Cet exemple de mémoire vise à vous donner un aperçu des attentes académiques relatives à la rédaction de mémoire dans ce domaine de compétence.
Introduction
Le droit de propriété est un des droits fondamentaux reconnus à une personne donnée. Avec ce droit, cette personne donnée peut jouir et disposer librement des choses dont il est propriétaire, mais à condition de ne pas outrepasser les lois et les règlements. C’est un principe reconnu par le Code civil en son article 544 qui dispose que :
« La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ».
Ce caractère absolu reconnu légalement ne peut alors être minimisé ou négligé, la seule restriction étant celle de ne pas faire un usage prohibé par les lois ou par les règlements de son droit de propriété. Certaines restrictions ou atteintes sont toutefois justifiées pour le bien de la société. En effet, il a été retenu que :
« Pour autant, ce principe fondamental ne doit pas empêcher l’État d’assurer ses fonctions, notamment par le biais de l’imposition, qui est la première et sans doute, la plus importante atteinte au droit de propriété. En contrepartie des différentes atteintes, l’État protège le propriétaire contre les agissements extérieurs qui auraient pour effet d’empêcher ce dernier de pouvoir exercer paisiblement son droit : protection indispensable et considérable, mais toujours sous réserve du respect, de la conformité à la loi ! Sans doute, la société ne doit intervenir dans ce domaine qu’exceptionnellement, le principe restant la liberté. “La propriété se trouve vis-à-vis de la Société dans le même rapport que la famille. Si la main de la Société est si peu visible dans le domaine de la propriété, c’est par l’unique raison que, de lui-même déjà, le propriétaire est poussé à faire régulièrement de sa propriété un usage qui répond à son propre intérêt et à celui de la Société” »1.
Les biens compris dans le droit de propriété (usus2, fructus3, abusus4) répondent alors à une fonction sociale qui ne peut également pas être négligée. Cette fonction sociale est retenue par Léon DUGUIT selon sa célèbre formule :
« Son droit de propriété, je le nie, son devoir social, je l’affirme ».
Ainsi, chaque personne dispose de son droit de propriété en théorie absolu, mais avec une priorisation de la fonction sociale. Néanmoins, une limitation du droit de propriété peut aussi être constatée non pour le bien de la société, mais par volonté même du titulaire de ce droit. L’exemple typique est celui où la personne concernée cherche à se mettre en communauté avec une autre personne soit par mariage, soit par non-mariage. Deux droits de propriété convergent alors que l’on soit face à un couple marié ou un couple non marié.
Le mariage est défini comme suit :
« Une définition minimale généralement admise est celle d’une union durable entre un homme et une femme5, socialement reconnue par l’entourage, éventuellement consacrée d’une manière ou d’une autre par des autorités civiles ou religieuses et par des manifestations publiques »6.
Pour le non-mariage, deux personnes peuvent opter pour le pacte civil de solidarité ou Pacs par convention pour régir la vie en commun sans les formalités du mariage (« Sa spécificité est notamment incarnée par le fait que le Pacs ne modifie pas l’état civil des personnes. Cette disposition inscrit le pacte civil de solidarité dans le mouvement d’autonomisation des individus vis-à-vis du couple [Singly, 1993], dans la mesure où il représente une forme d’alliance dans laquelle l’identité officielle des personnes n’est pas une identité conjugale »7) ou pour le concubinage qui est le fait de vivre en commun sans formalisation (« le concubinage est une union de fait caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité entre deux personnes de sexe différent ou de même sexe qui vivent en couple »8).
Sans nous étaler sur les spécificités de chaque système de communauté de vie choisi par les conjoints9, on pourrait dire d’emblée que la liaison entre deux personnes désireuses de vivre en communauté aura une incidence sur leur droit de propriété. En effet, il a été retenu que :
« La vie en couple est associée, pour les économistes, à l’idée d’une certaine mise en commun des ressources du ménage. Concernant le patrimoine, les modalités de cette mise en commun sont intrinsèquement liées à la forme légale du couple, qui se définit par le statut juridique et le régime matrimonial du couple. En premier lieu, les couples se distinguent par leur statut juridique ou matrimonial, qui se décline en trois statuts distincts : mariage, Pacs (Pacte civil de solidarité) ou cohabitation hors mariage. Cependant, ce statut ne suffit pas pour définir ce qui est mis en commun dans le couple. Il faut, en plus de ce statut, tenir compte du régime matrimonial qui a été souscrit. Celui-ci définit dans quelle mesure le patrimoine est mis en commun au sein du couple »10.
Entre la mise en commun, la séparation des biens propres ou l’assistance aux charges de la vie en commun, le droit de propriété est intrinsèquement lié au choix du régime de vie commune choisi par les conjoints concernés. Si à la base, la volonté a dicté ces derniers à vivre en commun, certains régimes sont particulièrement protégés légalement afin de limiter le recours à la volonté durant toute la durée de la vie en commun. C’est par exemple le cas du mariage avec le choix du régime matrimonial ayant un impact direct sur la gestion des biens. Ces impacts matérialisés notamment par des droits et obligations pour chaque partie seront prédéfinis et on voit que le Code civil se focalise majoritairement sur la question du droit de propriété.
Les cas de non-mariage comme le Pacs ou le concubinage ne sont pas en reste, malgré quelques libéralités qui sont données aux couples dans l’administration, la jouissance et la disposition de leurs biens en communauté ou séparés.
Malgré les dispositions légales régissant chaque type de régime choisi par les conjoints, le pouvoir de la volonté perdure dans la gestion de leurs biens. Cela est surtout constaté durant la vie en commun, mais à la dissolution de celle-ci, l’appel aux dispositions légales semble le plus justifié pour faire valoir des droits relatifs à la propriété d’un bien. La question qui se pose est alors de savoir :
« Dans quelle mesure le droit de propriété peut-il être protecteur dans l’interaction entre couples mariés et couples non mariés et justifier la minimisation du pouvoir de la volonté de chaque partie ? »
Pour ce faire, notre analyse se fera en deux parties :
- La répartition légale entre pouvoirs et propriété (partie 1) ;
- Le pouvoir de la volonté sur la répartition entre pouvoirs et propriété (partie 2).
Partie 1 – La répartition légale entre pouvoirs et propriété
Cette première partie fera l’objet de deux chapitres à savoir les couples mariés : une répartition des biens légalement impérative (chapitre 1) et les couples non mariés : une répartition des biens plus souple (chapitre 2).
Chapitre 1 – Les couples mariés : une répartition des biens légalement impérative
Dans ce premier chapitre, il sera évoqué une répartition des biens liée au choix du régime matrimonial (section 1) et le changement de régime matrimonial comme flexibilité donnée aux couples mariés (section 2).
Section 1 – Une répartition des biens liée au choix du régime matrimonial
La répartition des biens des époux est fortement liée au choix de leur régime matrimonial11, un choix diversifié (A). En effet, le choix d’un régime matrimonial dictera si des biens seront gérés conjointement ou séparément12, les enjeux seront alors nombreux en fonction des spécificités de chaque couple. Dans tous les cas, le droit de propriété sera en première ligne dans les impacts du régime matrimonial (B).
A – La diversité de choix donnée aux époux
Les époux pourront opter soit pour la communauté des biens (1), soit pour la séparation des biens (2), soit pour le régime de participation aux acquêts (3).
1 — La communauté des biens
La communauté des biens peut se décliner sous deux formes :
- La communauté légale ;
- La communauté conventionnelle.
La communauté légale est le régime matrimonial par défaut, c’est-à-dire qu’à défaut de contrat de mariage établi, ce régime sera applicable. Il pourrait aussi être la résultante d’une simple déclaration des époux de se marier sous ce régime. En effet, aux termes de l’article 1400 du Code civil :
« La communauté, qui s’établit à défaut de contrat ou par la simple déclaration qu’on se marie sous le régime de la communauté, est soumise aux règles expliquées dans les trois sections qui suivent ».
L’article 1401 évoque la composition de leur patrimoine commun :
« La communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage, et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres ».
Si un bien donné n’est pas prouvé comme propre à un époux, il sera réputé comme acquêt de communauté13. Une pleine propriété est toutefois propre à chaque époux concernant par exemple les propres par leur nature14, les biens dont la propriété a été effective avant le mariage et les biens acquis durant le mariage par succession, donation ou legs15. Les exemples sont nombreux, mais l’idée à retenir est que la communauté n’est pas absolue, elle est sujette à quelques nuances dans son application.
Concernant la communauté conventionnelle, c’est une transformation plus formelle de la communauté légale. En effet, un contrat de mariage sera établi pour cette communauté conventionnelle avec des clauses claires, à condition toutefois de ne pas être contraire à certaines dispositions légales. En effet, aux termes de l’article 1497 du Code civil :
« Les époux peuvent, dans leur contrat de mariage, modifier la communauté légale par toute espèce de conventions non contraires aux articles 1387, 1388 et 138916.
Ils peuvent, notamment, convenir :
1° Que la communauté comprendra les meubles et les acquêts ;
2° Qu’il sera dérogé aux règles concernant l’administration ;
3° Que l’un des époux aura la faculté de prélever certains biens moyennant indemnité ;
4° Que l’un des époux aura un préciput ;
5° Que les époux auront des parts inégales ;
6° Qu’il y aura entre eux communauté universelle.
Les règles de la communauté légale restent applicables en tous les points qui n’ont pas fait l’objet de la convention des parties ».
Dans ce régime conventionnel, une certaine liberté est donnée aux époux dans la gestion commune de leurs biens. Ils peuvent par exemple convenir que la communauté sera administrée conjointement, cela tendra au fait qu’administrer ou disposer d’un bien nécessitera le consentement des deux époux en même temps. Ils peuvent aussi déroger au partage équitable à la dissolution du régime ou mettre en place une communauté universelle17.
2 — La séparation des biens
Concernant le régime de la séparation des biens, son intitulé est bien évocateur, car il s’agit littéralement d’une séparation des biens entre les époux. Les biens acquis avant le mariage, durant le mariage et les bénéfices découlant du patrimoine de chaque époux seront en principe respectivement leurs. La gestion leur est alors propre, sans que l’autre époux ne puisse y interférer. Ce type de régime matrimonial est évoqué dans l’article 1536 du Code civil qui dispose que :
« Lorsque les époux ont stipulé dans leur contrat de mariage qu’ils seraient séparés de biens, chacun d’eux conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels.
Chacun d’eux reste seul tenu des dettes nées en sa personne avant ou pendant le mariage, hors le cas de l’article 22018 ».
Le contrat de mariage est alors la base du choix de ce régime. Ainsi, leurs biens seront administrés, pourront être jouis et disposés librement par chacun des époux. La question se pose toutefois dans certains cas de savoir si un bien donné est réellement la propriété de l’époux concerné, une preuve doit alors être donnée lorsque cela est nécessaire. Pour ce faire, tout moyen pourra être utilisé. En effet, aux termes de l’article 1538 du même code :
« Tant à l’égard de son conjoint que des tiers, un époux peut prouver par tous les moyens qu’il a la propriété exclusive d’un bien.
Les présomptions de propriété énoncées au contrat de mariage ont effet à l’égard des tiers aussi bien que dans les rapports entre époux, s’il n’en a été autrement convenu. La preuve contraire sera de droit, et elle se fera par tous les moyens propres à établir que les biens n’appartiennent pas à l’époux que la présomption désigne, ou même, s’ils lui appartiennent, qu’il les a acquis par une libéralité de l’autre époux.
Les biens sur lesquels aucun des époux ne peut justifier d’une propriété exclusive sont réputés leur appartenir indivisément, à chacun pour moitié ».
Les personnes concernées par la preuve de la propriété exclusive d’un bien sont alors nombreuses, les tiers en premier lieu et même le conjoint. Parfois, la présomption de propriété sera possible, tous les moyens pourront alors être faits pour prouver le contraire. Le cas échéant et notamment entre conjoints, l’indivision sera de mise. Il est à préciser également que la gestion d’un bien d’un conjoint pourra être faite par l’autre conjoint. On parle de mandat entre époux, un système qui sera évoqué plus en détail ultérieurement dans ce travail.
Dans les faits, le régime de séparation des biens semble le plus adapté à un type particulier de couple : « celui où chaque époux dispose d’une totale autonomie financière pour les besoins de son activité »19.
3 — Le régime de participation aux acquêts
Ensuite, il existe le régime de participation aux acquêts. Dans ce troisième type de régime matrimonial, une similitude avec le régime de la séparation des biens est constatée dans la mesure où chaque époux a la pleine gestion sur ses biens acquis avant et durant le mariage. Toutefois, la différence réside dans le fait qu’à la dissolution du régime, outre le fait que les époux reprennent leurs biens propres, un partage égal est effectué par rapport à l’enrichissement réalisé par le couple, comme dans la communauté des biens réduits aux acquêts. On se retrouve alors avec un régime hybride compris entre les deux régimes évoqués précédemment. Il est, de ce fait, caractérisé par, d’une part, le partage des bénéfices de chacun en fin de régime et, d’autre part, par l’indépendance des deux patrimoines en cours de régime20.
Le régime de la participation aux acquêts est évoqué dans l’article 1569 du Code civil qui dispose que :
« Quand les époux ont déclaré se marier sous le régime de la participation aux acquêts, chacun d’eux conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels, sans distinguer entre ceux qui lui appartenaient au jour du mariage ou lui sont advenus depuis par succession ou libéralité et ceux qu’il a acquis pendant le mariage à titre onéreux. Pendant la durée du mariage, ce régime fonctionne comme si les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens. À la dissolution du régime, chacun des époux a le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l’autre, et mesurés par la double estimation du patrimoine originaire et du patrimoine final. Le droit de participer aux acquêts est incessible tant que le régime matrimonial n’est pas dissous. Si la dissolution survient par la mort d’un époux, ses héritiers ont, sur les acquêts nets faits par l’autre, les mêmes droits que leur auteur ».
Cet article est alors clair quant au fonctionnement du régime de participation aux acquêts, une référence au régime de la séparation des biens est même faite. Sur le plan successoral, le décès d’un époux ne conduit pas à un accaparement de l’autre époux de tous les biens et bénéfices, mais le droit de participation aux acquêts sera transmis aux héritiers. Ce côté successoral ne sera pas étudié dans ce travail, mais est juste évoqué à titre indicatif.
B – Le choix du régime matrimonial en corrélation directe avec le droit de propriété des époux
Nous parlerons ici des situations paisibles (1) et de situations de crise (2).
1 — En situation paisible : gestion connue au préalable
En situation paisible c’est-à-dire en situation où le couple marié vit une vie commune exempt de dysfonctionnements, la gestion des biens est connue d’avance. Ainsi, avec la communauté des biens légale ou conventionnelle, les biens sont gérés conjointement sauf exception de biens propres ou autres. Dans le cadre de la séparation des biens, les biens acquis avant et durant le mariage avec leurs bénéfices seront la propriété propre de chacun époux et avec le régime de participation aux acquêts, les biens seront gérés à la manière de la séparation, mais à la dissolution de l’union, un partage des bénéfices pourra être effectué. Sur le droit de propriété, le régime matrimonial ne laisse alors pas de place aux surprises, car les règles sont établies d’avance.
2 — En situation de crise : gestion problématique
En situation de crise, la gestion des biens pourrait être plus problématique. La situation sera retenue ici comme celle où le couple tend à une désunion voire au divorce, la gestion des biens connaîtra alors de nouvelles règles. On pourrait aussi évoquer des cas où les règles préétablies pourraient connaître des difficultés d’application. Nous évoquerons ici quelques exemples pour chaque type de régime matrimonial.
Prenons dans un premier temps le cas de la communauté légale, notamment avec la preuve de propriété d’un bien meuble ou immeuble qui permettra de ne pas considérer ce bien comme acquêt de communauté. Le fait d’être propriétaire unique d’un bien peut être justifié pour diverses considérations pour un époux, c’est pourquoi la preuve de ce fait est nécessaire. Seulement, la preuve pourrait être difficile, surtout si l’intérêt pour le bien n’a pas été établi bien avant le mariage. L’époux présumé propriétaire cherchera alors à établir la preuve de la propriété afin que l’autre époux ne puisse pas jouir de la gestion du bien en acquêt de communauté. Pour ce faire, le législateur offre la possibilité d’utiliser tous écrits, voire des témoignage ou présomption, afin d’établir la véracité de la preuve21. On voit ici une certaine liberté donnée à l’époux intéressé justifiée éventuellement par la difficulté de la preuve. Établir le droit de propriété est ainsi difficile lorsque le régime matrimonial s’y immisce.
Un autre cas pourrait être pris, celui de la gestion des biens dans la situation où un époux est hors d’état de manifester sa volonté, c’est une situation reconnue par le législateur avec l’article 1426 du Code civil qui dispose que :
« Si l’un des époux se trouve, d’une manière durable, hors d’état de manifester sa volonté, ou si sa gestion de la communauté atteste l’inaptitude ou la fraude, l’autre conjoint peut demander en justice à lui être substitué dans l’exercice de ses pouvoirs. Les dispositions des articles 1445 à 1447 sont applicables à cette demande.
Le conjoint, ainsi habilité par justice, a les mêmes pouvoirs qu’aurait eus l’époux qu’il remplace ; il passe avec l’autorisation de justice les actes pour lesquels son consentement aurait été requis s’il n’y avait pas eu substitution.
L’époux privé de ses pouvoirs pourra, par la suite, en demander au tribunal la restitution, en établissant que leur transfert à l’autre conjoint n’est plus justifié ».
On voit ici la possibilité de demander en justice une substitution dans la gestion des biens initialement en communauté si, d’une manière durable, un époux est hors d’état de manifester sa volonté. Le premier problème se pose de savoir comment définir cet état de la personne : même si le juge reste celui qui validera la demande de substitution de l’autre époux, les critères de cet état s’avèrent purement subjectifs. Si des intérêts sont alors en jeu, un époux pourrait tirer parti de cette possibilité afin de gérer les biens en communauté à lui seul au détriment de l’autre époux. La vie en commun, malgré les règles établies, pourrait être sujette à des aléas qui mettraient en jeu des intérêts pour l’un ou l’autre époux, des désaccords pourraient survenir dans la gestion des biens et l’un ou l’autre époux pourrait tirer parti de la règle de substitution, cela est alors une autre manifestation de la situation de crise.
Prenons un autre cas, celui de la liquidation ou du partage de la communauté en cas par exemple de divorce : il est dit dans l’article 1467 du Code civil que :
« La communauté dissoute, chacun des époux reprend ceux des biens qui n’étaient point entrés en communauté, s’ils existent en nature, ou les biens qui y ont été subrogés.
Il y a lieu ensuite à la liquidation de la masse commune, active et passive ».
Une situation de crise pourrait survenir dans la détermination des biens en communauté ou non. On revient ici au cas où la propriété par un époux ne serait pas établie et où le bien serait classé parmi les acquêts de communauté. À la dissolution de la communauté, le même problème de détermination risque de se poser si le problème n’a pas été réglé au préalable : le bien risquerait alors de se retrouver dans la masse commune à liquider au lieu d’être repris par l’époux intéressé en intégralité.
Prenons maintenant le cas de la communauté conventionnelle, les règles applicables à la communauté légale peuvent être retrouvées, de même que les situations de crise. Dans ces dernières, prenons lieu la clause d’administration conjointe évoquée dans l’article 1503 du Code civil :
« Les époux peuvent convenir qu’ils administreront conjointement la communauté.
En ce cas les actes d’administration et de disposition des biens communs sont faits sous la signature conjointe des deux époux et ils emportent de plein droit solidarité des obligations.
Les actes conservatoires peuvent être faits séparément par chaque époux ».
Le premier alinéa ne pose pas de problème dans la mesure où le consentement pour l’administration conjointe de la communauté est présumé, de même pour le troisième alinéa relatif à la préservation des biens en communauté contre la perte éventuelle. Cependant, dans le second alinéa, l’administration et la disposition pourraient être plus problématiques, car seule la signature suffit sans réellement tenir compte d’une manifestation du consentement de l’autre époux, une volonté commune est toujours attendue. Le cas échéant, l’autre époux pourrait ester en justice s’il y a intérêt. En général, les situations de crise issues de la communauté des biens conventionnelle découleront d’une mauvaise application ou du non-respect du contrat de mariage par l’un ou l’autre époux, une multitude de cas pourraient alors exister, c’est pourquoi nous nous limiterons au cas de la clause d’administration conjointe.
Ensuite, nous verrons le cas de séparation des biens. Le cas typique de situation de crise se situera bien évidemment dans la preuve de la propriété exclusive d’un bien. L’intérêt réside dans le fait que le bien ne puisse pas tomber dans l’indivision (« L’indivision résulte de la transmission ou de l’acquisition d’un bien conjointement par plusieurs personnes, selon des parts qui peuvent être inégales. Elle découle, par exemple, de l’héritage d’un même bien par plusieurs frères et sœurs ou de l’achat d’un logement par un couple non marié [ou marié sous le régime de la séparation de biens] »22), soit une appartenance pour moitié pour chaque époux. En effet, l’acquisition de ce bien, meuble ou immeuble, peut avoir été difficile ou avoir des intérêts propres justifiés, d’où l’absence de volonté de partage. Dans la preuve de la propriété exclusive, le législateur est plus clément que dans la communauté des biens, car elle peut être faite par tous les moyens.
Le mandat entre époux23 pourrait aussi être source de situation de crise si l’administration du bien en mandat ne profite pas à l’autre époux propriétaire exclusif du bien. La question de l’indivision pourrait l’être également avec la dissolution du mariage. En effet, aux termes de l’article 1542 du Code civil :
« Après la dissolution du mariage par le décès de l’un des conjoints, le partage des biens indivis entre époux séparés de biens, pour tout ce qui concerne ses formes, le maintien de l’indivision et l’attribution préférentielle, la licitation des biens, les effets du partage, la garantie et les soultes, est soumis à toutes les règles qui sont établies au titre “Des successions” pour les partages entre cohéritiers.
Les mêmes règles s’appliquent après divorce ou séparation de corps. Toutefois, l’attribution préférentielle n’est jamais de droit. Il peut toujours être décidé que la totalité de la soulte éventuellement due sera payable comptant ».
C’est une autre situation de crise qui aura un effet sur la gestion des biens des époux et leur droit de propriété en général. Dans la mesure du possible, les règles seront respectées, mais l’intérêt de l’un des époux sera toujours en jeu.
L’indivision est aussi problématique lorsque les contributions des époux sont inégales et que l’autre partie se prévaut de cette différence, surtout à la dissolution de la communauté. C’est une situation que la Cour de cassation a eu à trancher :
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 25 septembre 2013, 12-21.892, publié au bulletin24
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 avril 2012), qu’après le divorce des époux X… — Y…, qui avaient adopté le régime de la séparation de biens, des difficultés sont nées pour la liquidation et le partage d’un immeuble indivis entre eux ;
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt de débouter M. X… de sa demande tendant à voir reconnaître qu’il est créancier de Mme Y… pour avoir financé l’achat de l’immeuble indivis, alors, selon le moyen :
1°/que l’époux marié sous le régime de la séparation de biens qui a intégralement financé de ses deniers personnels l’acquisition d’un immeuble indivis est créancier à l’égard de son conjoint lors de la liquidation du régime matrimonial ; qu’en ayant débouté M. X… de sa demande en raison de l’absence de dépassement de sa part contributive aux charges du mariage, la cour d’appel a violé les articles 1469, 1479 et 1543 du Code civil ;
2°/que la « convention contraire des parties » prévue à l’article 1479, alinéa 2, du Code civil peut seulement exclure la revalorisation de la créance et non son principe même ; qu’en énonçant que l’article 2 du contrat du 21 août 1974 relatif aux charges du mariage interdisait à M. X… de réclamer une récompense pour son financement de l’immeuble indivis, la cour d’appel a violé l’article 1479 du Code civil ;
Mais attendu que, d’une part, après avoir relevé que les époux étaient convenus en adoptant la séparation de biens qu’ils contribueraient aux charges du mariage dans la proportion de leurs facultés respectives et que chacun d’eux serait réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive en sorte qu’aucun compte ne serait fait entre eux à ce sujet et qu’ils n’auraient pas de recours l’un contre l’autre pour les dépenses de cette nature, les juges du fond ont souverainement estimé qu’il ressortait de la volonté des époux que cette présomption interdisait de prouver que l’un ou l’autre des conjoints ne s’était pas acquitté de son obligation ; que, d’autre part, après avoir constaté, par motifs adoptés, que l’immeuble indivis constituait le domicile conjugal, la cour d’appel en a exactement déduit que M. X… ne pouvait réclamer, au moment de la liquidation de leur régime matrimonial, le versement d’une indemnité compensatrice au titre d’un prétendu excès de contribution aux charges du mariage pour avoir financé seul l’acquisition de ce bien ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses deux branches ;
Et sur les deux autres moyens, pris en leurs diverses branches, ci-après annexés :
Attendu que ces moyens ne sont pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X… aux dépens ;
Enfin, évoquons le régime de participation aux acquêts : dans ce régime, la situation de crise se pose à la dissolution du mariage en l’occurrence avec le partage des bénéfices. Rappelons quelques lignes du régime juridique de ce régime matrimonial :
« (…) À la dissolution du régime, chacun des époux a le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l’autre, et mesurés par la double estimation du patrimoine originaire et du patrimoine final. Le droit de participer aux acquêts est incessible tant que le régime matrimonial n’est pas dissous. Si la dissolution survient par la mort d’un époux, ses héritiers ont, sur les acquêts nets faits par l’autre, les mêmes droits que leur auteur »25.
Des conflits pourraient émerger dans l’estimation de la valeur de certains biens, voire simplement dans la volonté de partage des bénéfices. Le droit de propriété est ici en jeu en l’occurrence le fructus. Un conflit par rapport aux héritiers pourrait aussi être possible.
Section 2 – Le changement du régime matrimonial : une flexibilité donnée aux couples mariés
Au vu de la diversité des régimes matrimoniaux évoqués précédemment, un dynamisme est donné au choix du couple marié durant le choix du régime initial, mais une possibilité est donnée concernant le changement du régime matrimonial lorsque cela est justifié. Ces justifications seront étudiées ici (A) ainsi que les restrictions apportées à cette possibilité (B).
A – Le changement de régime matrimonial : les justifications éventuelles de ce choix
Dans les faits, le changement de régime matrimonial peut se justifier pour des intérêts propres aux époux, mais juridiquement, l’intérêt de la famille est la condition unique justifiant le changement de régime matrimonial. En effet, aux termes de l’article 1397 du Code civil :
« Les époux peuvent convenir, dans l’intérêt de la famille, de modifier leur régime matrimonial, ou même d’en changer entièrement, par un acte notarié. À peine de nullité, l’acte notarié contient la liquidation du régime matrimonial modifié si elle est nécessaire.
Les personnes qui avaient été parties dans le contrat modifié et les enfants majeurs de chaque époux sont informés personnellement de la modification envisagée. Chacun d’eux peut s’opposer à la modification dans le délai de trois mois. En cas d’enfant mineur sous tutelle ou d’enfant majeur faisant l’objet d’une mesure de protection juridique, l’information est délivrée à son représentant, qui agit sans autorisation préalable du conseil de famille ou du juge des tutelles.
Les créanciers sont informés de la modification envisagée par la publication d’un avis sur un support habilité à recevoir des annonces légales dans le département du domicile des époux. Chacun d’eux peut s’opposer à la modification dans les trois mois suivant la publication.
En cas d’opposition, l’acte notarié est soumis à l’homologation du tribunal du domicile des époux. La demande et la décision d’homologation sont publiées dans les conditions et sous les sanctions prévues au code de procédure civile.
Lorsque l’un ou l’autre des époux a des enfants mineurs sous le régime de l’administration légale, le notaire peut saisir le juge des tutelles dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 387-3 (…) ».
La modification du régime matrimonial initial ou un changement complet peuvent alors être envisagés par les deux époux et cela dans l’intérêt de la famille. Il est à préciser que le changement se fera obligatoirement devant le notaire qui sera chargé de rédiger une nouvelle convention matrimoniale26. Même si les époux sont les initiateurs des changements, des personnes peuvent s’opposer à ces derniers en l’occurrence les personnes parties au contrat, les créanciers, les enfants majeurs ou les enfants mineurs sous tutelle, tous doivent être informés. En cas d’opposition, seul le juge tranchera sur la validation de la demande de modification ou de changement du régime matrimonial. On constate alors une réelle manifestation de la volonté de préservation de la situation initiale, non seulement dans l’intérêt de la famille, mais aussi des personnes tierces. Le changement de régime matrimonial ne peut alors se faire de manière automatique. Dans la gestion des biens, les changements seront réellement notoires, d’où la possibilité d’opposition des personnes tierces aux époux.
B – Les restrictions apportées à la possibilité de changement de régime matrimonial
La première restriction est le fait que la modification ou le changement de régime matrimonial soient issus du consentement des deux époux. Si un consentement venait alors à faire défaut, le projet ne pourrait pas aboutir. La seconde restriction est celle de l’intérêt de la famille qui est éventuellement d’une considération large, d’où une simple mention sur la demande, les oppositions seront toujours possibles. Une autre restriction est celle de ne pas pouvoir demander le changement à un autre endroit que chez le notaire, seul un acte notarié validera alors la demande lorsque les conditions du changement sont remplies. Le cas échéant, l’incursion du juge est nécessaire, notamment lorsque des oppositions sont constatées. Le changement de régime matrimonial s’avère ainsi la résultante d’une entreprise d’une multitude de personnes.
Transition
Les couples mariés disposent d’un choix plus ou moins large concernant le régime matrimonial qui leur est applicable. Si le régime choisi initialement est choisi librement par les époux avec présomption de connaissance de son impact sur leurs biens, d’autres considérations doivent être prises avec le changement de régime matrimonial si celui-ci veut être appliqué. L’intérêt de la famille et des autres créanciers se rajoute à l’équation. Dans tous les cas, les époux sont réputés être en connaissance de cause, notamment concernant les impacts sur leur droit de propriété, en situation paisible ou en situation de crise. Voyons maintenant ce qu’il en est pour les couples non mariés.
Chapitre 2 – Les couples non mariés : une répartition des biens plus souple
Le non-mariage est une liaison reconnue légalement (section 1). Il a comme principe de base la séparation des biens (section 2).
Section 1 – Le non-mariage : une liaison reconnue légalement
Nous évoquerons ici les cas de figure de liaison hors mariage reconnus par le législateur (A) et le droit de propriété empreint de la flexibilité de la liaison (B).
A – Les cas de figure de liaison hors mariage reconnus par le législateur
Pour les liaisons hors mariages, on retiendra le Pacs (1) et le concubinage (2) qui seront étudiés ici.
1 — Le Pacs
Le Pacs ou pacte civil de solidarité est un contrat conclu entre deux personnes en couple non mariées, de sexes différents ou de même sexe, afin d’organiser leur vie en commune, un peu à la manière du mariage. C’est en fait un système au croisement de l’union libre et du mariage. Les principaux avantages sont fiscaux et sociaux. Il est défini par le Code civil en son article 515-1 qui dispose que :
« Un pacte civil de solidarité est un contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune ».
Dans la gestion de ses biens, le couple pacsé dispose d’une certaine séparation des biens propres, sauf lorsque le contrat entre les deux concernés en décide autrement. En effet, selon l’article 515-5 du Code civil :
« Sauf dispositions contraires de la convention visée au troisième alinéa de l’article 515-3, chacun des partenaires conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels. Chacun d’eux reste seul tenu des dettes personnelles nées avant ou pendant le pacte, hors le cas du dernier alinéa de l’article 515-4.
Chacun des partenaires peut prouver par tous les moyens, tant à l’égard de son partenaire que des tiers, qu’il a la propriété exclusive d’un bien. Les biens sur lesquels aucun des partenaires ne peut justifier d’une propriété exclusive sont réputés leur appartenir indivisément, à chacun pour moitié.
Le partenaire qui détient individuellement un bien meuble est réputé, à l’égard des tiers de bonne foi, avoir le pouvoir de faire seul sur ce bien tout acte d’administration, de jouissance ou de disposition ».
La gestion des biens se manifeste par cette « administration, jouissance et libre disposition » des biens personnels. Toutefois, lorsque cela n’est pas possible faute de pouvoir prouver la propriété exclusive d’un bien ou du fait d’une acquisition commune, le régime de l’indivision est appliqué. En effet, l’indivision est de mise pour les biens acquis en commun ou les biens acquis individuellement, mais reconnus indivis selon la convention si cela est convenu :
« Les partenaires peuvent, dans la convention initiale ou dans une convention modificative, choisir de soumettre au régime de l’indivision les biens qu’ils acquièrent, ensemble ou séparément, à compter de l’enregistrement de ces conventions. Ces biens sont alors réputés indivis par moitié, sans recours de l’un des partenaires contre l’autre au titre d’une contribution inégale »27.
L’indivision est alors le régime par défaut si la propriété du bien n’est pas établie, mais elle peut aussi être conventionnelle si le couple le décide. Toutefois, des biens sont réputés personnels et propriété exclusive de l’intéressé et ne peuvent pas faire l’objet d’une indivision, ces biens sont les suivants :
- Les deniers perçus par chacun des partenaires, à quelque titre que ce soit, postérieurement à la conclusion du pacte et non employés à l’acquisition d’un bien ;
- Les biens créés et leurs accessoires ;
- Les biens à caractère personnel ;
- Les biens ou portions de biens acquis au moyen de deniers appartenant à un partenaire antérieurement à l’enregistrement de la convention initiale ou modificative aux termes de laquelle ce régime a été choisi ;
- Les biens ou portions de biens acquis au moyen de deniers reçus par donation ou succession ;
- Les portions de biens acquises à titre de licitation de tout ou partie d’un bien dont l’un des partenaires était propriétaire au sein d’une indivision successorale ou par suite d’une donation28.
Les biens sujets à propriété exclusive sont alors nombreux si l’on se base sur cette liste. Il est à préciser que sur les biens ou portions de biens évoqués aux points 4 et 5, leur emploi doit être précisé dans l’acte d’acquisition, au risque de se voir appliquer le régime d’indivision. Il est alors rappelé ici le fait que l’indivision est le régime par défaut de gestion des biens entre couples pacsés. Une autre disposition du Code civil, à savoir l’article 515-5-3, corrobore ce constat :
« À défaut de dispositions contraires dans la convention, chaque partenaire est gérant de l’indivision et peut exercer les pouvoirs reconnus par les articles 1873-6 à 1873-8.
Pour l’administration des biens indivis, les partenaires peuvent conclure une convention relative à l’exercice de leurs droits indivis dans les conditions énoncées aux articles 1873-1 à 1873-15. À peine d’inopposabilité, cette convention est, à l’occasion de chaque acte d’acquisition d’un bien soumis à publicité foncière, publiée au fichier immobilier.
Par dérogation à l’article 1873-3, la convention d’indivision est réputée conclue pour la durée du pacte civil de solidarité. Toutefois, lors de la dissolution du pacte, les partenaires peuvent décider qu’elle continue de produire ses effets. Cette décision est soumise aux dispositions des articles 1873-1 à 1873-15 ».
Voyons maintenant un autre cas de non-mariage qui est le concubinage.
2 — Le concubinage
Concernant le concubinage, il s’agit d’un système où un couple réside ensemble sous le même toit sans pour autant être marié ni pacsé. Le service public reconnaît son existence à travers les lignes suivantes :
« Le concubinage est une union de fait. Elle est marquée par une vie commune stable et continue entre 2 personnes, de même sexe ou de sexe différent, qui vivent en couple. La preuve du concubinage peut être apportée par tous les moyens (certificat de concubinage, témoignages, déclarations sur l’honneur) »29.
La stabilité de la vie commune est alors un des critères du concubinage. Sur les faits, le couple se comporte alors comme il est attendu que des époux se comportent, c’est-à-dire habitant sous le même toit de manière durable et continue. Lorsque la preuve du concubinage est recherchée, elle peut être faite par tous les moyens. La doctrine retient les conditions du concubinage de la manière suivante :
« La condition centrale est celle de “vie commune”. L’utilisation du même mot pour désigner la vie en mariage, en pacs et en concubinage conduit a priori à transposer ici la définition de la vie commune que retient le droit du mariage559 : une communauté de lit et de toit, voire d’affection, est nécessaire ; mais il semble possible, comme dans le mariage, de partager une “vie commune” nonobstant des “résidences séparées” pour raisons professionnelles (v. ss 126). Encore faut-il que ladite vie commune présente certaines caractéristiques. Elle doit, dit le texte, être “stable” et “continue”. La loi a ainsi repris deux conditions traditionnelles en jurisprudence, à savoir une durée et une permanence suffisantes dans le temps »30.
Sur le plan juridique, le Code civil reconnaît l’existence du concubinage, notamment en son article 515-8 qui dispose que :
« Le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ».
Sur le plan de la propriété, la gestion sera alors de principe factuel, car l’union elle-même est factuelle. Le Code civil ne s’étale pas sur les règles applicables aux concubins dans l’administration, la jouissance et la disposition des biens du couple. On pensera alors logiquement à une gestion propre c’est-à-dire que chaque époux gérera ses biens de manière individuelle et les biens acquis en commun feront l’objet d’une gestion commune en fonction des apports, en fonction de ce qui est convenu, voire en indivision. Ainsi, en résumé, les biens acquis par les concubins leur sont personnels31 et les biens acquis en commun sont gérés en commun.
La vie commune est une condition importante retenue par la jurisprudence afin de pouvoir jouir des effets des droits de propriété. Un arrêt de la Cour de cassation sera repris ici :
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 3 octobre 2018, 17-13.113, publié au bulletin32
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 13 septembre 2016), qu’D… Z…, décédée le 30 juin 2009, avait souscrit un contrat d’assurance auprès de la Mutuelle assurances des commerçants et industriels de France (la Macif) ; que, le 17 juin 2011, M. X…, agissant en son nom personnel et en sa qualité d’administrateur légal sous contrôle judiciaire des quatre enfants de l’assurée, a assigné la Macif afin d’obtenir sa condamnation au paiement du capital décès prévu au contrat et de rentes éducation pour les enfants ;
Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande en paiement du capital décès alors, selon le moyen :
1°/que le concubinage est une union de fait qui se caractérise par une vie commune stable et continue entre deux personnes qui vivent en couple ; que pour dire que M. X… n’établit pas la réalité d’une cohabitation avec Mme Z… au moment de son décès, la cour d’appel retient que le bail a été conclu en 1996 et que les avis d’échéances et les factures d’électricité postérieures reposent sur les mentions du bail ; qu’en statuant par de tels motifs, d’où résulte que M. X… et Mme Z… avaient souscrit ensemble un contrat de bail et un contrat d’électricité pour l’occupation d’un même logement, et donc qu’ils menaient une vie commune, et sans constater que ces contrats auraient été résiliés par l’un ou par l’autre avant le décès de Mme Z…, ni que l’un ou l’autre aurait souscrit un autre bail pour l’occupation d’un autre logement, de telle sorte que cette vie commune aurait effectivement pris fin au jour du décès, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé ensemble l’article 515-8 du Code civil et l’article 1134 du même code dans sa rédaction applicable à la cause ;
2°/que le concubinage est une union de fait qui se caractérise par une vie commune stable et continue entre deux personnes qui vivent en couple ; qu’en s’abstenant de rechercher, comme elle y était invitée s’il ne résultait pas des autres éléments produits aux débats — notamment le contrat d’assurance souscrit jusqu’en 2010 pour l’occupation du logement par Mme Z…, les bulletins de salaires de M. X…, les actes d’état civil (acte de naissance des enfants, acte de décès de Mme Z…, carte d’identité de M. X…) — mentionnant tous une même adresse pour M. X… et Mme Z…, que ces derniers occupaient toujours en juin 2009 le logement objet du bail conclu en 1996, aucune autre adresse ne leur étant du reste connue, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 515-8 du Code civil et de l’article 1134 du même code dans sa rédaction applicable à la cause ;
3°/qu’il résulte de l’attestation de Mme A…, voisine de M. X… et de Mme Z…, que ceux-ci « ont toujours ensemble assurés l’éducation de leurs quatre enfants ainsi que leurs bien être financier physique et moral et ceux depuis leurs arrivées dans notre immeuble en 1996 », tandis que M. et Mme B…, qui résidaient au rez-de-chaussée de leur bâtiment, témoignaient qu’ils avaient « l’occasion de les voir comme voisins, mais aussi comme amis depuis septembre 1996 », et ne faisaient pas état d’un déménagement de M. X… ou de Mme Z… avant son décès en juin 2009 ; qu’en affirmant que ces attestations ne permettaient pas de déterminer si M. X… résidait avec Mme Z… au moment de son décès en raison de manque de précision quant aux dates, la cour d’appel en a dénaturé les termes clairs et précis et a violé l’article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, devenu l’article 1192 ;
4°/que les concubins, qui constituent des foyers fiscaux distincts, sont tenus de déposer des déclarations séparées au titre de l’impôt sur le revenu, en ne faisant apparaître leurs enfants comme personnes à charge que sur l’une d’elles ; que pour dire que M. X… n’était pas le concubin de Mme Z… au moment de son décès en juin 2009, la cour d’appel retient qu’en 2009, un premier avis d’imposition a été adressé à M. ou Mme X… et un second à Mlle Z…, que le premier avis comporte deux numéros fiscaux différents de celui attribué par le second à Mlle Z…, et que le premier avis ne fait état d’aucun enfant à charge tout comme certains avis antérieurs ; qu’en statuant par de tels motifs, d’où il résulte seulement que M. X… et Mlle Z… ont effectué des déclarations de revenus distinctes en 2009 et n’ont mentionné leurs enfants que sur la déclaration de Mlle Z…, et qui sont donc impropres à exclure que M. X… et Mlle Z… aient été concubins, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision au regard de l’article 515-8 du Code civil et de l’article 1134 du même code dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, ensemble l’article 170 du code général des impôts ;
5°/que le concubinage est une union de fait qui se caractérise par une vie commune stable et continue entre deux personnes, fussent-elles mariées à un tiers ; que pour dire que M. X… et Mme Z… n’étaient pas concubins au moment de son décès, la cour d’appel retient que les avis d’imposition établis en 2009 faisaient apparaître une « Mme X… » dont le numéro fiscal et la date de naissance ne correspondaient pas à celle de Mme Z… ; qu’en statuant ainsi, alors que la circonstance que M. X… ait été marié à une autre femme, à la supposer avérée, n’excluait pas qu’il ait pu être le concubin de Mme Z… au moment de son décès, la cour d’appel, qui s’est fondé sur des motifs inopérants, n’a pas justifié sa décision au regard de l’article 515-8 du Code civil et de l’article 1134 du même code dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 ;
6°/que M. X… faisait valoir, que contrairement à ce que semblait indiquer les avis d’impositions adressés à « M. ou Mme X… », il n’existait aucune « Mme X… » qu’il n’avait jamais été marié, comme l’établissait son acte de naissance, de sorte qu’il n’était pas permis de déduire des approximations de ces avis d’imposition qu’il aurait été marié avec une « Mme X… » distincte de Mme Z… ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen et d’examiner cet acte de naissance, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que, selon l’article 515-8 du Code civil, le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes qui vivent en couple ;
Et attendu qu’après avoir énoncé que le versement du capital décès prévu au contrat souscrit par D… Z… impliquait que M. X… établisse sa qualité de concubin au jour du décès, l’arrêt relève que la preuve de la vie commune à cette date n’est rapportée ni par les factures d’électricité ni par la mention des noms de M. X… et Mme Z… sur le bail locatif, celui-ci datant de 1996 et les avis d’échéances postérieurs ne faisant que reproduire son intitulé ; qu’il constate qu’en raison de leur imprécision, les attestations ne permettent pas de déterminer si M. X… vivait avec elle au moment du sinistre ; qu’il ajoute que les avis d’imposition font apparaître une « Mme X… », qui, n’ayant ni le même numéro fiscal ni la même date de naissance, ne peut être D… Z… ; qu’en l’état de ces constatations et énonciations, c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des pièces soumises à son examen et hors toute dénaturation que la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre M. X… dans le détail de son argumentation ni de s’expliquer sur les pièces qu’elle décidait d’écarter, a estimé que celui-ci ne rapportait pas la preuve d’une vie commune avec D… Z… au jour du décès ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X… aux dépens ;
L’enjeu dans cet arrêt est que l’un des concubins puisse jouir du capital décès de son conjoint. Cela ne s’est pourtant pas fait, car la preuve de la vie commune n’a pas été convaincante au regard des pièces à disposition de la Cour. Toute pièce pouvant prouver la vie commune doit alors être décisive pour pouvoir jouir des droits en découlant.
B – Le droit de propriété : empreint de la flexibilité de la liaison
Il sera évoqué en situation paisible (1) et en situation de crise (2).
1 — En situation paisible : gestion souple des biens
En situation paisible, la gestion des biens des couples non mariés s’avère très souple. En effet, dans le cas du Pacs, l’administration, la jouissance et la disposition des biens se feront en fonction de ce qui est convenu dans le contrat de Pacs. On pensera alors à une souplesse extrême, car le contrat ne pose pas en principe de limites, l’organisation de la vie commune sera alors douée d’une réelle liberté. L’assistance entre conjoints est toutefois de mise avec l’article 515-4 du Code civil qui dispose que :
« Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s’engagent à une vie commune, ainsi qu’à une aide matérielle et une assistance réciproques. Si les partenaires n’en disposent autrement, l’aide matérielle est proportionnelle à leurs facultés respectives.
Les partenaires sont tenus solidairement à l’égard des tiers des dettes contractées par l’un d’eux pour les besoins de la vie courante. Toutefois, cette solidarité n’a pas lieu pour les dépenses manifestement excessives. Elle n’a pas lieu non plus, s’ils n’ont été conclus du consentement des deux partenaires, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage ».
Dans le cas du concubinage, la souplesse est encore plus marquée, car les dispositions légales ne se prononcent pas sur l’obligation d’un contrat, tout se fera alors en fonction du ressenti du couple, le consentement sera fortement présent.
2 — En situation de crise : gestion plus flexible et basée sur le consentement des parties
En situation de crise, la flexibilité est encore présente dans le cas des couples non mariés. En effet, si le Pacs dispose d’un contrat qu’il faudra respecter et encore plus lors d’une situation de crise, le régime juridique du concubinage n’impose pas de règles dans la gestion des biens dans une situation de crise : les preuves par tous les moyens seront alors attendues lors d’éventuels litiges. L’application de dispositions plus générales du Code civil sur le droit de propriété peut aussi émerger, surtout lorsque le juge est impliqué.
Section 2 – La séparation des biens : un principe de base
Nous parlerons ici de l’autonomie et l’indépendance dans la gestion des biens du couple (A) et du fait que cette autonomie et cette indépendance soient sujets à complication (B).
A – L’autonomie et l’indépendance dans la gestion des biens du couple
La convention est le témoignage du consentement des parties sur la gestion de leurs biens (1), elle aura alors pour conséquence le respect des termes convenus par les parties (2).
1 — La convention : témoignage du consentement des parties sur la gestion de leurs biens
La convention est la base dans la gestion des biens d’un couple non marié. Pour le Pacs, on avait parlé du contrat de Pacs qui était obligatoire afin que la vie en commun du couple soit organisée. Toutefois, concernant le concubinage, la convention n’est pas obligatoire, l’organisation de la gestion des biens sera alors moins formelle. Le certificat de concubinage pourrait aider en cas de litiges, mais sa valeur ne reste que relative, voire aucune33. Dans la gestion des biens d’un couple non marié, le régime du Pacs se montre alors plus protecteur.
2 — Le respect des termes convenus comme conséquence de cette convention
Le Pacs sera principalement évoqué ici. Lorsque le contrat est établi — un contrat principalement basé sur la séparation des biens — le respect des termes de ce contrat sera la conséquence de ce dernier. Lorsque des règles sont établies concernant la gestion séparée des biens, elles seront respectées, de même ainsi pour les biens acquis en commun qui feront l’objet d’une indivision.
B – L’autonomie et de l’indépendance sujettes à complication
L’autonomie et l’indépendance relative du couple non marié posent de sérieux avantages dans la gestion des biens, mais des complications peuvent toutefois survenir. Elles concerneront généralement la problématique de la propriété indivise (1), d’où certains cas où l’incursion du juge est nécessaire (2).
1 — La problématique de la propriété indivise
La propriété indivise, notamment avec le Pacs, peut être problématique si l’un des conjoints ne peut pas prouver la propriété exclusive d’un bien alors qu’il justifie d’un intérêt certain à avoir la propriété exclusive d’un bien. On risque alors d’assister à une propriété de fait indivise (pour moitié) alors que l’intéressé cherchait une propriété exclusive. Pour celui-ci, un enrichissement sans cause de l’autre partie au contrat risquerait de se produire. Le fait que l’indivision soit le régime par défaut ne semble alors pas justifié dans certains cas. L’indivision est aussi problématique dans le cas où la contribution à l’acquisition d’un bien peut être inégale pour l’une et l’autre partie alors que le partage attendu sera égal. Durant la communauté de vie, aucun problème ne se posera éventuellement, mais toutes les failles se manifesteront à la dissolution de celle-ci et c’est ce que nous verrons dans les lignes suivantes.
2 — Les cas où l’incursion du juge est nécessaire
Lorsque le règlement contractuel ou le règlement à l’amiable ne suffit plus dans la gestion des litiges réels entre couples non mariés, l’incursion du juge est nécessaire afin de déterminer qui est le réel propriétaire d’un bien donné et/ou quels droits un conjoint pourrait avoir sur un bien donné. Quelques cas issus de la jurisprudence seront repris ici :
1er exemple :
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 27 janvier 2021, 19-26.140, publié au bulletin34
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Angers, 24 octobre 2019), le 6 septembre 2003, M. K… et Mme G… ont acquis en indivision un bien immobilier destiné à leur résidence principale. Ils ont souscrit le même jour deux prêts immobiliers destinés à financer cette acquisition. Le 26 septembre suivant, ils ont conclu un pacte civil de solidarité, qui a été dissout le 8 mars 2013. Le 12 mai 2016, Mme G… a assigné M. K… devant le juge aux affaires familiales afin que soit ordonné le partage judiciaire de l’indivision existant entre eux.
Examen du moyen
Énoncé du moyen
2. M. K… fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande tendant à ce qu’une créance soit constatée à son profit à raison du remboursement par ses soins de sommes dues tant par lui que par Mme G… et ce, pour la période couverte par le pacte civil de solidarité, soit jusqu’au 8 mars 2013, alors :
« 1°/que la seule circonstance que l’une des parties ait assumé en fait le remboursement de l’intégralité des prêts, les revenus de l’autre partie étant insuffisants pour faire face à la fraction des remboursements lui incombant, ne pouvait être regardée comme révélant la volonté non-équivoque des deux parties de faire peser l’intégralité des remboursements sur l’une d’elle ; qu’ayant fondé l’existence d’un accord tacite sur des circonstances équivoques, les juges du fond ont violé les articles 1134 ancien du code civil et 515-4 du même code ;
2°/qu’en tout cas, le seul fait que l’une des parties ait assuré le remboursement intégral des prêts et que l’autre ne disposait pas de revenus à la hauteur des remboursements qui lui incombaient, n’établissait pas, en tout état de cause, la volonté commune non-équivoque des parties de faire peser sur l’une d’elle une charge excédant ce qui lui incombait au titre des facultés respectives des parties ; qu’à cet égard également, fondé sur des circonstances équivoques, l’arrêt doit être censuré pour violation des articles 1134 ancien du code civil et 515-4 du même code ;
3°/que l’arrêt ne peut être considéré comme légalement justifié au regard des charges résultant de l’existence du PACS dès lors que les juges du fond ne se sont pas prononcés sur la répartition des charges en fonction des facultés respectives ; qu’à tout le moins, l’arrêt encourt la censure pour défaut de base légale au regard de l’article 515-4 du code civil ;
4°/que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ; qu’en retenant qu’il y avait volonté commune des parties de faire peser l’ensemble des charges de l’emprunt sur M. K…, faute pour celui-ci de démontrer le contraire, quand les règles de l’indivision faisaient présumer une participation aux charges à hauteur des parts dans l’indivision, les juges du fond ont violé l’article 1315 ancien devenu 1353 du code civil. »
Réponse de la Cour
3. Aux termes de l’article 515-4, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, applicable à la cause, les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s’engagent à une vie commune, ainsi qu’à une aide matérielle et une assistance réciproques. Si les partenaires n’en disposent autrement, l’aide matérielle est proportionnelle à leurs facultés respectives.
4. Après avoir constaté que l’immeuble avait été acquis indivisément par les parties et que les mensualités des prêts avaient été réglées intégralement par M. K…, l’arrêt relève que les intéressés ont disposé de facultés contributives inégales, M. K… ayant perçu des revenus quatre à cinq fois supérieurs à ceux de Mme G…. Il ajoute qu’il résulte des relevés du compte de Mme G… que celui-ci a oscillé entre un faible solde créditeur et un solde régulièrement débiteur, le livret bleu étant créditeur de façon constante d’un montant d’environ 1 700 euros, et que, si M. K… soutient avoir payé l’intégralité des charges du ménage, permettant ainsi à Mme G… de réaliser des économies, la preuve de ces économies n’est pas rapportée. Il relève encore que les revenus de Mme G… étaient notoirement insuffisants pour faire face à la moitié du règlement des échéances des emprunts immobiliers.
5. La cour d’appel, qui a souverainement estimé que les paiements effectués par M. K… l’avaient été en proportion de ses facultés contributives, a pu décider que les règlements relatifs à l’acquisition du bien immobilier opérés par celui-ci participaient de l’exécution de l’aide matérielle entre partenaires et en a exactement déduit, sans inverser la charge de la preuve, qu’il ne pouvait prétendre bénéficier d’une créance à ce titre.
6. Le moyen, inopérant en ses deux premières branches en ce qu’il critique des motifs surabondants de l’arrêt relatifs à l’accord des parties, n’est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. K… aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. K… et le condamne à payer à Mme G… la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, signé par Mme Auroy, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille vingt et un.
Dans ce premier exemple, on se retrouve avec un couple pacsé initialement et ayant acquis en indivision un bien immobilier. Le Pacs a depuis été dissout et l’un des conjoints sollicite un partage judiciaire des biens partagés en indivision, notamment le bien immobilier. A première vue, aucun problème ne risque de se poser, une application du contrat de Pacs dans la division des biens après une estimation de leur valeur serait alors possible. Toutefois, le problème se pose dans l’acquisition du bien en indivision. L’acquisition initiale n’est pas concernée ici, mais le sort de l’acquisition à l’issue du partage. L’un des conjoints (M. K.) cherche un remboursement des sommes acquittés dans cette acquisition au motif que lui seul a assuré le paiement intégral des frais, contrairement à l’autre partie au contrat, disposant de revenus moins conséquents. On remarque ici une volonté de la partie concernée de ne pas vouloir appliquer le régime de l’indivision basé sur une séparation égale d’un bien donné au motif que sa participation a été plus conséquente que celle de son conjoint dans l’acquisition du bien en indivision. Pourtant, les dispositions légales semblent claires : aide matérielle proportionnelle à leurs facultés respectives sauf s’ils en disposent autrement35. Apparemment, ils n’en en pas disposé autrement, d’où la proportionnalité par rapport à leurs facultés respectives qui a été appliquée par le juge. On voit alors ici une autre problématique de la propriété indivise surtout lorsque les apports dans l’acquisition du bien sont manifestement inégaux.
Voyons un autre exemple :
2e exemple :
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 2 septembre 2020, 19-10.477, publié au bulletin36
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Toulouse, 16 octobre 2018), Mme E… et M. S…, qui vivaient alors en concubinage, ont souscrit deux emprunts pour financer les travaux d’une maison d’habitation édifiée sur le fonds dont Mme E… était propriétaire.
2. Après leur séparation, M. S… s’est prévalu d’une créance sur le fondement de l’article 555 du Code civil.
Examen du moyen
Énoncé du moyen
3. M. S… fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande, alors « que l’article 555 du code civil a vocation à régir les rapports entre concubins, sauf le cas où il existe entre eux une convention réglant le sort de la construction ; que lorsque l’un des concubins a participé, sans intention libérale, par des fonds ou par sa propre main-d’œuvre, à la réalisation ou au financement de constructions édifiées sur le terrain de l’autre concubin, le premier a droit à une indemnisation, sans que puisse faire obstacle à son droit à remboursement la considération que les sommes qu’il a versées constitueraient une participation normale aux charges de la vie commune ; qu’en retenant au contraire que la demande de M. S… en remboursement des versements faits pour financer une construction sur le terrain de sa concubine ne pouvait être accueillie, par la considération que les versements en cause auraient constitué une participation normale aux charges de la vie commune, la cour d’appel a violé le texte susvisé, par refus d’application, ensemble l’article 214 du Code civil, par fausse application. »
Réponse de la Cour
4. Après avoir énoncé à bon droit qu’aucune disposition légale ne réglant la contribution des concubins aux charges de la vie commune, chacun d’eux doit, en l’absence de convention contraire, supporter les dépenses de la vie courante qu’il a engagées, l’arrêt constate, d’une part, que l’immeuble litigieux a constitué le logement de la famille, d’autre part, que Mme E… et M. S…, dont les revenus représentaient respectivement 45 et 55 pour cent des revenus du couple, ont chacun participé au financement des travaux et au remboursement des emprunts y afférents. Il observe que M. S…, qui n’a pas eu à dépenser d’autres sommes pour se loger ou loger sa famille, y a ainsi investi une somme de l’ordre de 62 000 euros entre 1997 et 2002, soit environ 1 000 euros par mois.
5. De ces énonciations et constatations, faisant ressortir la volonté commune des parties, la cour d’appel a pu déduire que M. S… avait participé au financement des travaux et de l’immeuble de sa compagne au titre de sa contribution aux dépenses de la vie courante et non en qualité de tiers possesseur des travaux au sens de l’article 555 du code civil, de sorte que les dépenses qu’il avait ainsi exposées devaient rester à sa charge.
6. Le moyen n’est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. S… aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. S… et le condamne à payer à Mme E… la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux septembre deux mille vingt.
Ce second exemple évoqué est relatif au concubinage. Comme dans le cas du Pacs évoqué précédemment, les problèmes relatifs au droit de propriété surviennent généralement lorsque la liaison est rompue et que le sort des biens se retrouve au cœur des préoccupations. Ainsi, dans le cas présent, un couple vivait en concubinage qui est une vie en commune de fait. Les personnes concernées ont participé aux charges de la vie commune37 en l’occurrence le financement de travaux d’une maison d’habitation sur le fonds dont l’un des conjoints était propriétaire. À la dissolution du couple, l’époux non-propriétaire se prévalait alors de créances sur la base de l’article 555 du Code civil38. Au vu de l’absence de disposition régissant la gestion des biens dans le cadre du concubinage, cette disposition juridique s’est alors vue appliquée. Dans cet arrêt, le juge a émis des précisions quant au système juridique laconique du concubinage : pour les biens, il est alors retenu que la contribution aux charges de la vie commune est une condition pour ce système de non-mariage. Cela aura alors pour conséquence que, pour un bien utilisé en commun39, le conjoint non-propriétaire ne pourra jouir d’une qualité de tierce personne pour se voir rembourser une somme en fonction de sa contribution pour la rénovation de ce bien. Ainsi, pour le droit de propriété, si des règles spécifiques n’existent pas pour le concubinage, on se retrouve avec des règles générales et le juge est là pour les rappeler en cas de besoin.
3e exemple :
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 3 mars 2021, 19-19.000, publié au bulletin40
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 3 MARS 2021
Mme L… K…, domiciliée […], a formé le pourvoi n° V 19-19.000 contre l’arrêt rendu le 11 avril 2019 par la cour d’appel de Bourges (chambre civile), dans le litige l’opposant à M. H… J…, domicilié […], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme K…, et l’avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l’audience publique du 12 janvier 2021 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Antoine, M. Vigneau, Mmes Bozzi, Poinseaux, Guihal, M. Fulchiron, Mme Dard, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, Mme Caron-Déglise, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Bourges, 11 avril 2019), M. J… et Mme K… ont vécu en concubinage de novembre 2014 à décembre 2015.
2. Le 22 décembre 2017, M. J… a assigné Mme K… en paiement d’une indemnité, sur le fondement de l’enrichissement injustifié, au titre des sommes engagées par lui pour financer la construction d’une piscine dans la propriété de celle-ci.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Énoncé du moyen
3. Mme K… fait grief à l’arrêt de la condamner à payer à M. J… la somme de 24 227,16 euros avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation, alors « que la loi ne dispose que pour l’avenir, elle n’a point d’effet rétroactif ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que le concubinage entre les parties a duré de novembre 2014 à décembre 2015, M. J… ayant exercé une action au titre d’un enrichissement injustifié dont le fait générateur, la réalisation de travaux sur la piscine appartenant à Mme K… à ses frais, est intervenu durant cette période ; qu’en condamnant néanmoins Mme K… à verser à M. J… la somme de 24 227,16 euros avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation au titre d’un enrichissement injustifié en application du nouvel article 1303 du Code civil issu de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 qui n’est entré en vigueur que le 1er octobre 2016, en sorte qu’il n’était pas applicable au présent litige, la cour d’appel a violé l’article 2 du Code civil. »
Réponse de la Cour
4. L’article 9 de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 fixe son entrée en vigueur au 1er octobre 2016. En l’absence de disposition transitoire concernant les quasi-contrats lorsqu’une instance a été introduite après cette date, les règles de conflit de lois dans le temps sont celles du droit commun.
5. Aux termes de l’article 2 du Code civil, la loi ne dispose que pour l’avenir et elle n’a point d’effet rétroactif.
6. Il en résulte que si la loi applicable aux conditions d’existence de l’enrichissement injustifié est celle du fait juridique qui en est la source, la loi nouvelle s’applique immédiatement à la détermination et au calcul de l’indemnité.
7. Après avoir dit que Mme K… avait bénéficié d’un enrichissement injustifié au détriment de M. J…, la cour d’appel a déterminé l’indemnisation de celui-ci en se référant à bon droit aux dispositions de l’article 1303 du Code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, lequel n’a fait que reprendre la règle de droit antérieure.
8. Le moyen n’est donc pas fondé.
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Énoncé du moyen
9. Mme K… fait le même grief à l’arrêt, alors « que l’action de in rem verso ne peut trouver application lorsque l’appauvri a agi en vue de son intérêt personnel et à ses risques et périls ; qu’en faisant néanmoins droit à la demande de M. J…, après avoir pourtant constaté que les travaux réalisés sur le bien de Mme K… avaient conduit à l’amélioration du cadre de vie et d’hébergement gratuit dont celui-ci avait profité pendant la période du concubinage, ce dont il résultait qu’il avait agi dans son intérêt personnel, la cour d’appel, qui n’a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article 1371 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
10. Selon l’article 978, alinéa 3, du code de procédure civile, chaque moyen ou chaque élément de moyen doit préciser, à peine d’être déclaré d’office irrecevable, la partie critiquée de la décision et ce en quoi celle-ci encourt le reproche allégué.
11. Le moyen, dont le grief porte sur l’existence même d’un enrichissement injustifié de Mme K…, n’est pas dirigé contre le chef du dispositif de l’arrêt qui dit que celle-ci a bénéficié d’un tel enrichissement au détriment de M. J….
12. Ne satisfaisant pas aux exigences du texte susvisé, il est irrecevable.
Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche
Énoncé du moyen
13. Mme K… fait le même grief à l’arrêt, alors « que l’action de in rem verso ne tend à procurer à la personne appauvrie qu’une indemnité égale à la moins élevée des sommes représentatives, l’une de l’enrichissement, l’autre de l’appauvrissement ; qu’en ne recherchant pas quel était le montant de l’enrichissement de Mme K…, en l’occurrence la plus-value apportée à son bien, pour le comparer au montant de l’appauvrissement invoqué par M. J…, et retenir, au final, la somme la moins élevée de deux, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1371 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 1303 du Code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016 :
14. Selon ce texte, l’indemnité due au titre de l’enrichissement injustifié est égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement.
15. Pour accueillir la demande de M. J…, l’arrêt se borne à retenir le montant de l’appauvrissement, correspondant au règlement du coût par celui-ci de la réalisation et de l’installation d’une piscine dans la propriété de Mme K….
16. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, le montant de la plus-value immobilière apportée au bien de Mme K…, afin de fixer l’indemnité à la moins élevée des deux sommes représentatives de l’enrichissement et de l’appauvrissement, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il déclare recevable la demande de M. J… et dit que Mme K… a bénéficié d’un enrichissement injustifié au détriment de celui-ci, l’arrêt rendu le 11 avril 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Bourges ;
Remet, sauf sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel d’Orléans ;
Condamne M. J… aux dépens ;
Ce troisième exemple est pareil que le précédent. En effet, le concubin lésé se base toujours sur un enrichissement sans cause alors qu’il a participé aux charges communes de bonne volonté. La position de la Cour de cassation est alors compréhensible.
Transition
Que l’on soit face à un couple marié ou un couple non marié, le droit de propriété est toujours au cœur des débats dans la dynamique entre les conjoints. Pour les couples mariés, cela est réellement prononcé, car soit le régime de communauté légale est appliqué par défaut, soit les époux ont le choix dans le régime matrimonial applicable. Ainsi, pour chaque choix effectué, ils seront en connaissance de cause dans le sort de leur bien qu’il s’agisse de l’administration, de la jouissance ou de la disposition de ce dernier, le législateur insiste alors sur les conditions du droit de propriété pour chaque régime choisi. Même en cas de changement de régime matrimonial, les relations avec les tiers notamment les créanciers devront être pris en considération pour faire prévaloir éventuellement leur droit de propriété sur certains biens des époux.
Pour les couples non mariés, le système est beaucoup plus élargi, car outre la présence d’un contrat pour le Pacs (rappelons que le concubinage n’en dispose pas), le consentement et la volonté prévalent dans les rapports entre conjoints concernant leur droit de propriété. Le cas échéant, l’indivision sera de mise et que l’on soit dans le Pacs ou dans le concubinage, une assistance est attendue des conjoints au vu de leur communauté de vie. On a pu voir que la dissolution de la communauté révélait les difficultés d’application de certaines règles notamment dans la division des biens et la prévalence de certains droits sur des biens. Dans tous les cas, si les conjoints ne peuvent convenir de régler leurs litiges à l’amiable, l’incursion du juge sera nécessaire pour rappeler ou préciser certaines dispositions légales propres au régime choisi par les conjoints ou plus générales relatives au droit de propriété.
Outre les dispositions légales normatives, certaines dispositions offrent une certaine largesse dans la répartition entre pouvoirs des conjoints et propriété, cette largesse donnée pourra tendre au pouvoir de leur volonté, c’est ce que l’on se propose de voir dans la deuxième partie de ce travail.
Partie 2 – Le pouvoir de la volonté sur la répartition entre pouvoirs et propriété
Cette deuxième partie comportera deux chapitres : la volonté dans les interactions entre époux mariés (chapitre 1) et les couples non mariés : une manifestation concrète de la volonté (chapitre 2).
Chapitre 1 – La volonté dans les interactions entre époux mariés
Les interactions entre époux mariés dans la gestion de leurs biens se montrent comme statiques si l’on se base sur les dispositions légales qui prévoient de nombreux cas de figure, notamment avec le contrat de mariage. Toutefois, une certaine flexibilité est constatée, toujours dans les limites des dispositions légales, c’est ce qu’on verra dans la première section. On verra également la manifestation de la volonté hors contrat de mariage (section 2).
Section 1 – Le contrat de mariage : statique, mais flexible dans certains cas
Le contrat de mariage est un contrat statique qui doit répondre à des exigences légales en fonction du régime choisi par les époux. Cependant, une certaine flexibilité est rendue possible avec les clauses personnalisées de celui-ci (A). Le souci de se conformer aux exigences légales prime toujours pourtant concernant leurs limites (B).
A – La possibilité de clauses personnalisées
On verra ici les clauses personnalisées en soi (1) et les exemples de clauses pouvant être adoptées (2).
1 — Les clauses personnalisées
Les clauses personnalisées sont des clauses pouvant être insérées dans le contrat de mariage, outre les dispositions générales que ce contrat doit comporter. En effet, aux termes de l’article 1387 du Code civil :
« La loi ne régit l’association conjugale, quant aux biens, qu’à défaut de conventions spéciales que les époux peuvent faire comme ils le jugent à propos, pourvu qu’elles ne soient pas contraires aux bonnes mœurs ni aux dispositions qui suivent ».
Selon cette disposition légale, des conventions spéciales peuvent alors être faites par les époux lorsqu’elles ne sont pas contraires aux bonnes mœurs ou aux dispositions relatives au régime matrimonial et au contrat de mariage en général. Les clauses personnalisées sont comprises dans ces conventions spéciales et elles doivent les bonnes mœurs et les dispositions légales en vigueur. Cela fait que malgré cette ouverture manifeste, les clauses personnalisées seront limitatives. C’est ce que l’on verra ci-après.
2 — Exemples de clauses pouvant être adoptées
On pourrait évoquer ici en premier lieu la clause permettant au conjoint survivant, en cas de décès de l’autre, de choisir un bien prioritairement aux autres héritiers. C’est une possibilité évoquée par l’article 1390 du même code qui dispose que :
« Ils peuvent, toutefois, stipuler qu’à la dissolution du mariage par la mort de l’un d’eux, le survivant a la faculté d’acquérir ou, le cas échéant, de se faire attribuer dans le partage certains biens personnels du prédécédé, à charge d’en tenir compte à la succession, d’après la valeur qu’ils ont au jour où cette faculté sera exercée.
La stipulation peut prévoir que l’époux survivant qui exerce cette faculté peut exiger des héritiers que lui soit consenti un bail portant sur l’immeuble dans lequel l’entreprise attribuée ou acquise est exploitée ».
Cette faculté n’est alors pas obligatoire dans le contrat de mariage, mais lorsque les époux y trouvent un intérêt, ils pourront rajouter cette clause dite personnalisée dans le contrat de mariage.
Une autre clause personnalisée non obligatoire est celle de l’administration conjointe des biens dans la communauté conventionnelle. C’est une possibilité donnée par le Code civil en son article 1503 évoqué dans la première partie et que nous rappellerons ici :
« Les époux peuvent convenir qu’ils administreront conjointement la communauté.
En ce cas les actes d’administration et de disposition des biens communs sont faits sous la signature conjointe des deux époux et ils emportent de plein droit solidarité des obligations.
Les actes conservatoires peuvent être faits séparément par chaque époux ».
Le cas du préciput est aussi possible selon l’article 1515 :
« Il peut être convenu, dans le contrat de mariage, que le survivant des époux, ou l’un d’eux s’il survit, sera autorisé à prélever sur la communauté, avant tout partage, soit une certaine somme, soit certains biens en nature, soit une certaine quantité d’une espèce déterminée de biens ».
Ou encore le partage inégal selon l’article 1520 :
« Les époux peuvent déroger au partage égal établi par la loi ».
Les exemples de clauses personnalisés sont légalement limitatifs, mais au vu de leur pluralité dans le Code civil, une certaine marge est donnée à la volonté des époux. L’essentiel réside dans l’usage du verbe « pouvoir » dans les dispositions citées supra ou autres.
Pratiquement, les époux peuvent dire dans leur contrat de mariage que certains biens seront la propriété exclusive d’un époux. Malgré cette précision préalable, des contentieux peuvent toujours survenir à la dissolution du mariage notamment afin de jouir de biens vus comme de valeur. C’est une situation qui a été portée devant la Cour de cassation :
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 23 juin 2021, 19-21.78441
#1 ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 JUIN 2021
M. [E] [M], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 19-21.784 contre l’arrêt rendu le 26 juin 2019 par la cour d’appel de Paris (pôle 3, chambre 1), dans le litige l’opposant :
1°/à Mme [W] [L], domiciliée [Adresse 2],
2°/à Mme [X] [M], épouse [Z], domiciliée [Adresse 3],
3°/à Mme [N] [M], divorcée [W], domiciliée [Adresse 4],
4°/à Mme [W] [M], épouse [C], domiciliée [Adresse 5],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Poinseaux, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. [M], de Me Balat, avocat de Mme [L], après débats en l’audience publique du 11 mai 2021 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Poinseaux, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. [M] du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre Mmes [X] [N] et [W] [M].
Faits et procédure
#2 2. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 26 juin 2019), [L] [F], veuve, en premières noces, d’[Y] [L] et, en secondes noces, de [H] [M], époux séparé de biens décédé le [Date décès 1] 1969, est elle-même décédée le [Date décès 2] 2008, laissant pour lui succéder ses cinq enfants, Mme [W] [L], Mmes [W], [X] et [N] [M] et M. [E] [M] (les consorts [M]). Des difficultés sont survenues dans le règlement de la succession.
3. Mme [L] a assigné les consorts [M] en partage.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen
Énoncé du moyen
4. M. [M] fait grief à l’arrêt d’ordonner le rapport à la succession de Mme [F] d’une somme de 95 043,73 euros correspondant au prix net du mobilier vendu en septembre 1998 sous l’intitulé « collection [H] [M] », alors :
# 3 « 1°/que l’alinéa 3 de l’article 3 du contrat de mariage des époux [M] — [F] visait uniquement “les meubles meublants, linge, argenterie et autres objets mobiliers quelconques qui garniront l’habitation”, non les collections d’œuvres d’art, lesquelles ne sont ni des meubles meublants ni des meubles qui garnissent ou ornent un logement ; qu’en jugeant que la collection d’étains constituée par [H] [M] relevait de la présomption simple de propriété au profit de l’épouse posée par l’alinéa 3 de l’article 3 du contrat de mariage des époux [M] — [F], la cour d’appel a dénaturé ce document en violation de l’obligation faite au juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ;
2°/que le propriétaire d’un bien est la personne qui en fait l’acquisition ; que les juges du fond ont relevé que les étains litigieux avaient été recherchés et choisis par [H] [M], puis ont retenu l’hypothèse que ces étains constituaient une collection qui était l’œuvre de [H] [M] ; qu’il en résultait que ce dernier avait fait l’acquisition des étains qu’il avait réunis en une collection, donc en était le propriétaire, de sorte qu’était renversée la présomption de propriété au profit de son épouse posée par l’alinéa 3 de l’article 3 du contrat de mariage des époux [M] — [F] ; qu’en appliquant au contraire cette présomption simple de propriété pour ordonner à M. [E] [M] de rapporter à la succession de sa mère une somme de 95 043,73 euros correspondant au prix de vente des étains, la cour d’appel a violé l’article 544 du code civil, ensemble l’ancien article 1134 du même code ;
#4 3°/que pour preuve de ce que son père était le propriétaire exclusif de la collection d’étains, M. [E] [M] produisait et invoquait des articles de presse qui décrivaient tous [H] [M] comme la personne ayant acquis les étains pour les réunir dans une collection unique en Europe, de Mme [B], ancienne employée de [H] [M], qui témoignait que celui-ci, dès avant son mariage avec [L] [F], était passionné par l’achat d’antiquités, et le programme de la vente aux enchères, qui annonçait et détaillait la mise en vente de la “collection [H] [M] de [Localité 1]” ; qu’en n’examinant pas ces pièces pour néanmoins faire jouer la présomption simple de propriété de [L] [F] sur la collection d’étains et ordonner le rapport à succession, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. L’arrêt relève qu’aux termes du contrat de mariage conclu entre [L] [F] et [H] [M], seront réputés la propriété exclusive de la future épouse, les meubles meublants, linge, argenterie et autres objets mobiliers quelconques qui garniront l’habitation commune pendant le mariage comme à la date de sa dissolution, il n’y aura d’exception que pour ceux de ces objets sur lesquels le futur époux ou ses héritiers et représentants établiront leur droit de propriété par titres, factures de marchands ou tout autre moyen de preuve légale.
#5 6. D’une part, après avoir constaté qu’il résultait des articles de journaux et photographies produits que les objets en étain litigieux avaient servi à décorer et garnir, de façon exceptionnelle, le logement commun, c’est sans dénaturer cette clause claire et précise visant, outre les meubles meublants, tous les meubles garnissant l’habitation commune, qu’elle n’a fait qu’appliquer, que la cour d’appel a retenu que la collection litigieuse relevait de la présomption simple de propriété instituée au profit de l’épouse.
7. D’autre part, ayant relevé que, s’il résultait des mêmes documents que ces objets vendus en septembre 1998 avaient été recherchés et choisis par [H] [M], il n’était justifié d’aucun acte d’achat ou facture y afférent et que la déclaration de succession de ce dernier ne faisait mention d’aucune collection ni d’un inventaire de mobilier, c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation et sans être tenue de s’expliquer sur les pièces qu’elle décidait d’écarter ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que la cour d’appel a estimé que les consorts [M] ne rapportaient pas la preuve contraire de l’appartenance de cette collection à leur auteur, de sorte qu’ils devaient en restituer le prix de vente à la succession.
8. Le moyen n’est donc pas fondé.
Dispositif
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [M] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [M] et le condamne à payer à Mme [L] la somme de 3 000 euros ;
Dans cet arrêt, la preuve a fait défaut à la partie intéressée, d’où le fait de ne pas avoir eu gain de cause. Malgré alors des règles établies dans le contrat de mariage, le déroulement factuel nécessitera toujours des preuves pour faire valoir certains droits.
B – Les limites de cette flexibilité : le souci de se conformer aux exigences légales
Comme on a pu le voir supra, les situations dans lesquelles les clauses personnalisées peuvent être appliquées sont limitatives. Cela fait que les dispositions légales citent ces clauses personnalisées et passer outre ces dispositions légales ne peut être autorisé. Il y a alors un souci de se conformer aux exigences légales.
Un premier exemple d’exigence légale à respecter est le fait de ne pas changer l’ordre légal de succession dans le contrat de mariage. En effet, aux termes de l’article 1389 du Code civil :
« Sans préjudice des libéralités qui pourront avoir lieu selon les formes et dans les cas déterminés par le présent code, les époux ne peuvent faire aucune convention ou renonciation dont l’objet serait de changer l’ordre légal des successions ».
Le code fait alors référence aux libéralités permises durant l’établissement du contrat de mariage avec les clauses personnalisées, mais une restriction est ici claire : celle ne pas changer l’ordre légal des successions. Les époux doivent alors tenir compte de cette restriction lors de l’établissement du contrat de mariage, cela est important pour le droit de propriété qu’auront éventuellement les héritiers de leurs biens lorsque la succession sera ouverte.
Une autre limite est également le fait de faire usage des libéralités avant que le mariage ne soit célébré. Cela signifie que toutes les clauses que veulent consigner les époux dans le contrat de mariage doivent être décidées avant la célébration du mariage sous peine de nullité. La libéralité donnée aux époux avec les clauses spéciales est alors limitée dans le temps. Cela est évoqué par l’article 1395 du Code civil :
« Les conventions matrimoniales doivent être rédigées avant la célébration du mariage et ne peuvent prendre effet qu’au jour de cette célébration ».
Ainsi, en général, il est présumé que les règles du contrat de mariage notamment les clauses personnalisées sont décidées bien avant la célébration du mariage, les époux sont alors réputés avoir été diligents dans le choix des clauses les intéressant. Le cas échéant c’est-à-dire si des modifications veulent être apportées, le concours du juge sera nécessaire ou du notaire en cas de changement de régime matrimonial. En effet, aux termes de l’article 1396 :
« Les changements qui seraient apportés aux conventions matrimoniales avant la célébration du mariage doivent être constatés par un acte passé dans les mêmes formes. Nul changement ou contre-lettre n’est, au surplus, valable sans la présence et le consentement simultanés de toutes les personnes qui ont été parties dans le contrat de mariage, ou de leurs mandataires.
Tous changements et contre-lettres, même revêtus des formes prescrites par l’article précédent, seront sans effet à l’égard des tiers, s’ils n’ont été rédigés à la suite de la minute du contrat de mariage ; et le notaire ne pourra délivrer ni grosses ni expéditions du contrat de mariage sans transcrire à la suite le changement ou la contre-lettre.
Le mariage célébré, il ne peut être apporté de changement au régime matrimonial que par l’effet d’un jugement à la demande de l’un des époux dans le cas de la séparation de biens ou des autres mesures judiciaires de protection ou par l’effet d’un acte notarié, le cas échéant homologué, dans le cas de l’article suivant ».
La flexibilité donnée aux époux dans l’élaboration du contrat de mariage doit ainsi respecter une exigence temporelle au risque de se voir appliquer des règles procédurales plus compliquées.
Section 2 – La manifestation de la volonté hors contrat de mariage
On parlera ici des situations professionnelles (A) et du cas des donations et ventes (B).
A – Les situations professionnelles
Pour les situations professionnelles, il y a une certaine nécessité de s’affranchir du contrat de mariage. Les cas de figure sont la création d’une entreprise après le mariage (1) et le mandat entre époux (2).
1 — La création d’une entreprise après le mariage : entre consentement des parties et autonomie du conjoint entrepreneur
La création d’une entreprise après le mariage est une situation particulière où la volonté des époux est particulièrement attendue. En effet, si une certaine autonomie du conjoint entrepreneur est de mise dans la gestion de ses affaires propres, le choix du régime matrimonial peut avoir un impact sur la tenue de cette autonomie, un fonctionnement entre consentement des parties et autonomie du conjoint entrepreneur est alors présent. C’est une position adoptée par la Cour de cassation dans l’arrêt suivant :
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 18 décembre 2019, 18-26.337, publié au bulletin42
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 10 septembre 2018), M. M… et Mme E… se sont mariés sous le régime de la participation aux acquêts, le contrat de mariage stipulant, en cas de dissolution du régime pour une autre cause que le décès des époux, que « les biens affectés à l’exercice effectif de la profession des futurs époux lors de la dissolution, ainsi que les dettes relatives à ces biens, seront exclus de la liquidation ». Leur divorce a été prononcé par jugement du 26 septembre 2008. Lors des opérations de liquidation et de partage de leur régime matrimonial, M. M… a demandé que soit constatée la révocation de plein droit de la clause d’exclusion des biens professionnels figurant dans leur contrat de mariage et que ces biens soient intégrés à la liquidation de la créance de participation.
Examen du moyen
Énoncé du moyen
2. M. M… fait grief à l’arrêt de juger que la clause d’exclusion des biens professionnels insérée dans le contrat de mariage ne constitue pas un avantage matrimonial et, en conséquence, d’ordonner l’exclusion des biens professionnels du calcul des patrimoines originaires et finaux alors « qu’en matière de participation aux acquêts, une clause d’exclusion des biens professionnels du calcul de la créance de participation, en cas de dissolution du régime pour une cause autre que le décès de l’un des époux, s’analyse en un avantage matrimonial prenant effet à la dissolution du régime matrimonial ; qu’en jugeant, en l’espèce, que la clause d’exclusion des biens professionnels du calcul de la créance de participation insérée dans le contrat de mariage des époux M… E… ne constitue pas un avantage matrimonial prenant effet à la dissolution du régime et donc révoqué de plein droit par le jugement de divorce en application de l’article 265 du Code civil, la cour d’appel a violé les articles 265, 1570 et 1572 du Code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 265 du Code civil :
3. Les profits que l’un ou l’autre des époux mariés sous le régime de la participation aux acquêts peut retirer des clauses aménageant le dispositif légal de liquidation de la créance de participation constituent des avantages matrimoniaux prenant effet à la dissolution du régime matrimonial. Ils sont révoqués de plein droit par le divorce des époux, sauf volonté contraire de celui qui les a consentis exprimée au moment du divorce.
4. Il en résulte qu’une clause excluant du calcul de la créance de participation les biens professionnels des époux en cas de dissolution du régime matrimonial pour une autre cause que le décès, qui conduit à avantager celui d’entre eux ayant vu ses actifs nets professionnels croître de manière plus importante en diminuant la valeur de ses acquêts dans une proportion supérieure à celle de son conjoint, constitue un avantage matrimonial en cas de divorce.
5. Pour dire que la clause d’exclusion des biens professionnels insérée dans le contrat de mariage de M. M… et Mme E… ne constitue pas un avantage matrimonial et ordonner, en conséquence, l’exclusion de leurs biens professionnels du calcul de leurs patrimoines originaires et finaux, l’arrêt retient que la notion d’avantage matrimonial est attachée au régime de communauté et que les futurs époux, en excluant leurs biens professionnels, ont voulu se rapprocher partiellement du régime séparatiste, sans pour autant en tirer toutes les conséquences sur leurs biens non professionnels. Il ajoute qu’en adoptant un tel régime, dès lors que Mme E… était pharmacienne et M. M… directeur d’un laboratoire d’analyses, ils entendaient rester maîtres chacun de la gestion de leur outil de travail et de son développement futur tout en permettant à l’autre de profiter pendant le mariage des revenus tirés de l’activité, voire à le protéger si le bien professionnel était totalement déprécié.
6. En statuant ainsi, alors que cette clause constituait un avantage matrimonial révoqué de plein droit par le divorce, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit et juge que la clause d’exclusion des biens professionnels insérée dans le contrat de mariage de M. M… et de Mme E… ne constitue pas un avantage matrimonial et ordonne en conséquence l’exclusion de leurs biens professionnels du calcul des patrimoines originaires et finaux, l’arrêt rendu le 10 septembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Chambéry ;
Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Grenoble ;
Condamne Mme E… aux dépens ;
Un des époux cherchait alors à appliquer la clause d’exclusion des biens professionnels durant la liquidation des biens à l’issue du divorce. Il n’a toutefois pas eu gain de cause, car cette clause a été révoquée par la Cour de cassation. C’est une situation qui peut être retrouvée lorsqu’une entreprise est créée après ou même avant le mariage, mais que les biens sont considérés comme propres du conjoint concerné. Si le consentement de l’autre époux avait été recueilli, le problème aurait été inexistant, mais le cas échéant, une incursion du juge s’avère nécessaire. Parfois, la mauvaise foi de l’autre partie peut aussi se manifester, malgré un consentement initial.
2 — Le mandat entre époux : séparation entre propriété et gestion du bien
Le pouvoir de la volonté sur la répartition entre pouvoirs et propriété peut aussi être retrouvé dans le cadre du mandat entre époux. L’expression « mandat entre époux » est très évocatrice, car il s’agit littéralement d’un cas de figure où un époux peut donner mandat à son conjoint pour administrer les biens dont il est le propriétaire en fonction de considérations et d’intérêts divers. Dans la communauté des biens, ce mandat peut s’appliquer sur les propres du mandant hors biens en communauté ; dans la séparation des biens, les biens ne tombant pas dans le régime de l’indivision sont concernés et dans le régime de participation aux acquêts, les propres sont également concernés.
Il s’agit en fait de distinguer propriété et gestion du bien. Le mandant dispose de la propriété du bien, mais lorsque l’administration ne peut être possible au moment présent, il peut donner mandat à son époux mandataire pour administrer ce bien. Il n’y a pas de transfert de propriété, mais seulement de gestion durant toute la durée du mandat.
L’article 1539 du Code civil évoque la possibilité du mandat entre époux :
« Si, pendant le mariage, l’un des époux confie à l’autre l’administration de ses biens personnels, les règles du mandat sont applicables. L’époux mandataire est, toutefois, dispensé de rendre compte des fruits, lorsque la procuration ne l’y oblige pas expressément ».
L’idée selon laquelle l’administration d’un bien ne peut être possible au moment présent est une estimation, mais dans cette disposition légale, aucune justification n’est donnée au mandat, ce qui fait qu’il peut être exercé librement. On remarque également une certaine libéralité donnée au conjoint mandataire, car, comme il est évoqué, lorsque la procuration ne le précise pas, il n’est pas obligé de rendre compte des fruits de la gestion du bien. Cela signifie qu’il pourrait percevoir les fruits du bien pour son propre compte sans communauté. Cela est le cas où une procuration en bonne et due forme a été signée par le mandant, mais il se pourrait que le mandat entre époux soit issu d’une gestion factuelle d’un bien sans opposition de l’autre époux. C’est un cas de figure évoqué dans l’article 1540 qui dispose que :
« Quand l’un des époux prend en main la gestion des biens de l’autre, au su de celui-ci, et néanmoins sans opposition de sa part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d’administration et de gérance, mais non les actes de disposition.
Cet époux répond de sa gestion envers l’autre comme un mandataire. Il n’est, cependant, comptable que des fruits existants ; pour ceux qu’il aurait négligé de percevoir ou consommés frauduleusement, il ne peut être recherché que dans la limite des cinq dernières années.
Si c’est au mépris d’une opposition constatée que l’un des époux s’est immiscé dans la gestion des biens de l’autre, il est responsable de toutes les suites de son immixtion, et comptable sans limitation de tous les fruits qu’il a perçus, négligé de percevoir ou consommés frauduleusement ».
Dans le cas de ce mandat tacite, le mandataire doit toutefois rendre des comptes sur les fruits existants. Il ne faudrait également pas que le mandat tacite ait été fait au mépris d’une opposition de l’autre époux.
B – Le cas des donations et ventes : une liberté plus expresse
Le cas des donations et ventes est une mise en avant de la volonté d’une des parties au contrat de mariage (1). Cette volonté ne peut néanmoins pas passer outre le régime de l’indivision lorsqu’il est appliqué au bien dont veut disposer l’intéressé (2).
1 — Mise en avant de la volonté d’une des parties
Dans le cas des donations et ventes, l’un des conjoints peut agir librement sur les biens qui lui sont propres. C’est une mise en avant de sa volonté propre. Il est toutefois constant que la propriété propre ou exclusive doit être prouvée en fonction du régime matrimonial et que le bien concerné ne soit pas frappé du régime de l’indivision.
2 — Le consentement conjoint nécessaire en cas d’indivision : enclenchement par la volonté de l’une des parties
En cas d’indivision, la disposition d’un bien traduite par la donation ou la vente nécessite le consentement des deux parties au contrat de mariage. Toutefois, l’enclenchement de la procédure sera engagé par la volonté de l’un des époux. Un partage en fonction de la valeur du bien sera alors fait et ce n’est que par la suite qu’une vente ou donation pourra être faite. Il pourrait aussi être convenu que l’époux ayant initié la demande de donation ou de vente emporte la totalité de la valeur du bien, tout dépendra en fait de la convenance des parties dans la gestion de leurs biens, le consentement sera toujours attendu, outre les dispositions légales.
Transition
Les dispositions légales, comme on a pu le voir plus tôt, semblent plus ou moins restrictives en ce qui concerne la gestion des biens des couples mariés. On a toutefois pu constater, toujours dans les limites légales, une certaine largesse d’action donnée aux époux dans le déroulement de leur vie matrimoniale. Qu’en est-il alors des couples non mariés et de leur droit de propriété ? C’est ce que nous verrons ci-après.
Chapitre 2 – Les couples non mariés : une manifestation concrète de la volonté
Nous évoquerons ici la précision légale des droits et obligations comme intérêt des conventions (section 1) et la séparation des biens : entre problématique et solutions (section 2).
Section 1 – La précision légale des droits et obligations comme intérêt des conventions
Nous parlerons ici de l’organisation de la gestion des biens (A) et de la définition concrète des obligations de chaque partie sur la gestion des biens (B).
A – Organisation de la gestion des biens
Elle sera évoquée par rapport à la convention de concubinage (1) et par rapport à la convention de Pacs (2).
1 — Par rapport à la convention de concubinage
L’existence d’une convention n’est pas une condition obligatoire du concubinage. C’est une situation plutôt retrouvée dans le Pacs avec le contrat de Pacs. Toutefois, sans rentrer dans ce système et rester dans le concubinage, une convention pourrait être établie entre les conjoints, même en l’absence d’obligation légale. C’est un cas de figure rare, mais nullement impossible. Dans tous les cas, l’absence d’inscription légale du concubinage peut se montrer problématique. En effet, il a été retenu que :
« Insouciance ou scepticisme… nombre de couples s’abstiennent d’inscrire leur relation amoureuse dans un cadre légal, nonobstant la possibilité d’un concubinage réglementé aujourd’hui largement plébiscité : le pacs. Et parce qu’ils ont souhaité rester hors de la sphère juridique le temps de leur union, les concubins doivent affronter sans bouclier les affres patrimoniales de leur rupture. Nœud gordien, la rupture du couple concubin se révèle en effet d’autant plus délicate à trancher qu’aucun régime matrimonial, ou même pacsimonial, ne peut lui être transposé pour gérer ses conséquences patrimoniales.
Certes les juges usent d’expédients puisés dans le droit commun des obligations, dans le droit des biens ou encore dans le droit des sociétés pour pallier cette protection juridique lacunaire. Mais leur appréhension rigoureuse rend l’issue bien souvent malheureuse pour le concubin abandonné »43.
Durant le déroulement de la vie commune, aucun problème de propriété ne sera alors éventuellement constaté. À la rupture, la situation devient plus difficile, surtout lorsqu’un des concubins se veut plus privilégié que l’autre, d’où cette idée de concubin abandonné.
2 — Par rapport à la convention de Pacs
Dans la convention ou plus précisément le contrat de Pacs, l’organisation de la vie commune doit être légalement précisée afin de lui donner une valeur juridique, c’est l’intérêt principal du contrat de Pacs. Le contrat de Pacs est principalement une manifestation de la convention de Pacs aménagée alors qu’une convention simple sera à la base d’une convention de Pacs simplifiée.
Le premier est évoqué comme suit :
« La convention est un contrat : les deux partenaires peuvent s’entendre pour aménager la version simplifiée du PACS. Ainsi, en alternative au régime de la séparation de biens, ils peuvent choisir celui de l’indivision. Dans ce cas, les biens acquis pendant le PACS sont indivis par moitié, quelle que soit la contribution des partenaires à l’acquisition. De même, les deux partenaires sont responsables du paiement des dettes générées pendant le PACS.
Il est alors recommandé d’introduire une convention d’indivision dans la convention de PACS. Elle permet d’anticiper le sort des biens en cas de séparation. Au final, elle place les partenaires dans une situation proche de celle des époux mariés sous celui de la communauté de biens réduite aux acquêts »44.
La mise en avant de l’indivision est alors la spécificité d’une convention de Pacs aménagée. La volonté des conjoints est de mise pour une application d’un tel système. Ils doivent faire le choix du régime de l’indivision qu’importe la valeur des apports de chacun.
La seconde est évoquée comme suit :
« Avec une convention de PACS simplifiée (formulaire 15726*02), le régime de la séparation de biens s’applique. Ainsi, les biens acquis avant et après la conclusion du PACS restent la propriété exclusive de chaque partenaire. La propriété des biens acquis ensemble par les deux partenaires est partagée à hauteur de la contribution financière de chacun »45.
Dans la convention simplifiée, l’indivision n’est pas de mise. Les conjoints choisissent alors un système de gestion des biens proche de la séparation des biens, mais avec partages des biens communs en fonction des contributions financières de chacun. C’est alors une autre manifestation de leur volonté.
B – Définition concrète des obligations de chaque partie sur la gestion des biens
L’inscription légale est nécessaire dans la gestion des biens des couples non mariés, car la simple volonté n’est pas suffisante (1), on parle alors de volonté conventionnelle. L’application de cette dernière ne doit toutefois pas passer outre les dispositions légales en vigueur (2).
1 — L’insuffisance de la simple volonté : nécessité d’une inscription légale
Dans les faits, la simple volonté de vivre en communauté ne suffit pas. Si la vie en communauté en soi ne pose pas de problèmes, la gestion des biens pourrait être plus problématique, d’où l’exigence d’un écrit afin de définir les droits et obligations de chaque partie. Pour le Pacs, l’obligation légale du contrat règle ce problème, ce qui n’est pas le cas du concubinage. Le concubinage est largement basé sur la volonté, une inscription légale est attendue dans les faits même si elle n’est pas obligatoire. Le cas échéant, l’incursion du juge sera nécessaire afin d’appliquer des dispositions à portée plus générale sur le droit de propriété lorsque la gestion des biens est en jeu.
2 — Les limites de la volonté conventionnelle : le souci de se conformer aux dispositions légales
La volonté conventionnelle est d’usage à travers la conclusion d’un contrat ou d’une convention générale entre les époux non mariés. Malgré cette liberté plus ou moins large, il est toujours nécessaire de se conformer aux dispositions légales. Un exemple de cette disposition légale à respecter est celui du respect du régime de l’indivision lorsque celui-ci est choisi par les conjoints pacsés. Cela signifie en outre que, malgré les libéralités données aux conjoints, ils ne peuvent plus remettre ce choix en question par la suite. En effet, aux termes de l’article 515-5-1 du Code civil :
« Les partenaires peuvent, dans la convention initiale ou dans une convention modificative, choisir de soumettre au régime de l’indivision les biens qu’ils acquièrent, ensemble ou séparément, à compter de l’enregistrement de ces conventions. Ces biens sont alors réputés indivis par moitié, sans recours de l’un des partenaires contre l’autre au titre d’une contribution inégale ».
Les contestations qui peuvent être faites sont alors relatives aux apports des conjoints qui peuvent être différents alors qu’ils peuvent jouir du bien à moitié. Mais comme il est évoqué dans cette disposition légale, cette contestation ne pourra pas perdurer.
Section 2 – La séparation des biens : entre problématique et solutions
Nous parlerons ici de la possibilité de partage à l’amiable (A) et de la création d’une entité juridique (B).
A – La possibilité de partage à l’amiable : manifestation d’une indivision
Dans le Pacs, lorsque l’union sera rompue, le partage des biens suivra les règles définies dans le contrat de Pacs, notamment en ce qui concerne l’indivision. Toutefois, l’application de ce contrat peut ne pas faire lorsque les conjoints en conviennent. Un partage à l’amiable, voire des transferts de propriété peuvent s’opérer en fonction de leur situation et des diverses considérations pouvant entrer en jeu.
En ce qui concerne le concubinage, le partage à l’amiable reste la règle de fait en l’absence de dispositions régissant le droit de propriété des concubins. Une manifestation de ce partage à l’amiable est le rachat de la part de l’autre. Un exemple évoqué à travers les lignes suivantes :
« Le plus souvent, en cas de séparation et pour éviter un partage judiciaire, l’un des concubins rachète la part de l’autre en lui versant une somme d’argent que l’on appelle “soulte”. Cette soulte est soumise aux droits de mutation à titre onéreux (5,09 %). Le droit de partage de 2,5 % est dû sur l’actif net après déduction de la soulte.
Lorsque le crédit n’est pas entièrement remboursé, celui qui rachète la part de son concubin devra le rembourser et il faudra obtenir une désolidarisation du prêt par la banque et en cas de refus, il faudra effectuer un rachat intégral du prêt en payant des pénalités de remboursement par anticipation et en contractant un nouvel emprunt immobilier pour le financement »46.
B – La création d’une entité juridique : mise hors de portée des biens
Les biens ayant un intérêt particulier pour les conjoints peuvent être mis hors de portée avec la création d’une entité juridique. Cette dernière peut revêtir la forme d’une société commerciale immobilière pour les immeubles (1), un contrat de société peut également être établi (2).
1 — Société commerciale immobilière pour les immeubles
La société commerciale immobilière ou SCI est définie de la manière suivante :
« Une société civile immobilière est une structure juridique constituée a minima de deux personnes, chacune ayant le statut d’associé, afin de gérer un ou plusieurs biens immobiliers. Le patrimoine immobilier est détenu par la société civile immobilière et chaque associé reçoit des parts sociales proportionnelles à son apport.
Comme toute société, la société civile immobilière dispose de statuts, régissant son fonctionnement. Rédiger les statuts permet notamment de définir les modalités de prise de décision, à l’unanimité ou à la majorité par exemple.
Par ailleurs, les associés d’une SCI désignent un gérant, qui aura comme fonction de prendre à sa charge la gestion courante du ou des biens immobiliers détenu(s) par la société, sans avoir à engager de formalités auprès des autres associés »47.
Avec cette structure, les biens dont disposent les conjoints non mariés sont alors mis dans le patrimoine de la SCI. Ils sont alors mis hors de portée du patrimoine de chaque conjoint. Dans ce cas de figure, les biens de la SCI seront alors gérés indépendamment du régime de vie en communauté du couple. Ainsi, même à la dissolution de la communauté, la SCI et ses intérêts pour les biens pourraient alors perdurer même après cette dissolution. L’existence de la SCI n’est alors pas liée au statut des conjoints, même s’ils sont les seuls concernés.
La gestion des biens des concubins est particulièrement intéressante en SCI. En effet, il a été retenu que :
« Longtemps ignoré du droit français, le concubinage fait aujourd’hui l’objet de plusieurs dispositions légales. Ce type d’union s’accompagne de droits. Créer une SCI entre concubins a plusieurs avantages. D’une part, il est important de noter qu’un couple vivant en concubinage est soumis au régime de l’indivision en cas d’acquisition d’un bien. Ainsi, il est dans l’intérêt de chaque partenaire d’échapper à cette règle en créant une SCI.
D’autre part, dans un concubinage, le risque d’être expulsé du domicile est élevé pour l’un des concubins, notamment en cas de décès de l’autre. Le survivant se retrouve en indivision avec les héritiers potentiels du défunt. La création d’une SCI permet d’éviter cette situation. En effet, la société rend possible la transmission d’un bien en faveur du survivant, tout en lui évitant de payer des droits de succession »48.
Le premier avantage pour les concubins est alors d’échapper au régime de l’indivision qui peut être problématique dans certaines situations. Le fait de s’affranchir des procédures successorales lorsque cela peut se manifester est également possible.
2 — L’option du contrat de société pour la gestion des biens
Le contrat de société est retenu comme suit :
« La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter.
Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l’acte de volonté d’une seule personne.
Les associés s’engagent à contribuer aux pertes »49.
Le même schéma que la SCI est retrouvé ici, sauf que le contrat de société se montre plus général, concerne tout type de bien et n’est pas limité aux immeubles. Les conjoints agissent alors comme des associés dans la gestion de leurs biens, le patrimoine de la société créée sera le plus mis en avant.
Pour jouir des avantages du contrat de société, il faut que cette dernière soit formalisée. En effet, une société de fait pourrait être créée lorsque les conjoints agissent comme des associés entre eux et à l’égard des tiers — c’est notamment le cas du concubinage50 — mais comme la Cour de cassation l’a précisé, cela ne peut se faire pour les concubins. Cela sera évoqué à travers les lignes suivantes :
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 20 janvier 2010, 08-13.200, publié au bulletin51
« LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l’article 1832 du Code civil ;
Attendu que l’existence d’une société créée de fait entre concubins, qui exige la réunion des éléments caractérisant tout contrat de société, nécessite l’existence d’apports, l’intention de collaborer sur un pied d’égalité à la réalisation d’un projet commun et l’intention de participer aux bénéfices ou aux économies ainsi qu’aux pertes éventuelles pouvant en résulter ; que ces éléments cumulatifs doivent être établis séparément et ne peuvent se déduire les uns des autres ;
Attendu que M. X… et Mme Y… ont vécu en concubinage et ont eu ensemble un enfant né en 1977 ; que le 13 novembre 1990, M. X… a acquis un terrain situé à Schœlcher ; qu’ils ont, en qualité de co-emprunteurs, souscrit un emprunt pour financer la construction d’un pavillon sur ce terrain ; que M X… a vendu ce bien en 1999 ; que le 12 octobre 1999, Mme Y…, invoquant l’existence d’une société créée de fait, a assigné M. X… en paiement de la moitié du produit de la vente du pavillon ;
Attendu que pour dire qu’il a existé une société de fait entre M. X… et Mme Y… et que celle-ci devait supporter la moitié des charges et recevoir la moitié des produits de la vente de la maison, l’arrêt retient que la construction a été financée par un emprunt de 756 000 francs souscrit par les concubins en qualité de co-emprunteurs, remboursé à concurrence de 4 379, 64 francs par mois par Mme Y… et 4 500 francs par mois par M. X… ; que ceux-ci, en prenant la décision d’effectuer un emprunt pour financer un projet commun de construction d’une maison ont témoigné d’une affectio societatis, leur but étant de partager une vie de famille stable puisqu’ils avaient un enfant commun ; qu’il n’est pas contesté que Mme Y… a assuré l’entretien et les charges de l’immeuble ainsi que les impôts et taxes et que ces éléments établissent la volonté des concubins de participer aux bénéfices et avantages tirés de la jouissance du bien et aux pertes ;
Qu’en se déterminant ainsi alors que l’intention de s’associer en vue d’une entreprise commune ne peut se déduire de la participation financière à la réalisation d’un projet immobilier et est distincte de la mise en commun d’intérêts inhérents au concubinage, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu entre les parties le 16 août 2007 et rectifié le 25 janvier 2008, par la cour d’appel de Fort-de-France ; remet en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant les renvoie devant la cour d’appel de Fort-de-France, autrement composée.
Condamne Mme Y… aux dépens ».
La société de fait ne peut alors être limitée aux apports effectués par les conjoints en concubinage5253, une réelle volonté doit être de mise, d’où la formalisation qui est attendue afin de parler de société.
Conclusion
En somme, on peut dire que le droit de propriété et le régime matrimonial sont fortement corrélés, on pourrait même dire que le droit de propriété est une partie intégrante du régime matrimonial au cœur de ce dernier. C’est une constatation à l’issue de la présente étude, mais la reconnaissance légale de leur corrélation est bel et bien de mise.
Que l’on soit face à un couple marié ou même à un couple non marié, la question du droit de propriété revient toujours au cœur des débats. En effet, la question d’une seule personne administrant, jouissant et disposant d’un bien n’est pas problématique, mais dès qu’une autre personne est impliquée directement ou indirectement, les interactions peuvent être problématiques. Une gestion commune factuelle des biens est présumée durant la communauté de vie présumée également comme paisible, mais dès que cette communauté connaît une dissolution, une partie qui se sentira lésée pourrait se prévaloir de droits sur certains biens. Généralement, ces droits porteront sur l’obtention d’une part (plus ou moins conséquente) d’un bien lors d’un partage, voire la totalité de ce bien ou le remboursement de frais relatifs à la contribution à la vie en communauté si l’autre partie est vue comme plus privilégiée par rapport à l’autre. La question du droit de propriété et ses composantes dans les rapports entre conjoints sont alors les plus importantes à l’issue de la dissolution de la communauté.
D’un point de vue social, il est attendu que le couple ne procède pas à cette dissolution, que l’on soit face à un couple marié ou à un couple non marié, il est attendu que la communauté de vie dure le plus longtemps possible. Seulement, au vu des aléas qui peuvent survenir durant la vie en communauté, cette attente est rarement réalisée. La durée de la vie en communauté tend à se raccourcir de plus en plus, ce qui fait qu’il doit être pensé au préalable à l’avenir des biens communs et biens propres empreints de la communauté de vie du couple.
Pour le législateur, la question des couples mariés est réglée avec l’obligation du choix du régime matrimonial avec le régime de la communauté légale si aucun choix n’est effectué. Chaque régime matrimonial appliqué aura des conséquences prédéfinies sur le droit de propriété des époux. Même le changement de régime matrimonial aura des conditions qu’il faudra respecter, car le droit de propriété est un élément en jeu dans les relations entre conjoints. Les spécificités des cas d’espèce nécessiteront l’implication du juge dans certains cas, mais en général, les règles sur le droit de propriété et les régimes matrimoniaux sont d’ores et déjà préétablis.
Le constat n’est pas totalement le même pour les couples non mariés sous le régime du Pacs ou du concubinage. Si l’un dispose au moins d’un contrat — manifestation de la volonté large des conjoints — pour la gestion de la vie commune, l’autre ne fait pas l’objet du même traitement juridique. La vie en communauté est alors présomptueusement paisible, mais ce manque de protection peut tendre à des conflits dans la gestion des biens en communauté, des conflits qui, s’ils ne sont pas réglés à l’amiable, nécessiteront l’incursion du juge afin de régler l’affaire.
Le choix donné aux couples non mariés — notamment avec le Pacs — d’établir un contrat pour régir leur vie en communauté semble être une opportunité pour les conjoints de délimiter et préciser leurs pouvoirs sur les biens concernés par leur vie commune. Cette opportunité est basée sur le fait que les droits et obligations de chaque partie seront régis en avance en fonction de leurs attentes, de leur consentement et des aménagements qui peuvent être faits. Ainsi, à la manière d’un contrat de mariage prédéfini légalement, le même système peut être appliqué, mais avec un champ d’application plus large.
Outre les dispositions légales régissant le droit de propriété, la volonté des conjoints reste largement prédominante qu’ils soient mariés ou non, les dispositions légales existent en tant que protection juridique, mais la volonté et le consentement restent très importants, spécialement pour les couples non mariés. S’affranchir des dispositions spécifiques sur le régime choisi est également possible pour l’administration, la jouissance et la disposition des biens comme on a pu le voir avec la création d’une SCI ou l’option du contrat de société. Ainsi, qu’importe ce qui est choisi par les conjoints ou le régime auquel ils sont soumis, le droit de propriété restera un élément qui ne peut être passé outre.
Le cas échéant, quelles pourraient alors être les conséquences ?
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Cour de cassation, Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 3 mars 2021, 19-19.000, Publié au bulletin, 3 mars 2021, 19-19.000, Publié au bulletin, disponible sur https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000043253019?init=true&page=1&query=19-19.000&searchField=ALL&tab_selection=all (Consulté le 6 juin 2022).
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23 juin 2021 – Cour de cassation, Première chambre civile – 19-21.784 | Dalloz, disponible sur https://www.dalloz.fr/documentation/Document?id=CASS_LIEUVIDE_2021-06-23_1921784#_ (Consulté le 6 juin 2022).
Table des matières
Partie 1 – La répartition légale entre pouvoirs et propriété 4
Chapitre 1 – Les couples mariés : une répartition des biens légalement impérative 4
Section 1 – Une répartition des biens liée au choix du régime matrimonial 4
A – La diversité de choix donnée aux époux 4
3 — Le régime de participation aux acquêts 7
B – Le choix du régime matrimonial en corrélation directe avec le droit de propriété des époux 8
1 — En situation paisible : gestion connue au préalable 8
2 — En situation de crise : gestion problématique 8
Section 2 – Le changement du régime matrimonial : une flexibilité donnée aux couples mariés 13
A – Le changement de régime matrimonial : les justifications éventuelles de ce choix 13
B – Les restrictions apportées à la possibilité de changement de régime matrimonial 14
Chapitre 2 – Les couples non mariés : une répartition des biens plus souple 16
Section 1 – Le non-mariage : une liaison reconnue légalement 16
A – Les cas de figure de liaison hors mariage reconnus par le législateur 16
B – Le droit de propriété : empreint de la flexibilité de la liaison 21
1 — En situation paisible : gestion souple des biens 21
2 — En situation de crise : gestion plus flexible et basée sur le consentement des parties 22
Section 2 – La séparation des biens : un principe de base 23
A – L’autonomie et l’indépendance dans la gestion des biens du couple 23
1 — La convention : témoignage du consentement des parties sur la gestion de leurs biens 23
2 — Le respect des termes convenus comme conséquence de cette convention 23
B – L’autonomie et de l’indépendance sujettes à complication 23
1 — La problématique de la propriété indivise 23
2 — Les cas où l’incursion du juge est nécessaire 24
Partie 2 – Le pouvoir de la volonté sur la répartition entre pouvoirs et propriété 33
Chapitre 1 – La volonté dans les interactions entre époux mariés 33
Section 1 – Le contrat de mariage : statique, mais flexible dans certains cas 33
A – La possibilité de clauses personnalisées 33
1 — Les clauses personnalisées 33
2 — Exemples de clauses pouvant être adoptées 33
B – Les limites de cette flexibilité : le souci de se conformer aux exigences légales 37
Section 2 – La manifestation de la volonté hors contrat de mariage 39
A – Les situations professionnelles 39
2 — Le mandat entre époux : séparation entre propriété et gestion du bien 41
B – Le cas des donations et ventes : une liberté plus expresse 42
1 — Mise en avant de la volonté d’une des parties 42
Chapitre 2 – Les couples non mariés : une manifestation concrète de la volonté 44
Section 1 – La précision légale des droits et obligations comme intérêt des conventions 44
A – Organisation de la gestion des biens 44
1 — Par rapport à la convention de concubinage 44
2 — Par rapport à la convention de Pacs 44
B – Définition concrète des obligations de chaque partie sur la gestion des biens 45
1 — L’insuffisance de la simple volonté : nécessité d’une inscription légale 45
2 — Les limites de la volonté conventionnelle : le souci de se conformer aux dispositions légales 46
Section 2 – La séparation des biens : entre problématique et solutions 47
A – La possibilité de partage à l’amiable : manifestation d’une indivision 47
B – La création d’une entité juridique : mise hors de portée des biens 47
1 — Société commerciale immobilière pour les immeubles 47
2 — L’option du contrat de société pour la gestion des biens 48
1 R. Scaboro, « Le droit de propriété, un droit absolument relatif », Droit et Ville, 2013, vol. 76, n° 2, pp. 237‑255.
2 Droit d’user de la chose
3 Droit de percevoir les fruits de la chose
4 Droit de disposer de la chose
5 Un changement de cette conception est présent dans l’article 143 du Code civil actuel où une union de deux personnes de même sexe est possible : « Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe ».
6 F. Héritier, « Quel sens donner aux notions de couple et de mariage ?à la lumière de l’anthropologie », Informations sociales, 2005, vol. 122, n° 2, pp. 6‑15.
7 W. Rault, « Entre droit et symbole. Les usages sociaux du pacte civil de solidarité », Revue française de sociologie, 2007, vol. 48, n° 3, pp. 555‑586.
8 P. Hilt et F. Granet-Lambrechts, « Chapitre 1er. Le concubinage », in Droit de la famille, 6e éd., Droit en +, FONTAINE, Presses universitaires de Grenoble, 2018, pp. 97‑106, disponible sur https://www.cairn.info/droit-de-la-famille–9782706129797-p-97.htm.
9 Quelques notions seront toutefois évoquées dans le développement de ce travail.
10 N. Frémeaux et M. Leturcq, « Individualisation du patrimoine au sein des couples : quels enjeux pour la fiscalité ? », Revue de l’OFCE, 2019, vol. 161, n° 1, pp. 145‑175.
11 Ibid.
12 Le fonctionnement de la gestion et des nuances peuvent être très complexes.
13 Article 1402
14 Exemple des vêtements et linges à usage personnel
15 Article 1405
16 Ces exceptions seront vues plus amplement ultérieurement dans ce travail.
17 Support définitif des dettes des époux, présentes et futures.
18 Chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement. La solidarité n’a pas lieu, néanmoins, pour des dépenses manifestement excessives, eu égard au train de vie du ménage, à l’utilité ou à l’inutilité de l’opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant. Elle n’a pas lieu non plus, s’ils n’ont été conclus du consentement des deux époux, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage.
19 I. Théry, « Mariage et régimes matrimoniaux », in Couple, Filiation et Parenté aujourd’hui, Hors collection, s.l., Odile Jacob, 1998, pp. 117‑119, disponible sur https://www.cairn.info/couple-filiation-et-parente-aujourd-hui–9782738106445-p-117.htm.
20 D. Fenouillet, Droit de la famille, Cours Dalloz, Paris, Dalloz, 2019., p. 143.
21 Article 1402 du Code civil
22 S. Gollac, « Le genre caché de la propriété dans la France contemporaine », Cahiers du Genre, 2017, vol. 62, n° 1, pp. 43‑59.
23 Cette notion sera étudiée plus amplement dans la deuxième partie.
24 Cour de cassation, Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 25 septembre 2013, 12-21.892, Publié au bulletin, 25 septembre 2013, 12-21.892, Publié au bulletin, p. 892, disponible sur https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000028001478/ (Consulté le 6 juin 2022).
25 Article 1569 du Code civil
26 service-public.fr, « Comment changer de régime matrimonial ? », 28 juillet 2021, disponible sur https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1535 (Consulté le 3 juin 2022).
27 Article 515-5-1 du Code civil
28 Article 515-5-2 du Code civil
29 « Union libre », s.d., disponible sur https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/N143 (Consulté le 2 juin 2022).
30 D. Fenouillet, Droit de la famille, op. cit., p. 255
31 L. Bernet-Rollande et D. Duke, « Chapitre 5. Le concubinage », in Pratique de la gestion de patrimoine, Fonctions de l’entreprise, Paris, Dunod, 2009, pp. 66‑71, disponible sur https://www.cairn.info/pratique-de-la-gestion-de-patrimoine–9782100530816-p-66.htm (Consulté le 4 juin 2022).
32 Cour de cassation, Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 3 octobre 2018, 17-13.113, Publié au bulletin, 3 octobre 2018, 17-13.113, Publié au bulletin, p. 113, disponible sur https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000037495396 (Consulté le 6 juin 2022).
33 L. Pierre-Brice (D), « Le PACS et le concubinage », in Guide pratique du droit de la famille et de l’enfant en action sociale et médico-sociale, Guides Santé Social, Paris, Dunod, 2011, pp. 157‑164, disponible sur https://www.cairn.info/guide-pratique-du-droit-de-la-famille–9782100544707-p-157.htm.
34 Cour de cassation, Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 27 janvier 2021, 19-26.140, Publié au bulletin, 27 janvier 2021, 19-26.140, Publié au bulletin, disponible sur https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000043106073?page=1&pageSize=10&query=19-26.140&searchField=ALL&searchType=ALL&sortValue=DATE_DESC&tab_selection=juri&typePagination=DEFAULT (Consulté le 4 juin 2022).
35 Article 515-4 du Code civil
36 Cour de cassation, Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 2 septembre 2020, 19-10.477, Publié au bulletin, 2 septembre 2020, 19-10.477, Publié au bulletin, disponible sur https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000042397730?isSuggest=true (Consulté le 4 juin 2022).
37 Même sans obligation légale, cela va de soi dans une vie commune.
38 En l’occurrence l’alinéa 3 qui dispose que : « Si le propriétaire du fonds préfère conserver la propriété des constructions, plantations et ouvrages, il doit, à son choix, rembourser au tiers, soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main-d’œuvre estimés à la date du remboursement, compte tenu de l’état dans lequel se trouvent lesdites constructions, plantations et ouvrages ».
39 Seul l’usus est retenu dans ce cas-ci, éventuellement le fructus, mais l’abusus n’appartient qu’à l’un des conjoints.
40 Cour de cassation, Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 3 mars 2021, 19-19.000, Publié au bulletin, 3 mars 2021, 19-19.000, Publié au bulletin, disponible sur https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000043253019?init=true&page=1&query=19-19.000&searchField=ALL&tab_selection=all (Consulté le 6 juin 2022).
41 23 juin 2021 – Cour de cassation, Première chambre civile – 19-21.784 | Dalloz, disponible sur https://www.dalloz.fr/documentation/Document?id=CASS_LIEUVIDE_2021-06-23_1921784#_ (Consulté le 6 juin 2022).
42 Cour de cassation, Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 18 décembre 2019, 18-26.337, Publié au bulletin, 18 décembre 2019, 18-26.337, Publié au bulletin, p. 337, disponible sur https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000039692120 (Consulté le 6 juin 2022).
43 La base Lextenso, « La rupture du concubinage et la société civile immobilière | La base Lextenso », Gazette du palais, septembre 2017, n° 29, disponible sur https://www.labase-lextenso.fr/gazette-du-palais/GPL303b5 (Consulté le 6 juin 2022).
44 Boursorama, « La convention de PACS simplifiée ou aménagée », Boursorama, 13 novembre 2019, disponible sur https://www.boursorama.com/patrimoine/fiches-pratiques/la-convention-de-pacs-simplifiee-ou-amenagee-8a2cf1bb915c67a11077419bdc7933a9 (Consulté le 7 juin 2022).
45 Ibid.
46 Linard Avocats, « Patrimoine – Séparation – Le patrimoine des couples non mariés Lille, Roubaix et Tourcoing (Nord – 59)| Linard Avocats », 2014, disponible sur https://linard-avocats.fr/patrimoine-separation/le-patrimoine-des-couples-non-maries (Consulté le 6 juin 2022).
47 Bercy Infos, « Société civile immobilière : comment ça marche ? », 22 décembre 2021, disponible sur https://www.economie.gouv.fr/particuliers/societe-civile-immobiliere-comment-faire (Consulté le 6 juin 2022).
48 S. Goldstein, « Monter une SCI en couple en 2022 – Guide complet », LegalPlace, 15 février 2019, disponible sur https://www.legalplace.fr/guides/monter-sci-couple/ (Consulté le 6 juin 2022).
49 Article 1832 du Code civil
50 S. Presse, « Quand y a-t-il une société de fait entre concubins ? », Les Echos Executives, 30 mars 2010, disponible sur https://business.lesechos.fr/entrepreneurs/impot/14378-quand-y-a-t-il-une-societe-de-fait-entre-concubins-26693.php#Xtor=AD-6000 (Consulté le 6 juin 2022).
51 Cour de cassation, Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 20 janvier 2010, 08-13.200, Publié au bulletin, 20 janvier 2010, 08-13.200, Publié au bulletin, disponible sur https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000021730497/ (Consulté le 6 juin 2022).
52 Ces apports sont généralement invoqués par les conjoints. Cela est compréhensible dans la mesure où rien de plus n’est attendu d’eux.
53 Les apports, l’intention de participer aux bénéfices et l’intention de collaborer sur un pied d’égalité sont des conditions cumulatives