chirurgie a totalement fermé. Il a été affecté dans deux services de réanimation et aussi en support dans les unités Covid. Il a été appelé à travailler là où on avait besoin de lui donc rien n’avait changé comme il était dans une équipe mobile. Ses horaires n’ont pas été touché mais des heures supplémentaires volontaires ont été mises en place, il y a pris part mais a dû arrêté après un certain moment car il n’en pouvait plus.
Concernant la charge de travail, le début du Covid a été vu comme chaotique, en effet l’organisation n’était pas présente du tout, on ne savait pas ce qu’il fallait faire, tout s’est mieux arrangé au bout de trois semaines. Cela a eu un impact sur la manière de travailler car le participant ressentait du stress à cause de la pléthore de personnel qui n’étaient pas habitués à travailler en soins, de l’absence de matériel adéquat, du manque de médecin, etc. Les effectifs ont aussi diminué car nombreux ont été touchés par le Covid.
Concernant les conditions de travail, le matériel de protection manquait grandement et il fallait s’adapter mais ce n’était pas suffisant, ils n’ont eu de bons masques qu’après que les ¾ du personnel aient été contaminés par le virus. Il a eu peur pour lui et ses proches et prenait les précautions nécessaires pour préserver tout le monde (douche, isolation). Il y avait aussi de la température de 38,5°, on pouvait avoir tous les maux du monde mais si cette température n’était pas atteinte, il fallait venir au travail. Tout était alors vu comme chaotique.
Sur le point des émotions, le stress était constant, surtout à la vue de l’empilement des cadavres morts du Covid dans la morgue. Il y avait aussi les scènes des patients téléphonant à leurs proches sans savoir s’ils allaient se réveiller ou non à la suite d’un endormissement, c’était dur et ça a grandement touché le participant voire tout le monde dans le service. Il ne se sentait pas en sécurité mais la fourniture de matériels adéquats a allégé cette situation malgré la présence constante du stress et de la peur de contaminer son entourage. Il se sentait aussi oppressé par le port du masque.
Concernant l’attitude et le rapport avec le patient et la famille, il se montrait très empathique vis-à-vis du patient contaminé mais ne montrait pas ses émotions (tristesse), il n’a eu de contrecoup qu’à partir du déconfinement après discussion avec ses collègues. Vis-à-vis des familles, il ne gardait qu’un contact téléphonique de par l’interdiction de visites et des liens se sont noués mais il restait professionnel malgré les connotations émotionnelles, cela était réellement difficile lorsque le patient décédait.
Sur le thème de l’impact sur la vie privée, le participant estime qu’il avait vraiment eu peur pour son entourage et qu’il en prenait beaucoup de nouvelles. Il ne pensait pas à l’hôpital arrivé chez lui. Le Covid a été vu comme ayant eu un impact intense sur le travail mais on accusait une certaine solidarité au niveau des équipes.
Enfin, concernant la reconnaissance sociale, les applaudissements tous les soirs à 20h et l’appellation de héros lui faisaient chaud au cœur mais il trouve dommage que ce soit la mort qui donne lieu à cette soudaine reconnaissance.
Actuellement, il se sent fatigué, exténué et a l’impression que ce ne sera plus jamais comme avant au niveau du travail et des équipes, contrairement à la direction qui elle persiste sur le manque de respect et le manque de reconnaissance. Cela accentue son envie d’aller changer de voie professionnelle.
2.2.3 – Participant n° 3
Le troisième participant aura les initiales L.S., il est de sexe féminin, entre 20 et 30 ans, vit seule et travaille à temps plein avec une ancienneté de 3 ans, elle est une ancienne éducatrice. Il a été interviewé par téléphone le 17 juillet 2020 et deux scénarios lui ont été proposé, avant l’arrivée du Covid et durant la crise Covid.
2.2.3.1 – Avant l’arrivée du Covid
Avant l’arrivée de la crise sanitaire, la participante était dans un service de chirurgie orthopédique. Elle ressentait de la pression car on leur en demandait plus avec moins de personnes dans l’équipe. Cette pression est estimée comme omniprésente et sera de pire en pire. Aussi, elle ressentait du stress, devait très anxieuse et rentrait chez elle avec un sentiment d’inachevé.
Elle aussi remet en question sa carrière professionnelle malgré le fait qu’elle n’ait travaillé que 3 ans, elle recherche déjà d’autres formations car les conditions de travail sont impossibles, il lui est difficile de jongler entre plusieurs patients.
2.2.3.2 – Durant la crise Covid
Avec la crise, son service a été complètement fermé depuis février car l’arrivée du Covid avait été anticipée, la réouverture n’est prévue qu’en septembre. Aussi, elle a été affectée dans un service 8c qui était au départ un hôpital de jour mais transformé en unité Covid, elle devait aussi travailler à l’unité Covid des soins intensifs, elle était alors dans deux équipes différentes. Sa façon de travailler n’a pas changé car elle estime être perfectionniste et consciencieuse mais dans l’unité de soins intensifs, elle ne se sentait pas dans son élément. Son moral a été touché par le fait de ne pas pouvoir voir son équipe d’origine malgré le fait qu’elle aime rencontrer de nouvelles personnes. Au niveau des horaires, aucun changement sauf qu’elle été rappelée pendant ses jours de congé et ne partait jamais à l’heure.
Concernant la charge de travail durant la crise, elle la qualifie d’horrible surtout au début. En effet, on assistait à un afflux de patients et d’urgences non-stop malgré le nombre de personnel à disposition qui est éventuellement suffisant. Elle n’avait pas alors le temps de s’occuper d’elle pour manger, boire ou encore aller aux toilettes. De même pour le patient, elle n’avait même pas le temps de le mettre à l’aise et de lui faire comprendre la situation mais il fallait le prendre en charge rapidement. Pour elle, la conversation avec le patient est primordiale mais comme ce n’était pas possible, cela a impacté sa manière de travailler. Elle ressentait alors de la tristesse et de la colère notamment vis-à-vis du système. Elle estime que les patients méritent un meilleur traitement. Elle a aussi des collègues qui ont refusé de venir travailler en unité Covid et qui voulaient travailler ailleurs, qui sont tombés malades, touchés par le Covid ou qui ont remis un certificat avant même de connaître la crise par peur.
Sur le point des conditions de travail, elle a parfois manqué de matériel de protection comme par exemple les masques donc il fallait en chercher dans les autres unités Covid mais elles non plus n’en avaient pas assez. Des bénévoles ont aussi confectionné des blouses car il en manquait. Du temps était alors perdu pour la recherche de matériels alors que ce temps pourrait être consacré à la prise en charge d’un patient. A un moment, elle avait commencé à tousser, à désaturer alors elle s’est retirée d’elle-même, après une semaine elle a repris le travail car ce n’était pas le Covid mais une rhinopharyngite. Les conditions de travail sont estimées comme ayant fortement changé notamment avec le stress et la peur d’une maladie inconnue mais elle y a aussi des choses positives comme la formation de nouvelles équipes, les rencontres, la solidarité, etc. La participante se sentait en sécurité lors de l’exécution de son travail grâce à la manière dont elle était habillée, que cela soit dans l’hôpital ou encore en allant faire les courses. Toutefois, l’habillement était lourd et il fallait le porter toute une journée mais même si elle était fatiguée, ses problèmes étaient surtout mentaux.
Concernant les rapports avec la famille du patient, elle évoque que des tablettes ont été données après quelques semaines mais elle n’a pas attendu et a mis les familles en contact avec le patient via son propre GSM qu’elle enveloppait dans une pochette plastique, elle n’aurait pas su faire autrement. Ça lui a pris énormément de temps mais elle ne regrette rien malgré le stress posé par les familles sur sa personne, elle a aussi eu peur de décevoir.
Après le travail, elle n’y pensait plus une fois rentrée chez elle car c’était un peu sa paix intérieure selon elle. Elle y pensait des fois et était particulièrement touchée par la manière dont partait le patient, sans dignité et sans personnalité, elle aurait voulu y faire quelque chose.
Concernant la reconnaissance sociale, l’applaudissement de 20h et l’appellation de héros la laissaient indifférente dans la mesure où ce n’était que temporaire mais que le manque de reconnaissance allait revenir à l’issue de la crise, ce n’était qu’éphémère. Toutefois, la société fait preuve d’une meilleure reconnaissance que la hiérarchie selon elle.
Aussi, elle ressent toujours ce manque de reconnaissance, elle aime son métier mais elle espère que les conditions de travail vont changer. Elle ne restera toutefois pas dans ce métier malgré cet amour.
2.2.4 – Participant n° 4
Le quatrième participant aura les initiales A.L., il est de sexe féminin, entre 20 et 30 ans, en couple et travaille à temps plein avec une ancienneté de 6 ans. Il a été interviewé par téléphone le 18 juillet 2020 et deux scénarios lui ont été proposé, avant l’arrivée du Covid et durant la crise Covid.
2.2.4.1 – Avant l’arrivée du Covid
Avant la crise, la quatrième participante travaillait dans une salle d’accouchement. Elle subissait une pression qui était liée à la charge de travail qui était à flux tendu, plusieurs patientes à risque enceintes et les gynécologues qui mettent la pression pour aller dans plusieurs salles, elle veut tout faire bien mais la charge de travail rend tout cela impossible. Elle a déjà pensé à plusieurs reprises à faire un autre métier, mais elle pense qu’une structure plus petite serait plus intéressante.
2.2.4.2 – Durant la crise Covid
Durant la crise, son service n’a pas été fermé mais a été réaménagé car il y avait des patientes atteintes du Covid. Elle a toutefois été transférée en unité Covid de soins intensifs car on y avait besoin d’aide. Ses horaires ont été changés et elle estime que ce n’était pas du tout confortable. En effet, elle travaillait 6 jours sur 7 tout le temps sans congé et c’était dur. De plus, on n’avait pas demandé son avis. Elle a aussi travaillé avec une nouvelle équipe qui n’était pas la sienne. Si au départ, elle était très stressée, elle y a vu un défi et est contente d’avoir pu découvrir de nouvelles choses.
Sur le point de la charge de travail, elle l’estime comme très intense ce qui a impacté sa manière de travailler (négligences, fatigue, temps, etc.). Le matériel de protection n’aidait pas et il fallait plus se concentrer sur les soins vitaux des patients que sur les soins d’hygiène. La procédure d’habillage et de déshabillage était longue et elle évoque qu’un patient avait été perdu car il s’est extubé et le temps de s’habiller pour rentrer dans la chambre, c’était trop tard. Elle avait l’impression d’être en guerre et dans une éternelle insatisfaction. L’insatisfaction était aussi portée sur le nombre de personnel, des renforts étaient présents mais toujours en nombre insuffisant. Tous ses collègues venaient travailler, même malades sauf ceux atteints du Covid.
Concernant les conditions de travail, le manque de matériel de protection n’était pas certain dans la mesure où l’on demandait au personnel de se restreindre (manque de masques FFP3, passage au FFP2 sous un masque chirurgical, etc.). Des dons ont été reçues même si en général il fallait se débrouiller, il fallait réellement s’adapter en fonction de la situation. Le matériel de protection a été estimé comme portant atteinte au physique à cause de la transpiration, des risques de claustrophobie, la lourdeur ou la suffocation mais pas uniquement, les problèmes psychologiques liés à la volonté de prendre en charge d’une manière optimale un patient était présents. Toutefois, elle n’a pas eu peur pour sa santé car elle s’estime être en très bonne santé et qu’elle n’y pense pas lorsqu’elle travaille mais elle a toutefois peur pour ses proches, notamment ses parents de 60 ans.
Elle stressait tout le temps et avait du mal à se faire à la situation tout en étant fatiguée et en repensant aux nombreux patients décédés et à ceux avec qui elle n’a aucun contact et aux familles. Les conditions de travail qui n’était alors pas au top se sont empirées.
Concernant les relations avec les familles, certains ont pu venir lorsqu’on savait qu’un patient allait mourir dans les 24-48h mais le problème de la participante c’est le fait de limiter à deux personnes celles qui peuvent venir et d’imposer aux familles de faire un choix. Il était difficile de laisser les patients mourir seuls.
Sur le point des applaudissements de 20h et l’appellation de héros, la participante estime que personne ne se sentait comme un héros et que les applaudissements étaient quelque peut déplacés. Toutefois, pour ceux dont les proches sont morts ou soignés, ce fut peut-être un moyen de remerciement non négligeable.
Enfin, la participante se sent soulagée dans la place où elle se trouve malgré la fatigue et les problèmes dans le travail. Pour elle, il faut changer LE métier mais il ne faut pas changer de métier.
2.2.5 – Participant n° 5
Le cinquième participant aura les initiales M.S., il est de sexe féminin, entre 30 et 40 ans, mariée et travaille à mi-temps comme infirmière avec une ancienneté de 15 ans. Il a été interviewé par téléphone le 21 juillet 2020 et deux scénarios lui ont été proposé, avant l’arrivée du Covid et durant la crise Covid.
2.2.5.1 – Avant l’arrivée du Covid
Avant la crise, la participante était dans les soins intensifs. Ce service la rendait stressée car la charge de travail était vue comme d’une ampleur grandissante. En effet, il n’y avait pas assez d’infirmières pour encadrer le nombre de patients au niveau légal mais il fallait faire avec. Elle a aussi remis en question sa carrière professionnelle en tant qu’infirmière en diminuant dans un premier temps son temps de travail et dans un second temps en reprenant ses études en master de santé publique, d’où le travail à mi-temps. Elle ne voulait pas subir son métier et avoir un certain équilibre familial.
2.2.5.2 – Durant la crise Covid
Durant la crise, son unité de soins intensifs s’est transformée en unité de soins intensifs Covid. Les horaires ont dû être adaptés, même si son contrat prévoyait un travail à mi-temps, il était à temps plein dans la pratique, de plus elle n’a pas été transférée dans un autre service. Elle a travaillé avec des équipes qui n’étaient pas les siennes comme par exemple des filles du bloc opératoire qui n’était pas formé aux soins intensifs mais qui ont dû jouer le jeu pendant 3 mois. Cela a eu un impact sur sa façon de travailler car il fallait encadrer, ce qui était une charge de travail supplémentaire et difficile. Il y a aussi eu la question des collègues plus âgés qui n’allaient pas sur le front mais laisser travailler les filles du bloc opératoire, une situation vue comme une injustice.
Concernant la charge de travail, elle a été vue comme énorme voire monstrueuse. Il fallait ne pas s’attarder sur certains soins et passer à un autre. La charge de travail a fatigué la participante et nécessitait trois jours de congé pour récupérer mais n’étaient pas disponibles, cela conduisait à pas mal de tensions.
Pour les conditions de travail, le matériel de protection n’a pas manqué mais il a parfois été volé donc il a fallu les enfermer dans des armoires ou coffre-fort à clé et rationner en fonction des besoins. Elle avait peur pour sa santé et celle de ses proches, le stress était alors persistant et concernait la conformité des matériels, leur réelle protection, la maladie, etc. Les conditions de travail étaient alors très différentes. Il fallait tout de même venir même en étant malade car le seuil de température n’était pas atteint, on ne savait pas qui était réellement porteur du Covid mais il ne fallait pas baisser les effectifs. Cela fait qu’il arrivait à la participante de penser au travail à la maison, de plus son mari est médecin. Elle estime qu’il ne faudrait pas se plaindre de l’encombrement des matériels de protection car d’autres unités n’en ont même pas.
Concernant la relation avec le patient, elle estime que le personnel soignant est le dernier espoir des patients mais qu’elle avait l’impression de ne pas être honnête avec eux car même si on savait qu’il allait mourir, il fallait l’encourager à tenir le coup, ce qui conduisait à de la colère. Elle communiquait toutefois avec les familles via Face time mais avec l’habillement, c’était inhabituel.
Aujourd’hui, elle ressent encore de la colère car les gens ne sont pas responsables et elle a peur d’affronter ça de nouveau. Les effectifs baissent car beaucoup ont démissionné.
Concernant le rituel d’applaudissement, elle y puisait sa force et son courage mais elle estime tout de même que cela doit être une reconnaissance sur le long terme et non uniquement durant le Covid.
2.2.6 – Participant n° 6
Le sixième participant aura les initiales N.C., il est de sexe féminin, entre 30 et 40 ans, travaille à temps plein comme infirmière avec une ancienneté de 14 ans. Il a été interviewé par vidéoconférence le 23 juillet 2020 et deux scénarios lui ont été proposé, avant l’arrivée du Covid et durant la crise Covid.
2.2.6.1 – Avant l’arrivée du Covid
La participante travaille dans le service du bloc opératoire. Elle était confrontée au stress quotidiennement de la part de la hiérarchie qui veut atteindre un objectif financier. Il y a aussi eu les attentats de Zaventem ce qui a fait que le bloc opératoire était débordé. Elle n’a pas travaillé pendant 6 mois et s’est fait diagnostiquée un stress post traumatique, elle a repris à mi-temps pendant 2 ans et puis a repris à temps plein. Elle envisage sérieusement de changer de voie pour reprendre une formation en boulangerie pâtisserie, elle ne se voit plus exercer en tant qu’infirmière surtout avec le manque de reconnaissance.
2.2.6.2 – Durant la crise Covid
Le bloc opératoire dans lequel elle travaillait ne fonctionnait plus que pour les urgences et la salle de réveil a été transformée en salle de soins intensifs. Les horaires ont été changés et au jour le jour pour combler dans les unités Covid, elle y a vu un abus. Elle a été affectée en fonction des besoins de l’hôpital entre trois services Covid mais il y en avait un qu’elle a fait plus que les autres. Elle a aussi travaillé avec des équipes qui n’étaient pas les siennes. Aussi, elle a dû réapprendre les soins car elle n’était plus habituée avec son expérience dans le bloc opératoire, ce qui était dur moralement car elle ne connaissait personne et ne connaissait pas non plus la maladie.
Sur le point de la charge de travail, elle l’estime immense et interminable voire inhumain. Elle a dû s’adapter mais cela était dur et a eu un impact sur sa manière de travailler. Elle était épuisée, ne pouvait plus travailler de la sorte malgré son caractère organisé.
Concernant les conditions de travail, elle a gardé son masque pendant deux jours alors que ce n’était pas recommandé, les masques FFP2 étaient réservés au personnel des soins intensifs. Elle a peur pour sa santé car la maladie n’est pas visible et encore inconnue, contrairement aux attentats de Bruxelles. Elle était en situation stressants dès l’annonce du PUH et durant le service, surtout à la vue de sa collègue qui n’a plus tenu le coup durant le service. Les collègues venaient même malades par solidarité même si la participante n’a jamais été malade.
Sur le point de la relation avec les patients, elle est vue comme très dure car ils sont seuls et n’ont que le personnel pour s’appuyer, les morts étaient également insoutenables. La participante a du mal à gérer ses émotions face à la situation. Elle a des contacts avec la famille des patients au téléphone mais cela était difficile car il fallait faire le relais entre les deux. Lors d’un décès, les familles demandaient également à parler à l’infirmière, ce qui était insoutenable.
Aujourd’hui, elle se sent fatiguée de son travail, des gens qui ne respectent, de la politique, de la vie, etc. Elle est sûre d’arrêter ce travail et d’aller travailler en pâtisserie où elle espère mieux s’épanouir.
Concernant le rite d’applaudissement, elle y est insensible. Elle aurait voulu être soutenue plus tôt.
Discussion sur la seconde observation
Ces entretiens ont permis de se faire une idée de l’appréhension du personnel infirmier des changements opérés par la crise sanitaire actuelle et du fait que cette crise a renforcé le fait que le personnel infirmier était mal reconnu dans sa fonction primordiale qui est de soigner et de maintenir en vie. Tous les participants estiment avoir une charge de travail importante mais ça s’est amplifié à cause du Covid. Si certains arrivent à s’adapter, d’autres n’y arrivent pas et sont décidés à changer de voie. La remise en cause de la carrière professionnelle est inhérente à tous les participants surtout avec leur traitement qui ne s’avère pas optimal face à la situation. Outre les problèmes professionnels, les problèmes émotionnels liés à la prise en charge des patients est une situation qui est difficile à gérer pour les participants. Certains sont dans le déni, certains se laissent aller à la tristesse, d’autres arrivent à s’en sortir mais ce qui est sûr c’est que la proximité avec les patients va laisser des séquelles, surtout avec ceux qui sont décédés et qui ont dû mourir seuls. On peut alors comprendre aisément le fait de se tourner vers une autre voie ou moins se tourner vers le monde hospitalier.
Le fait d’insister sur la reconnaissance du personnel pourrait aider à mieux affronter les problèmes survenant durant l’exercice des fonctions mais force est de constater que cette reconnaissance sur fait en deux temps : une reconnaissance négligée par la hiérarchie et une négligence émergente de la société. Les participants ne seront toutefois pas enclins à accepter de témoignage de reconnaissance que sur le long terme. Les émois éphémères causés par la crise sanitaire mondiale étonnent et font sourire sur un court terme mais n’affectent pas les concernés, ils ne font que leur travail. Un travail qui devrait être reconnu un peu plus par tous.
CONCLUSION GENERALE
En somme, on peut dire que faire partie du personnel de santé n’est pas une mince affaire et soit on s’adapte, soit change de voie, il est difficile de faire autrement tant le métier n’est pas valorisé. La crise sanitaire a redonné un regain d’intérêt pour la profession même si cela a été éphémère. La société se rend un peu plus compte de l’importance du personnel de santé en l’occurrence les infirmiers mais une reconnaissance sur le long terme mériterait effectivement d’être appliquée.
La reconnaissance se veut être comme le fruit d’une lutte à laquelle les blouses blanches prennent part à partir des grèves qu’elles entreprennent. Si la reconnaissance sociale est importante, la reconnaissance et la valorisation par les pouvoirs publics, les médecins et la hiérarchie permettra de se sentir mieux dans le travail. Si dans la notion de bien-être au travail on ne retrouve pas cette notion de reconnaissance, elle mériterait d’y figurer, surtout pour un métier à forte charges psychosociales comme le métier de personnel de santé.
On connaissait déjà les tenants et les aboutissants de ce travail, surtout après des années d’expérience mais l’absence de reconnaissance, la charge de travail toujours aussi importante et le manque de moyens pour mener à bien chaque mission sont des problèmes qui devraient pouvoir être gérés mais dont la gestion n’est pas effectuée. En général, tous les infirmiers que j’ai eu à appréhender durant mon expérience sur terrain et durant les interviews ne donnent pas une bonne image de la politique de santé qui mériterait alors une amélioration.
Certains tiennent le coup par dépit, par courage ou par amour du travail mais d’autres ne supportent plus la pression. La crise sanitaire Covid-19 a révélé les faiblesses émotionnelles des infirmiers face au traitement de patients et les relations avec les familles. Cette crise a révélé la fragilité de chaque soignant, ce qui en rajoute une couche à la charge émotionnelle déjà présente par rapport au travail. Non seulement, ils ressentent une charge émotionnelle, psychosocial à partir de leurs conditions de travail mais ils ressentent aussi les problèmes des patients, vivent avec eux, tissent des liens avec eux pour au final soit se quitter avec un décès ou une sortie en bonne forme dans le meilleur des cas.
Les infirmiers peuvent exprimer toutes les émotions du monde sauf la joie dans leur monde professionnel et même si c’était le cas, ce n’est qu’éphémère car la réalité de la crise sanitaire frappe quand on s’y attend le moins.
Cette étude a permis de mettre en lumière la situation vécue dans la crise sanitaire par les personnels de santé dans les établissements de santé soumis à l’urgence et à l’affluence de patients. Les limites de ce travail se situent sur le nombre des personnes étudiées et la situation dans laquelle elles ont été étudiées. En effet, se retrouver dans les limites de mon unité Covid et n’avoir eu à disposition que six participants pour les interviews semblent peu et l’étude aurait pu être mieux étoffée avec des interviews directes et plus de terrain à approcher. Dans tous les cas, on s’est fait une idée de la situation grave mais qui est rarement connue ou comprise des personnels de santé en activité.
La reconnaissance pourrait-elle alors permettre un allègement des charges psychosociales des personnels de santé ?
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1 Article 4 de la loi relative aux hôpitaux et à d’autres établissements publics : « eu égard à leur fonction propre dans le domaine des soins aux patients, de l’enseignement clinique et de la recherche scientifique appliquée, du développement de nouvelles technologies et de l’évaluation des activités médicales, répondent aux conditions fixées par le Roi et sont désignés comme tels par Lui sur la proposition des autorités académiques d’une université belge qui dispose d’une faculté de médecine offrant un cursus complet ».
2 Il s’agit des hôpitaux ayant une fonction spécifique en ce qui concerne les soins, l’enseignement, la recherche scientifique appliquée et le développement de nouvelles technologies (Hôpitaux généraux, 2016).
3 Centrale Nationale des Employés
4 http://dictionnaire.academie-medecine.fr/index.php?q=care
5 Par exemple panne d’électricité, accident chimique, bactérie nosocomiale, etc.
6 Collision en chaîne, inondation, attentat
7 En Belgique voire dans tout l’Europe
8 Bloc opératoire, consultation
9 Introduction dans la trachée d’un gros tube assurant la liberté des voies aériennes supérieures, permettant la ventilation artificielle, la protection du poumon et l’aspiration des sécrétions bronchiques (Larousse, s.d.).
10 Par « vache laitière de l’hôpital », le sujet entend les services qui sont les plus rentables pour l’hôpital comme bloc opératoire, plateau technique, consultation…
11 Consultation, bloc opératoire, service hospitalier, etc.
12 Changement dans le traitement d’un patient, patient qui se dégrade et qui demande un encadrement lourd, etc.
13 Union Générale des Infirmiers de Belgique
14 Apparemment, 5 stérilisations avant d’être jetés définitivement