Exemple de thèse d'exercice en Pharmacie

Les troubles dépressifs pharmacorésistants

Sommaire

Sommaire. 1

Introduction. 2

I.     Physiopathologie de la dépression pharmacorésistante. 7

1.    Théorie de l’inflammation. 8

2.    Dérégulation de l’axe hypothalamo-hypophysaire. 14

3.    Troubles bipolaires 17

4.    Dégénérescence neuronale. 19

II.    Traitements. 25

1.    Neuroleptiques 27

2.    Normothymiques 38

3.    Autres antiépileptiques 54

4.    Hormones thyroïdiennes. 59

III.      Pistes thérapeutiques. 65

Conclusion. 73

Bibliographie. 74

Introduction

En France, selon le baromètre santé de 2010 de l’Inpes, la prévalence de l’épisode dépressif caractérisé est de 7,5% sur une année chez la population de 15-85 ans [1].

Aux Etats-Unis, la prévalence sur une année du trouble dépressif caractérisé est approximativement de 7% [2].

A l’heure actuelle, il est estimé que 15% à 20% de la population a souffert, souffre et souffrira de trouble dépressif caractérisé au cours de son existence [3].

Le bureau régional de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour l’Europe définit la dépression comme « un trouble mental courant, caractérisé par la tristesse, la perte d’intérêt ou de plaisir, des sentiments de culpabilité ou de faible estime de soi, des troubles du sommeil ou de l’appétit, d’une sensation de fatigue et d’un manque de concentration » [4].

L’OMS propose une définition plus complète dans le CIM-10[1] de ce qui est qualifié d’ « épisodes dépressifs » :

« Dans les épisodes typiques de chacun des trois degrés de dépression : léger, moyen ou sévère, le sujet présente un abaissement de l’humeur, une réduction de l’énergie et une diminution de l’activité. Il existe une altération de la capacité à éprouver du plaisir, une perte d’intérêt, une diminution de l’aptitude à se concentrer, associées couramment à une fatigue importante, même après un effort minime. On observer habituellement des troubles du sommeil, et une diminution de l’appétit. Il existe presque toujours une diminution de l’estime de soi et, fréquemment, des idées de culpabilité ou de dévalorisation, même dans les formes légères. L’humeur dépressive ne varie guère d’un jour à l’autre ou selon les circonstances, et peut s’accompagner de symptômes dits « somatiques », par exemple d’une perte d’intérêt ou de plaisir, d’un réveil matinal précoce, plusieurs heures avant l’heure habituelle, d’une aggravation matinale de la dépression, d’un ralentissement psychomoteur important, d’une agitation, d’une perte d’appétit, d’une perte de poids et d’une perte de la libido. Le nombre et la sévérité des symptômes permettent de déterminer trois degrés de sévérité d’un épisode dépressif : léger, moyen et sévère » [5].

La dépression est aussi nommée sous le terme de « Trouble dépressif caractérisé » dans le DSM-V[2] qui en propose les critères diagnostiques suivants :

« A. Au moins cinq des symptômes suivants sont présents pendant une même période d’une durée d’au moins 2 semaines et représentent un changement par rapport au fonctionnement antérieur ; au moins un des symptômes est soit une humeur dépressive, soit une perte d’intérêt ou de plaisir.

  1. Humeur dépressive présente quasiment toute la journée, presque tous les jours, signalée par la personne[3], ou observée par les autres[4]. Cela peut éventuellement se présenter par une irritabilité chez l’enfant et l’adolescent.
  2. Diminution marquée de l’intérêt ou du plaisir pour toutes ou presque toutes les activités quasiment toute la journée, presque tous les jours.
  3. Perte ou gain de poids significatif en l’absence de régime[5] ou diminution ou augmentation de l’appétit presque tous les jours. Chez l’enfant, on prendra en compte l’absence de prise de poids attendue.
  4. Insomnie ou hypersomnie presque tous les jours.
  5. Agitation ou ralentissement psychomoteur presque tous les jours, constaté par les autres et non limité à un sentiment subjectif.
  6. Fatigue ou perte d’énergie presque tous les jours.
  7. Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée, qui peut être délirante, presque tous les jours, sans que cela se limite à un reproche ou à de la culpabilité d’être malade.
  8. Diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer ou indécision, presque tous les jours.
  9. Pensées de mort récurrentes non limitées à une peur de mourir, idées suicidaires récurrentes sans plan précis, tentative de suicide ou plan précis pour se suicider.
  • Les symptômes induisent une détresse cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants.
  • L’épisode n’est pas imputable aux effets physiologiques d’une substance ou à une autre affection médicale.
  • La survenue de l’épisode dépressif caractérisé n’est pas mieux expliquée par un trouble schizoaffectif, une schizophrénie, un trouble schizophréniforme, un trouble délirant ou d’autres troubles spécifiés ou non spécifiés du spectre de la schizophrénie, ou d’autres troubles psychotiques.
  • Il n’y a jamais eu auparavant d’épisode maniaque ou hypomaniaque[6] » [2].

En plus des critères diagnostiques apportés par le DSM-V, plusieurs échelles permettent de déterminer la sévérité du trouble dépressif caractérisé. Ces dernières sont notamment largement employées dans les études cliniques où elles rendent possible le suivi de l’évolution de la pathologie.

Les échelles les plus utilisées en recherche sont :

  • La MADRS : Montgomery & Asberg Depression Rating Scale [6]. Cette échelle utilise 10 questions auxquelles un nombre de points est attribué selon la réponse. Il est considéré qu’un résultat supérieur à 15 sur 60 caractérise une dépression tandis qu’un score supérieur à 30 sur 60 est le signe d’une dépression grave.
  • L’échelle de dépression de Hamilton [7] : le test est constitué de 17 à 29 questions selon les versions et permet également de déterminer la sévérité d’une dépression. Certaines versions permettent également de déterminer si le trouble dépressif présente des composantes psychotiques associées.
  • Le BDI : Beck Depression Inventory [8] dont il existe trois versions, mais qui est régulièrement critiqué car jugé incomplet : les questions ne prennent en effet pas en compte l’intégralité des critères présents dans le DSM, même dans la version la plus récente.

Ces échelles permettent de quantifier un trouble qui ne l’est pas réellement et servent donc de base dans la recherche clinique sur la dépression ; il serait en effet difficile de comparer deux traitements sans pouvoir les évaluer de manière chiffrée.

Il n’existe pas de cause unique à la dépression. Cependant, il est noté qu’il existe plusieurs facteurs prédisposants : biologiques, psychologiques et environnementaux.  Bien que la théorie d’une origine génétique à la dépression ait été largement étudiée, aucun gène n’a jamais été formellement incriminé dans le trouble dépressif caractérisé ; il est plutôt observé un ensemble de gènes qui pourrait chacun augmenter la susceptibilité de développer une dépression [9].

L’un des risques majeurs de la dépression est évidemment celui du suicide. Il est considéré que 70% des personnes victimes de suicide présentaient des symptômes dépressifs au cours de la période précédant le décès.

En France métropolitaine, en 2014, 8 885 décès par suicide ont été enregistrés, soit près de 24 décès par jour. « En faisant l’hypothèse d’une sous-estimation de 10 %, on compterait après correction près de 9773 décès[7] » [10].

Les patients souffrant de dépression ont également un risque accru de développer des addictions, notamment à l’alcool ou au tabac, avec toutes les complications cardio-vasculaires que cela implique.

Des traitements du trouble dépressif caractérisé sont disponibles : il existe ainsi plusieurs classes d’antidépresseurs et il arrive que le patient ne réponde pas au premier antidépresseur testé. Il s’agit d’une situation fréquente. Le praticien tentera alors un autre antidépresseur, souvent d’une autre classe. Mais il arrive que le patient ne réponde à aucun des antidépresseurs utilisés sur lui : il convient alors de parler de dépression pharmacorésistante.   

Mais d’abord, face à une dépression qui ne répond pas aux traitements classiques, la première question qui devrait être posée est celle du diagnostic : la dépression est-elle explicable par une autre affection médicale que l’on n’aurait pas encore détectée ?

De nombreuses pathologies peuvent être à l’origine d’une dépression : des troubles hormonaux comme l’hypothyroïdie, l’hyperthyroïdie ou le syndrome de Cushing par exemple ; des maladies ou lésions neurologiques telles que la maladie de Parkinson, la maladie de Huntington, la maladie d’Alzheimer ou encore l’épilepsie ; des maladies auto-immunes ; des cancers ou des tumeurs cérébrales.

Il se peut aussi que le diagnostic de dépression soit erroné : d’autres pathologies psychiatriques ont pour symptôme la dépression, notamment le trouble bipolaire, pathologie dans laquelle le patient alterne entre des états dépressifs et des états maniaques : il arrive que dans certains cas, la phase maniaque soit peu marquée, il s’agit alors d’hypomanie. Or l’hypomanie est parfois difficile à détecter : les symptômes sont souvent de l’agitation, un raccourcissement du temps de sommeil, des troubles de l’attention et une tendance à l’hyperactivité. Cette situation peut donc facilement induire à la confusion de cet état avec un état normal : il est simplement possible de penser que le patient est dynamique. Le souci dans ce genre de cas est qu’un prochain épisode dépressif suivra inéluctablement : il est alors jugé que l’antidépresseur n’est plus ou pas assez efficace et à terme, ces récurrences d’épisodes dépressifs pourraient être associés à une résistance aux antidépresseurs, ce qui constitue une barrière dans le traitement le trouble bipolaire à l’origine de ces épisodes par un traitement normothymique. C’est d’ailleurs l’un des traitements préconisés en cas de dépression dite pharmacorésistante (11].

Il est actuellement complexe de s’accorder sur une définition exacte de la dépression pharmacorésistante. La définition la plus communément admise dans les études cliniques est qu’il s’agirait d’une dépression pour laquelle au moins deux traitements pharmacologiques, bien conduits en terme de dose et de durée, n’ont pas permis un rétablissement complet du patient [12].

Mais cette définition comporte de nombreuses failles. D’abord parce qu’il n’y a pas d’accord sur la nature des traitements : doivent-ils nécessairement être de classes différentes ? Ensuite, il est également difficile de parvenir à un accord sur les doses et durées de traitement qui permettrait d’affirmer que le traitement a été « bien conduit ». Et enfin, parce que la notion même de dépression pharmacorésistante est discutée : elle ne prend en compte que la thérapie médicamenteuse de la dépression et exclut un point important qui peut entrer en compte dans le rétablissement du patient, à savoir la psychothérapie. Peut-être que les prochaines révisions du DSM se pencheront sur cette question pour y apporter une réponse. L’idéal serait qu’elle permettrait au moins de mettre toute la communauté scientifique sur une définition commune.

Dans les études, il est souvent considéré qu’une dépression est résistante à partir du moment où deux traitements antidépresseurs n’ont pas permis une guérison totale de l’épisode dépressif alors qu’ils ont été bien suivis.

En pratique, c’est bien différent et il revient à chaque praticien de juger de la résistance ou non aux traitements, et il n’est pas rare que ces professionnels testent bien plus de deux antidépresseurs avant de se poser la question d’une éventuelle résistance.

En ce qui nous concerne, nous fixerons la limite à deux traitements antidépresseurs, ce qui est le plus communément admis dans les études.

I.               Physiopathologie de la dépression pharmacorésistante

La dépression non traitée a des conséquences économiques, sociales, physiques et psychologiques importantes. Plusieurs facteurs contribuent au fardeau économique de la dépression, notamment la prévalence de la maladie, le taux de traitement, le taux et le degré de déficience. Les patients souffrant de dépression présentent également une morbidité et une mortalité accrues, y compris des taux plus élevés de décès prématurés liés aux maladies cardiovasculaires et à l’infarctus du myocarde. De plus, une part non négligeable des personnes diagnostiquées avec une dépression majeure peut être amenée à se suicider [13].

Les patients dont le trouble dépressif ne répond pas de manière satisfaisante à un traitement adéquat ont clairement une dépression plus difficile à traiter, généralement appelée dépression pharmacorésistante.

Il est clair que de nombreuses personnes souffrant de dépression sont peu susceptibles de répondre à la plupart des traitements qui leur sont proposés. Un certain nombre de questions demeurent :

  • Pourquoi la résistance se produit-elle ?
  • Est-ce parce que certains patients ont un mécanisme physiopathologique différent de ceux qui présentent une forme de dépression « répondant au traitement » ?

1.     Théorie de l’inflammation

L’inflammation constitue un facteur important concernant les troubles dépressifs pharmacorésistants. En effet, il est généralement admis que la majorité des patients dépressifs résistant au traitement présente une augmentation des marqueurs de l’inflammation, et les facteurs cliniques liés à la résistance au traitement sont associés à l’inflammation. Cette situation se justifie par le fait que les cytokines inflammatoires, qui sont des médiateurs critiques de la réponse inflammatoire, sont considérés comme étant en mesure de contourner de nombreux mécanismes d’action des antidépresseurs conventionnels [14].

L’inflammation chronique peut entrainer des dommages importants à plusieurs niveaux des systèmes organiques, y compris le cerveau.             L’inflammation représente un mécanisme commun dans différentes pathologies telles que le diabète, les maladies cardiovasculaires et le cancer [15]. Ceci étant, la contribution de l’inflammation dans la dépression pharmacorésistante n’a été identifiée que récemment [16]. Cette découverte met alors en avant la théorie selon laquelle les troubles dépressifs pharmacorésistants pourraient être associés à une inflammation accrue.

Il apparait de ce fait comme opportun d’identifier la relation entre l’inflammation, l’état dépressif et la réponse au traitement.

Les patients souffrant de pathologies sont connus comme présentant une inflammation accrue secondaire à une infection et des dommages et destruction tissulaires qui peuvent activer la réponse inflammatoire. La résistance au traitement peut être en partie fonction de l’activation des voies inflammatoires. Dans ce contexte, un certain nombre de facteurs cliniques ont été associés à la dépression pharmacorésistante, notamment l’obésité, la maltraitance infantile, les troubles anxieux, les troubles de la personnalité / névrosisme, le trouble bipolaire et les comorbidités médicales. Une relation dose-réponse semble exister entre la gravité ou le degré de comorbidité médicale et la résistance au traitement. Pour chaque système d’organe affecté par la pathologie, la probabilité de réponse à un traitement antidépresseur diminue d’environ 20% [15].

Une relation dose-réponse est donc relevé entre l’indice de masse corporelle (IMC) et un certain nombre de marqueurs inflammatoires. Il existe également divers médiateurs inflammatoires qui sont libérés par les cellules adipeuses, y compris le facteur de nécrose tumorale des cytokines inflammatoires (TNF) -α et l’interleukine (IL) -6, ainsi que la protéine chimioattractive monocyte chimiokine-1, qui constitue un puissant attractif pour les macrophages qui s’accumulent dans les tissus adipeux et soutiennent les réponses inflammatoires [17].

Par ailleurs, de multiples facteurs liés au mode de vie, environnementaux, psychiatriques et médicaux contribuent et sont fonction d’un milieu inflammatoire associé à une augmentation des cytokines inflammatoires, ce qui peut réduire la disponibilité des monoamines, inhiber la neurogenèse et augmenter le glutamate. Les antidépresseurs conventionnels agissent sur les voies de la monoamine pour augmenter la disponibilité de la monoamine et nécessitent une neurogenèse pour être efficaces. De plus, le glutamate n’est pas une cible principale du traitement antidépresseur conventionnel. Les effets des cytokines sur ces processus biologiques conspirent ainsi à contourner le mécanisme d’action des antidépresseurs conventionnels, conduisant à des troubles dépressifs pharmacorésistants [18].

Une étude a permis de relever que certains patients atteints de troubles dépressifs présentent une augmentation des biomarqueurs de l’inflammation, y compris une augmentation des cytokines inflammatoires dans le sang périphérique et le cerveau (liquide céphalo-rachidien) ainsi qu’une augmentation des protéines de phase aiguë du sang périphérique, des chimiokines et des molécules d’adhésion. Une augmentation des concentrations de TNF-α et d’IL-6 dans le sang périphérique a été identifiée comme faisant partie des biomarqueurs inflammatoires les plus fiables de la dépression [19].

Des études ont pareillement permis de constater qu’une augmentation des marqueurs inflammatoires peut avoir une relation directe avec la dépression pharmacorésistante. Non seulement les patients atteints d’une telle pathologie sont plus susceptibles de présenter des niveaux élevés de marqueurs inflammatoires, mais des niveaux élevés de marqueurs inflammatoires avant le traitement sont aussi associés à une probabilité de réponse plus faible [19-20].

Compte tenu de l’identification d’une association entre les troubles dépressifs pharmacorésistants et l’inflammation, il apparait comme nécessaire de s’intéresser aux voies neurobiologiques par lesquelles les cytokines influencent le comportement, et la façon dont ces voies interviennent dans les mécanismes d’action des traitements antidépresseurs. Dans ce contexte, quatre voies ont été identifiées.

Premièrement, les cytokines ont une influence sur le métabolisme des neurotransmetteurs. En effet, le blocage des pompes de recapture des neurotransmetteurs monoamines (dont la dopamine, la sérotonine et la noradrénaline) constitue l’un des principaux mécanismes permettant aux antidépresseurs d’agir. Un blocage au niveau de la recapture entraine une augmentation de la disponibilité synaptique des neurotransmetteurs monoamines, favorisant la réponse antidépressive. Les cytokines ont un impact sur l’expression et la fonction des pompes de recapture des monoamines d’une part, et sur la disponibilité fondamentale des neurotransmetteurs d’autre part, et ce, grâce à des effets sur la synthèse des monoamines [18, 21].

Concernant la relation entre les ytokines et la recapture de la monoamine, il a été relevé que grâce à l’activation de la protéine kinase p38 activée par un mitogène (MAPK) chez les animaux, les résultats d’une étude mettent en évidence que le TNF-α et l’IL-1 augmentent l’expression et la fonction du transporteur de la sérotonine, ce qui entraine une augmentation de la recapture de la sérotonine in vitro et in vivo [22]. En examinant le cas du transporteur de noradrénaline, des résultats similaires ont été observés. Par ailleurs, l’activation des voies MAPK favorise l’augmentation de l’expression de surface ainsi que la fonction du transporteur de dopamine, ce qui met en exergue le fait qu’en agissant à travers leurs voies de signalisation, les cytokines augmentent l’expression et la fonction des transporteurs inhibés par les antidépresseurs conventionnels, ce qui empêche leur efficacité [21].

Les cytokines contribuent à la synthèse de monoamine. En activant l’enzyme indoleamine 2,3 dioxygénase (IDO), un certain nombre de cytokines inflammatoires peuvent augmenter la conversion du tryptophane, le principal précurseur d’acide aminé de la sérotonine, en kynurénine (KYN), entrainent une diminution de la disponibilité du tryptophane pour la synthèse de la sérotonine [23]. Dans le cadre d’une étude, l’IDO a été activée chez des patients atteints de maladies infectieuses ou de cancer ayant ont reçu l’interféron cytokine inflammatoire (IFN) -α. Chez ces patients, le tryptophane a diminué et le KYN a augmenté. Ce phénomène a été associé à une dépression induite par l’IFN. En fonction de la la dose, l’IFN-α implique une dépression pouvant atteindre la moitié des patients [24]. Des concentrations plasmatiques accrues de KYN ont également été observées chez des personnes déprimées médicalement saines [18].

Les cytokines peuvent également influencer la synthèse des neurotransmetteurs à travers l’induction d’un stress oxydatif, pouvant entrainer l’épuisement de la tétrahydrobioptérine (BH4). Cette dernière constitue un cofacteur enzymatique essentiel pour convertir la phénylalanine en tyrosine par la phénylalanine hydroxylase, et ensuite convertir la tyrosine en dopamine par la tyrosine hydroxylase. La BH4 est aussi indispensable pour convertir le tryptophane en sérotonine par la tryptophane hydroxylase. La BH4 est très sensible au stress oxydatif et peut être convertie de manière irréversible en un métabolite inactif lors de fortes concentrations d’espèces réactives d’azote ou d’oxygène [21].

Ainsi, grâce à l’activation de l’inflammation, les cytokines peuvent modifier la disponibilité de la BH4 et ainsi réduire l’efficacité du mécanisme enzymatique nécessaire à la synthèse des monoamines.

Deuxièmement, les cytokines ont une influence sur la neurogenèse. Or, cette dernière est indispensable pour certains effets antidépresseurs. Les cytokines ont la possibilité d’inhiber la neurogenèse, et fournissent par conséquent une deuxième voie majeure réduisant l’efficacité des antidépresseurs [25].

L’administration de cytokines inflammatoires et d’inducteurs de cytokines peut réduire la prolifération de nouveaux neurones, en particulier telle que mesurée dans l’hippocampe. La recherche sur des animaux de laboratoire exposés à un stress chronique a pareillement démontré que les augmentations induites par le stress des cytokines inflammatoires dans le cerveau sont associées à une diminution de la neurogenèse et à un comportement dépressif [25].

Troisièmement, les cytokines ont une influence sur le glutamate. A la vue de l’importance du glutamate dans la plasticité neurale et la neurotransmission excitatrice, son rôle dans les troubles affectifs, et plus particulièrement dans la dépression pharmacorésistante est de plus en plus reconnue [26].

Les réponses thérapeutiques positives des patients atteints de troubles dépressifs pharmacorésistants à l’antagoniste des récepteurs du glutamate N-méthyl-d-aspartate (NMDA) kétamine soulignent la promesse thérapeutique des antagonistes du glutamate dans la dépression majeure. Bien que les antidépresseurs conventionnels se soient avérés avoir des effets sur les récepteurs du glutamate et inhiber la libération de glutamate induite par le stress chez les animaux de laboratoire, il n’est pas encore défini dans quelle mesure ils sont primaires ou secondaires aux effets de ces médicaments sur la neurotransmission de la monoamine [26].

Les cytokines inflammatoires peuvent diminuer la recapture du glutamate et l’expression du transporteur du glutamate dans les éléments gliaux, notamment les astrocytes et la microglie. L’induction d’espèces réactives de l’azote et de l’oxygène représente un mécanisme permettant de remédier à ces effets. Il convient de rappeler que ces espèces affectent la recapture du glutamate dans les astrocytes. Il a été relevé que l’induction de cytokines inflammatoires de l’oxyde nitrique stimule la libération de glutamate par les astrocytes, un effet qui est inversé par l’inhibition de l’oxyde nitrique synthase inductible [26].

La libération de glutamate par les astrocytes qui ont accès aux récepteurs NMDA extrasynaptiques peut avoir des conséquences particulièrement néfastes, car l’activation des récepteurs NMDA extrasynaptiques par rapport aux récepteurs synaptiques diminue l’expression du facteur neurotrophique dérivé du cerveau et augmente la mort cellulaire [27].

L’induction de cytokines inflammatoires de l’enzyme IDO peut pareillement contribuer à l’excitotoxicité glutamatergique. L’IDO implique la conversion du tryptophane en KYN, qui, à son tour, peut accéder au cerveau et être converti en acide quinolinique (QA) dans la microglie et les macrophages qui s’infiltrent dans le cerveau au cours des processus inflammatoires. Par rapport à la neurotransmission du glutamate, QA peut se lier directement aux récepteurs NMDA et par conséquent contribuer à l’activité excitotoxique. De plus, QA inhibe la recapture du glutamate et stimule la libération de glutamate par les astrocytes [25].

QA est également un puissant inducteur de stress oxydatif. De pertinence pour la dépression, des concentrations élevées de QA dans le liquide céphalo-rachidien ont été corrélées avec la dépression et les marqueurs inflammatoires chez les patients traités par IFN-α [28].

Une augmentation de l’immunoréactivité microgliale de QA a également été trouvée dans les régions sous-génétiques et midcingulate du cortex cingulaire antérieur (CCA) dans des échantillons de cerveau post-mortem de patients souffrant de dépression [28].

Quatrièmement, une autre voie par laquelle les cytokines peuvent influencer le cerveau, conduisant à une dépression pharmacorésistante, est par les effets sur des circuits neuronaux spécifiques qui ont été associés à la réponse au traitement. L’administration de cytokines ou d’inducteurs de cytokines interagit avec le CCA dorsale (CCAd) et le CCA sous-génomique (CCAs), qui ont toutes deux été associées directement ou indirectement à la pharmacorésistance. Pour illustration, l’administration d’IFN-α à des patients atteints d’hépatite C et l’exposition de personnes en bonne santé à la vaccination contre la typhoïde ont été montrées par l’imagerie par résonance magnétique (IRM) fonctionnelle pour augmenter l’activation du CCAd [21].

Le CCAd représente une région cérébrale clé dans la surveillance des conflits et la détection des erreurs ainsi que dans l’excitation émotionnelle. Il a été décrit comme un « système d’alarme neuronale », étant donné sa capacité à détecter et à répondre à une variété de stimuli, y compris des stimuli émotionnels tels que le rejet social. Une activation accrue du CCAd a été observée dans une variété de troubles et de styles de personnalité qui ont été associés à la dépression pharmacorésistante, y compris l’anxiété de caractère élevé, le trouble obsessionnel compulsif et le névrosisme [21, 29].

En outre, l’exposition de personnes en bonne santé à la vaccination contre la typhoïde active le CCAs en association avec une détérioration de l’humeur. Le CCAs a été considérée comme une région cérébrale clé dans la régulation et le traitement des émotions, et des réductions de l’activité CCAs ont été associées à la réponse au traitement à la fois aux antidépresseurs conventionnels et à la thérapie cognitivo-comportementale [21].

Ainsi, les cytokines semblent interagir et activer deux circuits neuronaux CCA distincts qui sont liés à la réponse au traitement.

2.     Dérégulation de l’axe hypothalamo-hypophysaire

Des altérations structurelles et fonctionnelles du cerveau ont été observées lors des troubles de l’humeur dans un réseau de systèmes liés au stress, tels que les noyaux du tronc cérébral, le locus cœruleus et les noyaux du raphé, qui constituent les premières stations relais pour de nombreux facteurs de stress physiologiques. L’amygdale traite les réponses de peur et d’anxiété, tandis que l’hippocampe sert de médiateur à l’apprentissage et à la mémoire. Le cortex préfrontal, qui non seulement détient les fonctions cognitives et exécutives, mais régule également l’axe du stress [30].

Dans le cadre de l’étude de l’implication de ce réseau de systèmes dans la dépression pharmacorésistante, l’axe hypothalamo-hypophysaire est considéré plus particulièrement du fait de son interaction intensive avec d’autres systèmes neuropeptidiques liés au stress dans la dépression [31].

Les modifications de la neuropathologie moléculaire de l’hypothalamus, c’est-à-dire les altérations des neurotransmetteurs et des neuromodulateurs, sont dues à une multitude de causes génétiques et développementales différentes, qui entrainent des modifications du réseau lié au stress et aux récompenses. Ces changements peuvent, de différentes manières, exposer les individus à un risque de trouble de l’humeur. En cas de survenue d’événements environnementaux stressants, ils peuvent réagir de manière excessive et développer une dépression [30]. La dérégulation de l’axe hypothalamo-hypophysaire, et plus particulièrement de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalienne (HHS) constitue de ce fait une physiopathologie de la dépression pharmacorésistante.

L’axe HHS a été impliqué pour la première fois dans l’étude de la dépression dans les années 1930. Dès lors, il a été admis que l’activation à long terme du système de stress peut avoir des effets nocifs, voire mortels, et augmente le risque de dépression [30].

Des anomalies du « système de stress » ont été identifiées dans les troubles de l’humeur impliquant divers systèmes liés au stress. Le réseau neuronal qui crypte et évalue l’événement stressant comprend essentiellement l’axe HHS, le système arginine vasopressine (AVP) et le système noradrénergique. Ces derniers représentent les mêmes circuits cérébraux qui, en cas d’hyperactivité, favorisent les émotions et les humeurs négatives. La dépression chronique résulte ainsi de l’interaction des gènes de vulnérabilité et des facteurs développementaux et environnementaux [30].

En cas d’activation de l’axe HHS, une stimulation de la synthèse ainsi qu’une libération de cortisol se produisent. Ce mécanisme entraine d’importants effets biologiques au niveau de l’ensemble du corps. Bien que ces effets soient adaptatifs, ils peuvent provoqués des dommages lorsqu’ils sont élevés et chroniques. Il est suggéré que la sécrétion de cortisol élevée et chronique dans la dépression est responsable du dysfonctionnement mitochondrial, des changements neuropathologiques, le l’augmentation de la température, de l’ostéoporose, du vieillissement, ainsi que d’autres pathologies dont présentent les patients qui souffrent de troubles de l’humeur [32].

Le cortisol exerce une rétroaction négative au niveau pituitaire et hypothalamique tout en agissant sur d’autres zones cérébrales telles que l’hippocampe via deux types de récepteurs, notamment le récepteur des minéralocorticoïdes et le récepteur des glucocorticoïdes, afin d’inhiber les réponses au stress une fois la menace passée. La fin de la réponse au stress est aussi importante que son déclenchement, car le cortisol superflu peut provoquer une large dérégulation endocrinienne [33].

Ainsi, l’axe HHS peut être activé en permanence par des facteurs génétiques ou environnementaux et rendre les personnes vulnérables au stress environnemental.

L’interaction entre l’axe HHS, les neurotransmetteurs et les neuromodulateurs impliquent différents éléments. Les premiers sont les monoamines. L’axe HHS est innervé et régulé par un grand nombre de neurotransmetteurs et de neuropeptides qui mettent en évidences des altérations des troubles de l’humeur. L’effort porté sur les systèmes monoaminergiques cérébraux, qui contiennent de la sérotonine, de la noradrénaline et de la dopamine, a contribué de manière significative aux connaissances sur la physiopathologie et le traitement de dépression. En outre, l’accent mis sur les amines a permis de développer un nombre croissant d’antidépresseurs, y compris les antidépresseurs tricycliques, les inhibiteurs de la monoamine oxydase, les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine et les antagonistes des récepteurs de la monoamine [34].

Le stress active non seulement l’axe HHS, mais également l’activité neuronale 5-HT (5-hydroxytryptamine) tout en augmentant les niveaux extracellulaires de 5-HT dans le noyau du raphé dorsal. L’administration de ligands des récepteurs 5-HT permet d’augmenter les taux plasmatiques de cortisol [33-34].

Le lien entre la noradrénaline et l’axe HHS a également été largement rapporté pendant les réponses au stress et dans la dépression. De plus, la sensibilité des récepteurs adrénergiques est modifiée par le taux de glucocorticoïdes. Dans des circonstances normales, les systèmes noradrénergiques peuvent influencer l’amplitude de la réponse de l’axe HHS au stress et à la dépression [35].

Les neurotransmetteurs d’acides aminés sont également présumés jouer un rôle important dans la pathogenèse de la dépression. Le glutamate et le GABA (acide γ-aminobutyrique) sont, respectivement, les principaux neurotransmetteurs excitateurs et inhibiteurs du système nerveux central. Contrairement aux émetteurs de monoamine qui occupent environ 5% des synapses totales du cerveau, le glutamate et le GABA représentent au moins 50% des synapses. Il existe ainsi deux mécanismes inhibiteurs majeurs qui servent à contraindre l’activité basale et induite par le stress de l’axe HHS [30] :

  • La rétroaction corticostéroïde ; et
  • L’inhibition du noyau paraventriculaire (PVN) par le neurotransmetteur GABA, les deux fonctionnent ensemble et s’influencent mutuellement.

Ensuite, il a été suggéré que les neuropeptides, notamment la corticoréline (CRH), l’arginine vasopressine (AVP) et l’ocytocine (OXT) ne jouent pas seulement un rôle important dans l’intégration des fonctions cérébrales endocriniennes, autonomes et supérieures, mais contribuent également aux symptômes de la dépression [30,36].

Une quantité importante de neurones à CRH, de neurones à CRH co-exprimant l’AVP et d’ARNm de CRH dans le PVN ont été identifié dans le cerveau post-mortem de sujets ayant souffert de troubles de l’humeur, indépendamment du fait qu’ils meurent au cours d’un état dépressif ou non [37]. Les neurones parvocellulaires du PVN sécrètent à la fois du CRH et de l’AVP, sous forme de neurohormones dans l’éminence médiane dans les veines portes, qui les transportent vers le lobe antérieur de l’hypophyse. L’AVP potentialise fortement l’activité de libération d’adrénocorticotrophine (ACTH) et, éventuellement, la production de corticostéroïdes à partir de la glande surrénale [30]. Ainsi, il existe une interaction étroite entre l’activité de l’axe HHS, le CRH et l’AVP.

Outre le rôle de l’AVP dans la régulation de l’osmolalité, de la pression artérielle, et de la sécrétion de corticostéroïdes, les fibres vasopressinergiques de projection centrale sont impliquées dans la réponse au stress, la cognition, l’attachement social et l’émotivité. De plus, dans la dépression et le suicide, l’AVP immunoréactive est en quantité importante dans le cortex préfrontal dorsomédial et en faible quantité dans le complexe vagal dorsal [36].

Contrairement à l’AVP, l’OXT inhibe la sécrétion d’ACTH et de glucocorticoïdes. Les principaux effets de l’OXT comprennent les comportements socio-affectifs, l’atténuation de la peur et de la réponse au stress, et la modulation des symptômes de troubles psychiatriques tels que la dépression et le trouble bipolaire [30,36].  

Tous ces éléments supposent alors qu’une dérégulation au niveau de l’axe hypothalamo-hypophysaire peut entrainer une dépression pharmacorésistante.

Pour synthétiser, les patients souffrant de dépression présentent des niveaux élevés de cortisol, l’hormone du stress. Les patients atteints du syndrome de Cushing, un état d’hypercortisolémie, présentent fréquemment des symptômes dépressifs. L’axe HHS est intimement impliqué dans la réponse au stress et dans la régulation de divers processus physiologiques. L’hypothalamus sécrète de la CRH et de la vasopressine qui active l’hypophyse pour qu’elle sécrète l’hormone ACTH. Ce dernier stimule la glande surrénale pour que celle-ci sécrète des glucocorticoïdes, le cortisol étant le glucocorticoïde principal chez l’homme.

3.     Troubles bipolaires

Plusieurs facteurs de risque liés au patient et au traitement ont été identifiés comme augmentant la probabilité d’une dépression pharmacorésistante. Les facteurs de risque liés au patient comprennent la gravité de la pathologie et les troubles médicaux ou psychiatriques concomitants, tels que l’abus d’alcool et les troubles anxieux. Quant aux facteurs de risque liés au traitement, ils concernent une dose et une durée inadéquates du traitement antidépresseur, un diagnostic inexact ou un diagnostic erroné et une non-conformité au traitement [38].

Un certain nombre de caractéristiques cliniques et démographiques ont été associées à la dépression pharmacorésistante. Celles-ci incluent la comorbidité avec trouble panique et anxieux, la phobie sociale, les troubles de la personnalité, le risque suicidaire, la mélancolie, le nombre important d’hospitalisations, les épisodes récurrents, l’âge précoce d’apparition, le nombre total de traitements insensibles aux antidépresseurs reçus au cours d’une vie, ainsi que la gravité de la dépression et avoir un parent au premier degré avec un trouble affectif [38].

La dépression pharmacorésistante peut être considérée comme un signe avant-coureur du trouble bipolaire et est incluse dans les troubles du spectre bipolaire. Ainsi, une bipolarité cachée constitue un facteur de risque de dépression pharmacorésistante. Cette hypothèse a été confirmée par une revue systématique récente examinant les facteurs de risque possibles de pharmacorésistance dans la dépression majeure unipolaire, dans laquelle, entre autres, la présence d’une bipolarité non diagnostiquée s’est avérée être un facteur de risque indépendant de la pharmacorésistance[39] .

Le diagnostic inexact de la dépression bipolaire en tant que dépression unipolaire est courant et un traitement retardé ou inapproprié peut être associé à un mauvais diagnostic. Les antidépresseurs sont moins efficaces pour traiter la dépression bipolaire qu’ils ne le sont pour le traitement de la dépression chronique. Dans le cadre de l’étude de la relation entre la durée de l’épisode et le traitement antidépresseur, il a été relevé que le traitement antidépresseur pourrait ne pas réduire la durée d’un épisode dépressif chez les patients souffrant de dépression bipolaire [39].

Les patients qui ont un trouble bipolaire peuvent présenter des réponses médiocres et erratiques à un traitement par antidépresseurs seuls. Lorsque des preuves subtiles de bipolarité sont négligées et que les patients ont par la suite de nombreux essais infructueux d’antidépresseurs non-stabilisateurs de l’humeur, il est supposé que ces patients souffrent d’une dépression unipolaire pharmacorésistante. Lorsqu’un patient qui présente un état dépressif rapporte des antécédents de symptômes maniaques classiques, tels que la frénésie, l’exaltation, et la fuite des idées, très peu de cliniciens expérimentés négligeraient un diagnostic bipolaire [39].

Il a été de plus en plus reconnu que la bipolarité peut ne pas se manifester pleinement. Certains patients atteints d’une maladie du spectre bipolaire peuvent ne présenter aucune manie ni hypomanie. Ce n’est souvent qu’après une période de plusieurs années de maladie qu’un patient est reconnu comme ayant un trouble bipolaire plutôt qu’une dépression unipolaire [39,40].

D’un autre côté, la bipolarité chez certains patients atteints de dépression chronique peut entrainer une chronicité et une pharmacorésistance. Dans une étude, les patients dépressifs qui ont été traités avec succès par des antidépresseurs et qui ont fait une rechute étaient plus susceptibles de présenter des caractéristiques cliniques évocatrices de bipolarité, telles que des symptômes atypiques de dépression, des épisodes post-partum et des antécédents familiaux de bipolarité [40].

Dans l’analyse du lien entre la dépression pharmacorésistante et les troubles bipolaires, une étude a abouti aux conclusions suivantes [41] :

  • Un nombre important de patients souffrant de dépression pharmacorésistantes présentait un trouble du spectre bipolaire.
  • Les diagnostics des patients souffrant de dépression pharmacorésistante ont été plus fréquemment modifiés en trouble bipolaire.
  • De nombreux patients souffrant de dépression pharmacorésistante présentaient une diathèse bipolaire.

4.     Dégénérescence neuronale

La dégénérescence neuronale constitue un phénomène qui est impliqué dans la dépression pharmacorésistante.

La dépression est caractérisée par une variété de symptômes à différents niveaux : comportementaux, affectifs, cognitifs et somatiques. Elle présente également un risque élevé de rechute / récidive. Les épisodes dépressifs majeurs ne se résolvent souvent pas en un rétablissement complet et durable, même avec des soins psychiatriques intensifs. D’où la recherche des causes biologiques du trouble. Cependant, il a été observé que les zones cérébrales clés impliquées dans la pathogenèse des symptômes dépressifs sont multiples, comprenant trois composantes principales : corticale, sous-corticale et limbique [42].

La composante corticale semble donner naissance aux aspects psychomoteurs et cognitifs des symptômes dépressifs et se compose du cortex préfrontal, de la partie dorsale du gyrus cingulaire antérieur et des zones du cortex prémoteur. Cette composante corticale a accès au striatum et crée ensuite une boucle de rétroaction via le thalamus. La division du cortex préfrontal la plus largement acceptée, basée sur la connectivité anatomique et la spécialisation fonctionnelle, se situe entre les secteurs dorsolatéral et ventromédian. Le cortex préfrontal ventromédian comprend la partie ventrale du cortex préfrontal médian et la partie médiale de la surface orbitale. Les cibles des projections du cortex préfrontal médian incluent l’hypothalamus et la substance grise périaqueducale, qui interviennent dans l’activité autonome viscérale associée à l’émotion, et le striatum ventral, qui signale la récompense et la valeur motivationnelle. De plus, le cortex préfrontal médian a des connexions réciproques denses avec l’amygdale, qui est impliquée dans la détection des menaces et le conditionnement de la peur [30,42].

En revanche, le cortex préfrontal dorsolatéral, qui comprend des parties du gyrus frontal moyen et supérieur sur la surface latérale des lobes frontaux, reçoit des apports de cortex sensoriels spécifiques et présente des interconnexions denses avec les zones prémotrices, les champs oculaires frontaux et le cortex pariétal latéral. Les modèles distincts de connectivité dans ces deux régions du cortex préfontal suggèrent des fonctionnalités disparates. En effet, le cortex préfrontal dorsolatéral a été principalement associé à des fonctions cognitives ou exécutives, alors que le cortex préfrontal médian est largement attribué à des fonctions émotionnelles ou affectives [30,42].

La composante sous-corticale implique l’expérience affective des symptômes dépressifs, y compris l’anhédonie et la tristesse. Cet aspect du réseau neuronal comprend, entre autres, le cingulaire antérieur sous-génital, le cortex orbitofrontal et les structures limbiques du cerveau impliquées dans les émotions négatives, y compris le noyau accumbens et l’amygdale. Cette composante interagit également avec le striatum, puis avec le thalamus pour créer une boucle [42].

La composante modulatrice, quant à elle, semble réguler les circuits corticaux et sous-corticaux et comprend les aspects neuroendocriniens critiques des symptômes dépressifs. Cette voie de modulation implique l’amygdale, le cortex cingulaire antérieur prégenuel et l’axe HHS. Elle assure la médiation des circuits cortical et limbique via des projections inhibitrices vers ces circuits [42,43].

Ainsi, la dépression résulterait davantage d’un dysfonctionnement du traitement de l’information au sein des réseaux neuronaux que d’un déséquilibre chimique dans l’architecture moléculaire du cerveau [30,42,43].

Bien que les facteurs génétiques jouent probablement un rôle majeur dans l’étiologie de la dépression, les recherches liées aux circuits anatomiques et aux anomalies biochimiques sous-jacentes à sa prédisposition ont mis en lumière sa physiopathologie. Les données cumulatives indiquent que les altérations de la plasticité cellulaire sous-tendent la physiopathologie des troubles de l’humeur sévères [42]. Cependant, de plus en plus de preuves suggèrent que les processus neurodégénératifs, reflétés dans l’atrophie ou la perte des cellules neuronales et gliales, peuvent également être des facteurs contributifs aux troubles de l’humeur, dont la dépression [44,45,46].

La dépression survient couramment dans les maladies neurodégénératives (maladie de Parkinson, maladie d’Alzheimer, démence à corps de Lewy, maladie de Huntington). Cependant, il a été suggéré que la dépression elle-même, en particulier en fin de la vie, pourrait constituer une indication d’une neurodégénérescence latente [45]. Une association a été observée entre l’humeur dépressive en fin de vie, l’anhédonie, l’apathie, l’anergie et un volume lacunaire plus élevé dans la substance blanche, suggérant un rôle de la maladie vasculaire ischémique sous-corticale dans la pathogenèse de ces troubles de l’humeur en fin de vie [46].

De plus, une étude d’imagerie humaine montrant une perte cellulaire dans des régions clés du cerveau telles que le cortex préfrontal et l’amygdale de patients souffrant de troubles de l’humeur établit un lien causal entre la réduction du volume cérébral et la dépression. Selon la région, la cause de cette réduction peut être due à une neurodégénérescence ou à une réduction de la neurogenèse. Pour illustration, il existe une indication d’une perte neuronale sélective dans le noyau paraventriculaire de l’hypothalamus chez les patients souffrant de dépression majeure, et la dépression peut être associée à une réduction du volume de l’hippocampe. Cette réduction semble refléter davantage une réduction de la neurogenèse plutôt qu’une simple atrophie ou destruction neuronale [44].

En termes de dégénérescence neuronale, le premier mécanisme impliqué dans l’étiologie de la dépression est la dérégulation des neurotransmetteurs monoaminergiques. La « théorie de la monoamine » est issue des premières observations cliniques des années 1950 selon lesquelles les inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO) et les antidépresseurs tricycliques (ATC) étaient capables de soulager les patients déprimés de l’humeur en augmentant les taux de sérotonine ornorépinéphrine [48].

La sérotonine et la noradrénaline sont des neurotransmetteurs principalement impliqués dans la régulation de l’humeur et des émotions. Des altérations de la transmission sérotoninergique se produisent dans le système nerveux central (SNC) des patients atteints de dépression chronique. Des études de neuro-imagerie de patients souffrant de dépression ont montré des anomalies dans la transmission sérotoninergique. Des transmissions réduites de noradrénaline à partir du locus cœruleus et du noyau linéaire caudal du raphé ont également été observées dans la dépression. Les régulations des circuits sérotoninergiques et noradrénergiques sont connues pour moduler indirectement le système dopaminergique, impliqué dans l’anhédonie [30,48].

Dans cette dégénérescence neuronale, la neuro-inflammation assure une fonction non négligeable. La neuro-inflammation correspond à la réponse du cerveau à une blessure, une infection ou une maladie. L’inflammation vise généralement à éliminer ou inactiver les agents potentiellement dommageables ou les tissus endommagés. Cette réponse est principalement médiée par l’un des deux systèmes cellulaires : les cellules gliales du SNC et les lymphocytes, les monocytes et les macrophages du système hématopoïétique [47].

Il a été suggéré que les patients qui souffrent de trouble dépressif majeur présentent des altérations des marqueurs immunologiques, y compris une augmentation de l’activité des cytokines pro-inflammatoires et de l’inflammation. De plus, il a été proposé qu’une inflammation chronique puisse entrainer des modifications de la structure cérébrale et de la plasticité synaptique conduisant à une neurodégénérescence [42]

De telles augmentations de la neurodégénérescence, associées à une réduction de la neuroprotection et de la réparation neuronale due à l’augmentation des taux de glucocorticoïdes, peuvent être les premiers marqueurs pathologiques de la dépression, de la pharmacorésistance, et un prélude à la démence, en particulier chez les personnes âgées [42,47].

Des études de neuroimagerie ont permis de caractériser les états cérébraux de patients déprimés. Au fur et à mesure que la technologie et les techniques analytiques ont évolué, l’accent est mis de plus en plus sur les propriétés des régions individuelles, ainsi que sur leur organisation au sein de voies intégrées et de réseaux de neurones distribués. La modulation différentielle de ces réseaux définis par divers traitements peut être évaluée, offrant une perspective supplémentaire à la compréhension des mécanismes assurant la médiation de la réponse clinique et de la rémission. La variabilité des schémas de base peut être évaluée davantage par rapport aux phénotypes cliniques connus [42,47].

Des études comparant des patients atteints de dépression pharmacorésistante à des témoins sains rapportent une hyperactivité relative des régions limbiques, y compris l’amygdale, l’insula et le cortex cingulaire antérieur, ainsi qu’une atrophie de l’hippocampe et une hypoactivité dans le cortex préfrontal dorsolatéral. Cependant, les différences moyennes entre les groupes peuvent masquer une hétérogénéité importante entre les individus, certains patients ne présentant pas ces changements (atrophie hippocampique variable), ou même démontrant des schémas opposés (par exemple, augmentation du métabolisme dans le cortex préfrontal dorsolatéral). Cette variabilité des états cérébraux chez les patients a probablement des implications importantes pour le sous-typage clinique pertinent pour la réponse au traitement et la pharmacorésistance [42,47].

Lors de la neuro-inflammation, une activation du système immunitaire a été observée chez un certain nombre de patients déprimés. Des troubles dépressifs sont souvent observés chez les patients atteints de maladies d’origine immunologique. Il a été démontré que les agents immunoactivants tels que les vaccins ou le traitement par endotoxines entrainent des symptômes dépressifs lorsqu’ils sont administrés à des sujets en bonne santé [47].

Plusieurs cytokines sont capables d’activer l’axe HHS. De plus, l’axe HHS, une fois en suractivité, favorise la libération de cytokines à partir des macrophages, exacerbant la libération de cortisol. Les cytokines sont également capables d’influencer les systèmes sérotoninergique et norépinephrine, qui ont été observés chez des patients déprimés [30].

Les facteurs neurotrophiques se sont révélés importants dans l’étiologie de la dépression. Comme évoqué précédemment, une réduction du volume de l’hippocampe a été observée dans la dépression. Cette réduction est associée à une baisse des taux de facteurs neurotrophiques, pouvant réguler la neuroplasticité du cerveau adulte, qui a été impliquée dans le mécanisme moléculaire des antidépresseurs [42].

II.             Traitements

Dans cette deuxième partie, l’attention est particulièrement portée sur les traitements des troubles dépressifs pharmacorésistants qui sont utilisés à l’heure actuelle en complément des antidépresseurs afin de stabiliser l’humeur.

En effet, il existe plusieurs approches pharmacologiques dans le traitement des troubles dépressifs pharmacorésistants, à commencer par l’optimisation du traitement actuel. En cas d’échec, des changements plus importants sont entrepris, tels que le recours à d’autres classes de médicaments, ou l’association de l’antidépresseur principal avec un autre médicament [49].

  • L’optimisation du traitement actuel

La première étape dans le traitement des troubles dépressifs pharmacorésistants est l’optimisation du traitement actuel. L’optimisation consiste à s’assurer que le médicament actuel est utilisé pendant une durée suffisante, à la posologie idéale et avec une adhérence maximale au traitement. Une durée d’essai suffisante sur les antidépresseurs primaires est généralement de 6 à 8 semaines, bien qu’une petite proportion de patients ait besoin de 12 semaines pour montrer une réaction [49].

L’optimisation de la posologie peut entrainer soit une diminution de la celle-ci, dans les cas où les effets indésirables l’emportent sur les effets thérapeutiques réels, soit son augmentation, dans les cas où un effet thérapeutique n’a pas encore été atteint. Un dosage adéquat est généralement défini comme la dose minimale qui a été établie comme cliniquement efficace, mais l’optimisation nécessite souvent une augmentation au-delà, certaines autorités préconisant au moins les deux tiers de la dose maximale recommandée par le fabricant [49].

Pour certains antidépresseurs, l’optimisation de la dose peut également être évaluée en mesurant les concentrations de médicament dans le plasma. Cette approche est plus utile lorsqu’il existe une relation établie entre le taux plasmatique de médicament et la réponse clinique, comme avec les ATC, mais beaucoup moins utile lorsque cette relation est faible, comme avec les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) [49].

L’adhésion constitue un frein dans l’optimisation du traitement actuel. Une mauvaise observance peut être un problème majeur dans l’optimisation du traitement, quel que soit le trouble traité, car la réponse clinique sera évidemment compromise si les médicaments ne sont pas pris de manière fiable. La question de l’observance doit être explicitement abordée avec le patient atteint de troubles dépressifs pharmacorésistants avant que des mesures supplémentaires au-delà de l’optimisation ne soient entreprises. Outre l’auto-déclaration du patient, l’observance peut être évaluée dans une certaine mesure par les carnets de pilules (dossiers générés par le patient sur toutes les ingestions de médicaments), le nombre de pilules (déterminer la quantité de médicaments restante depuis la dernière prescription), et la surveillance (surveillance des événements médicamenteux). La surveillance est rarement utilisée en dehors des milieux de recherche, mais les carnets de pilules et le nombre de pilules sont facilement intégrés dans la pratique clinique de routine. Les concentrations plasmatiques de médicaments peuvent également être utilisées pour vérifier l’ingestion de médicaments, même s’il n’y a pas de corrélation avec l’effet thérapeutique [49].

Comme indiqué ci-dessus, le formulaire d’historique de traitement antidépresseur peut être utilisé pour évaluer si les essais de médicaments antérieurs ont été optimisés, en permettant aux cliniciens d’évaluer l’adéquation du traitement en fonction de la posologie et de la durée du médicament utilisé.

  • Recours à d’autres médicaments

Dans le cas où l’optimisation n’apporte aucune amélioration chez le patient souffrant de dépression pharmacorésistante, un changement plus substantiel du traitement pharmacologique est indiqué et une option consiste à changer de médicament. Le passage à un agent totalement différent peut se faire au sein ou entre les classes d’antidépresseurs. Les commutations intra-classe (ISRS en ISRS) sont le plus souvent effectuées, en se basant sur le principe qu’il existe une tolérance croisée significative entre différents médicaments au sein de la même classe, de sorte que ces commutations peuvent être effectuées plus rapidement [49].

Une étude a permis d’identifier des réactions différentes pour les commutateurs intra et interclasse [50]. Le passage à une classe différente (par exemple, d’un ISRS au bupropion ou à la venlafaxine) est une autre option, et un avantage significatif a été identifié dans le passage des ISRS aux traitements non ISRS [50].

  • L’association de l’antidépresseur avec d’autres types de traitement

Une autre stratégie majeure dans la gestion de la dépression pharmacorésistante est l’ajout d’un médicament différent, dans une classe différente ou agissant via un mécanisme d’action différent, pour améliorer les effets antidépresseurs d’un traitement en cours. Cette stratégie présente l’avantage de s’appuyer sur les améliorations précédentes des symptômes de l’humeur.

Les traitements destinés à stabiliser l’humeur sont distincts des antidépresseurs. Les deux types de traitement sont parfois utilisés pour traiter les différentes formes de dépression. Cependant, les médicaments antidépresseurs agissent pour soulager l’humeur dans un épisode dépressif, alors que les médicaments stabilisateurs de l’humeur aident à réguler l’humeur et à l’empêcher de fluctuer soit trop haut (en manie) soit trop bas (en dépression) [49].

Les traitements qui seront abordés sont alors les neuroleptiques, les normothymiques, les autres antiépileptiques, et les hormones thyroïdiennes.

1.     Neuroleptiques

  • Présentation

Les neuroleptiques, appelés également antipsychotiques, permettent de traiter de nombreux troubles psychiatriques sévères. Les neuroleptiques sont utilisés dans le traitement à court terme des troubles psychotiques, maniaques et psychotiques-dépressifs aigus ainsi que les états d’agitation dans le délire et la démence, et dans le traitement à long terme des troubles psychotiques chroniques, y compris la schizophrénie, les troubles schizo-affectifs et les troubles délirants [51].

Il existe deux catégories de neuroleptiques. D’abord, les antipsychotiques de première génération sont des antagonistes des récepteurs de la dopamine et sont connus comme étant des antipsychotiques typiques. Ils sont présentés dans le tableau suivant.

Tableau 1 : Les neuroleptiques typiques [51]

ClassesNeuroleptiques
PhénothiazinesTrifluopérazinePerphénazineProchlorpérazineAcétophénazineTriflupromazineMésoridazine
ButyrophénonesHalopéridol
ThioxanthènesThiothixèneChlorprothixène
DibenzoxazépinesLoxapine
DihydroindolesMolindone
DiphénylbutylpipéridinesPimozide

Les neuroleptiques de première génération agissent en inhibant la neurotransmission dopaminergique. Leur efficacité est meilleure lorsqu’ils bloquent environ 72% des récepteurs dopaminergiques D2 dans le cerveau. Ils ont également une action de blocage noradrénergique, cholinergique et histaminergique [51].

Ensuite, les antipsychotiques de deuxième génération sont des antagonistes de la sérotonine-dopamine et sont également connus sous le nom d’antipsychotiques atypiques. Ils comprennent essentiellement la rispéridone, l’olanzapine, la quétiapine, la ziprasidone, l’aripiprazole, la palipéridone, l’asénapine, la lurasidone, l’ilopéridone, la cariprazine, le brexpiprazole, la zotépine, et la clozapine. Ces neurolpetiques agissent en bloquant les récepteurs dopaminergiques D2 ainsi que l’action antagoniste des récepteurs sérotoninergiques. Le sous-type 5-HT2A du récepteur de la sérotonine est le plus souvent impliqué [52].

Les neuroleptiques sont utilisés dans le traitement des troubles psychiatriques présentés dans le tableau ci-après.

Tableau 2 : Indications des neuroleptiques [51,52]

Troubles psychiatriquesTraitements
Schizophrénie et troubles schizo-affectifsLes antipsychotiques de première et deuxième génération (à l’exception de la clozapine) sont indiqués dans le traitement d’un épisode aigu de psychoses ainsi que dans le traitement d’entretien de la schizophrénie et des troubles schizo-affectifs. Les antipsychotiques de première génération sont meilleurs pour traiter les symptômes positifs des hallucinations et des délires. Ils diminuent également le risque de récidive de la psychose. Les antipsychotiques de deuxième génération traitent à la fois les symptômes positifs et négatifs comme le sevrage et l’ambivalence, et sont connus pour réduire les taux de rechute.
Manie aiguëLes antipsychotiques de première génération sont efficaces dans le traitement de la manie aiguë accompagnée de symptômes psychotiques. Tous les antipsychotiques de deuxième génération, à l’exception de la clozapine, peuvent également être utilisés pour traiter les symptômes de la manie aiguë. Les antipsychotiques sont utilisés avec des stabilisateurs de l’humeur comme le lithium, l’acide valproïque ou la carbamazépine dans un premier temps, puis après la stabilisation des symptômes, ils peuvent être progressivement diminués et supprimés.
Trouble dépressif majeur avec symptômes psychotiquesLes antipsychotiques de première ou de deuxième génération, associés à un antidépresseur, constituent le traitement de choix pour la dépression avec symptômes psychotiques. L’olanzapine et la fluoxétine, en tant que thérapie combinée, sont reconnus pour traiter la dépression pharmacorésistante.
Trouble délirantLes antipsychotiques de première génération sont indiqués dans le traitement des troubles délirants ainsi que de la paranoïa associée aux troubles de la personnalité.
Agitation sévèreLes patients gravement agités, irritables, et hyperactifs peuvent être traités avec un traitement à court terme d’antipsychotiques de première génération, quelle que soit l’étiologie du trouble du comportement. Les antipsychotiques de deuxième génération peuvent également être utilisés pour traiter l’agitation aiguë. Les antipsychotiques peuvent également être utilisés chez les enfants atteints d’autisme sévère présentant des troubles du comportement, bien que l’administration répétée d’antipsychotiques ne soit pas préférée. La rispéridone et l’olanzapine sont utiles pour contrôler l’agressivité chez les enfants.
Syndrome de Gilles de la Tourette (SGT)L’halopéridol et le pimozide sont les antipsychotiques les plus couramment utilisés dans le traitement de ce syndrome. Les neurolpetiques atypiques ne sont pas autorisés dans le traitement du SGT.
Trouble de la personnalité borderlineCe type de trouble de la personnalité peut présenter des symptômes de psychose et de paranoïa. Les antipsychotiques de première et de deuxième génération sont utilisés dans le traitement de ces symptômes.
Démence et délireUne faible dose d’antipsychotiques de première génération à forte puissance comme l’halopéridol est recommandée dans le traitement de l’agitation associée au délire et à la démence. Les antipsychotiques de deuxième génération peuvent également être utilisés pour traiter les troubles du comportement dans la démence.
Trouble psychotique induit par des substances / médicamentsDans les cas de psychose sévère secondaire à la consommation de substances, les antipsychotiques peuvent être utilisés pour contrôler les symptômes d’agitation.
  • Les effets indésirables

Les neuroleptiques de première génération sont associés à des effets secondaires extrapyramidaux importants. Les effets indésirables anticholinergiques tels que la sécheresse de la bouche, la constipation, la rétention urinaire sont fréquents avec les antagonistes des récepteurs dopaminergiques de faible puissance comme la chlorpromazine et la thioridazine [51].

L’action du blocage de l’histamine H1 par les antagonistes des récepteurs de la dopamine (ARD) provoque une sédation. La chlorpromazine est la plus sédative, tandis que la fluphénazine, l’halopéridol et le pimozide sont moins sédatives. Les ARD abaissent également le seuil épileptogène et la chlorpromazine et la thioridazine sont plus épileptogènes que d’autres neuroleptiques. L’halopéridol peut provoquer un rythme cardiaque anormal, une arythmie ventriculaire, des torsades de pointes et même une mort subite s’il est injecté par voie intraveineuse. Les ARD de faible puissance, comme la chlorpromazine ou la thioridazine, provoquent souvent une hypotension orthostatique. La leucopénie, la thrombocytopénie et la dyscrasie sanguine sont des effets secondaires rares du traitement par ARD [51].

Une dermatite allergique et une photosensibilité peuvent survenir avec la chlorpromazine. Cette dernière est également associée à une décoloration de la peau bleu-gris et à une pigmentation bénigne du cristallin et de la cornée. La thioridazine peut provoquer une pigmentation rétinienne, qui peut continuer même après l’arrêt du médicament [51].

Les neuroleptiques de deuxième génération présentent un risque réduit d’effets secondaires extrapyramidaux par rapport à ceux appartenant à lapremière génération. Les antagonistes de la sérotonine-dopamine sont associés à une prise de poids significative et au développement d’un syndrome métabolique. Il est ainsi recommandé de surveiller les antécédents personnels et familiaux de diabète, de dyslipidémie, de poids et de taille, le tour de taille, la pression artérielle, la glycémie à jeun et le profil lipidique à jeun pour tous les patients [52].

La rispéridone est associée à des étourdissements, de l’anxiété, de la sédation et des effets secondaires extrapyramidaux. L’olanzapine a été le plus souvent associée à une prise de poids, une augmentation de l’appétit et de la somnolence. La quétiapine est la moins susceptible de provoquer des effets secondaires extrapyramidaux. Les effets secondaires les plus courants de la quétiapine sont la somnolence, l’hypotension orthostatique et les étourdissements. L’aripiprazole entraine le plus courant de l’agitation, des maux de tête et de l’agitation de type akathisie. La clozapine peut provoquer une hypersalivation, une tachycardie, une hypotension et des effets secondaires anticholinergiques. La clozapine provoque une agranulocytose, une leucopénie et nécessite une surveillance des globules blancs et du nombre absolu de neutrophiles [52].

  • Les neuroleptiques utilisés dans le traitement des troubles dépressifs pharmacorésistants

Une approche de plus en plus courante pour améliorer la réponse antidépressive dans le traitement des troubles dépressifs pharmacorésistants est le recours aux neuroleptiques atypiques. Cette stratégie a reçu une attention considérable au cours des dernières années, avec un grand nombre d’essais publiés et disponibles [52-57]. Bien que le mécanisme exact ne soit pas connu, une hypothèse a été émise selon laquelle les neuroleptiques atypiques peuvent agir comme des antagonistes des récepteurs 5-HT2A, des antagonistes alpha 2 adrénergiques, des agonistes 5-HT1A et des inhibiteurs de la recapture de la monoamine dans leurs mécanismes d’action spécifiques, ils ont également montré une efficacité variable dans les essais cliniques dans le traitement de la dépression pharmacorésistantes.

Les neuroleptiques appartenant à la classe des phénothiazines se sont révélés aussi efficaces que le ATC dans le traitement de la dépression. Cependant, l’intérêt pour ces agents en monothérapie antidépressive a diminué en raison de la forte incidence des symptômes extrapyramidaux. Néanmoins, l’association de neuroleptiques et d’antidépresseurs a été établie comme traitement de premier choix pour les formes psychotiques ou délirantes de dépression. De même, un traitement d’appoint avec des neuroleptiques typiques de haute puissance était couramment utilisé chez les patients souffrant de dépression plus sévère, agitée ou psychotique [53].

L’attention s’est désormais portée sur les antipsychotiques atypiques pour le traitement des troubles de l’humeur, car ces derniers présentent un faible taux de symptômes extrapyramidaux, un faible risque à vie de dyskinésie tardive et un faible risque d’effets négatifs sur la cognition. À ce jour, les directives cliniques recommandent des antipsychotiques atypiques associés à des antidépresseurs comme traitement de première intention de la dépression psychotique. Les neuroleptiques atypiques sont également indiqués dans le traitement des troubles dépressifs pharmacorésistants [54].

Les différents neuroleptiques utilisés dans le traitement de ces troubles seront abordés ci-après.

  • Amisulpride

L’amisulpride est un antagoniste sélectif des récepteurs dopaminergiques D2 et D3. Il agit préférentiellement sur les récepteurs présynaptiques augmentant la transmission dopaminergique à faibles doses. Une étude a montré que l’utilisation de l’amisulpride à faible dose (50 mg / jour) est efficace dans le traitement de la dysthymie primaire [55].

  • Quétiapine

La quétiapine est un antipsychotique appartenant à une nouvelle classe chimique, les dérivés de la dibenzothiazépine. La quétiapine est un antagoniste des récepteurs 5-HT1A et 5-HT2, D1 et D2, H1 et α1 et α2 [52].

La quétiapine ne présente pas d’affinité significative pour les récepteurs cholinergiques muscariniques et les benzodiazépines. La quétiapine est connue pour avoir un effet positif sur l’humeur dépressive chez les patients atteints de schizophrénie et de trouble bipolaire. Bien qu’aucune étude n’a été réalisée en ce qui concerne son efficacité dans le traitement des patients atteints de troubles dépressifs pharmaco-résistants, un essai ouvert sur la dépression psychotique indique que l’association de la quétiapine et du citalopram est efficace [54].

Ces résultats pourraient indiquer que cette combinaison pourrait également être un complément utile à l’arsenal de traitement de la dépression pharmacorésistante.

  • Olanzapine

L’olanzapine fait partie de la classe des thiénobenzodiazépines. L’olanzapine est un antagoniste monoaminergique sélectif avec une forte affinité de liaison au récepteur 5-HT2A/2C, aux récepteurs D1-D4, aux récepteurs muscariniques M1-5, au récepteur de l’histamine H1 et au récepteur adrénergique α1 [52].

Une étude a examiné l’efficacité de l’association de l’olanzapine à la fluoxétine chez des patients atteints de dépression. Les résultats ont conclu que l’association olanzapine / fluoxétine montrait une amélioration rapide, robuste et soutenue des symptômes dépressifs chez les patients atteints de dépression chroniques, y compris les patients souffrant de troubles dépressifs pharmacorésistants [56].

  • Rispéridone

La rispéridone fait partie de la classe chimique des dérivés du benzisoxazole et constitue un antagoniste monoaminergique sélectif [52].

Une étude a évalué l’efficacité de la rispéridone associée à l’IMAO tranylcypromine chez cinq patients souffrant de troubles dépressifs pharmacorésistants. Cette association a été efficace chez quatre patients. Le cinquième patient a également répondu positivement au traitement mais a abandonné en raison de la sédation [57].

  • Zotépine

La zotépine est un médicament neuroleptique appartenant aux dérivés de la dibenzothiazépine [52].

La zotépine inhibe la recapture de la noradrénaline, et s’est avérée efficace dans le traitement de la dépression délirante en association avec un ATC ou un ISRS [55]. Aucune donnée n’est actuellement disponible en ce qui concerne le traitement de la dépression pharmacorésistante. Cependant, comme avec la quétiapine, ces dernières études pourraient être indicatives de son efficacité dans le traitement des troubles dépressifs pharmacorésistants.

  • Ziprasidone

La ziprasidone est un agent neuroleptique qui n’a aucun rapport chimique avec les agents neuroleptiques phénothiazine ou butyrophénone. Elle fonctionne comme un antagoniste des récepteurs D2, 5-HT2A et 5-HT1D, et comme un agoniste du récepteur 5-HT1A. La ziprasidone inhibe la recapture synaptique de la 5-HT et de la norépinéphrine [52].

Chez les patients souffrant de troubles dépressifs pharmacorésistants, une étude comparait l’efficacité de l’association ziprasidone / sertraline à la sertraline seule sur une période de 6 semaines de traitement par sertraline et de 4 semaines de traitement antérieur avec au moins un antidépresseur ISRS ou non. Les patients qui avaient précédemment reçu un traitement non-ISRS combiné à la ziprasidone ont montré une amélioration significativement plus importante par rapport aux patients qui ont reçu une monothérapie par sertraline [56].

Une autre étude a été réalisée chez 20 patients ayant reçu de la ziprasidone en plus de leur traitement par ISRS. Dans cette étude, 50% ont répondu positivement au traitement et 28% ont obtenu une rémission après 6 semaines de traitement [54].

  • Aripiprazole

L’aripiprazole est indiqué dans le traitement d’appoint de la dépression majeure et constitue une première indication de ce type. Il y a eu un essai réalisé en double aveugle, contrôlé par placebo utilisant l’aripiprazole dans le traitement de la dépression pharmacorésistante. L’essai a duré 14 semaines, avec des patients qui n’avaient pas réagi positivement à 1 à 3 essais d’antidépresseurs. La dose d’aripiprazole était en moyenne de 11 à 12 mg par jour. L’aripiprazole était supérieur au placebo en termes de taux de réponse et de rémission dans cet essai [58].

À la lumière de ces considérations, l’aripiprazole représente un choix raisonnable pour traiter les troubles dépressifs pharmacorésistants.

  • Méta-analyses sur l’utilisation de neuroleptiques atypiques

Deux méta-analyses sur l’utilisation de neuroleptiques atypiques dans le traitement des troubles dépressifs pharmacorésistants ont été publiées [59,60]. La première a montré un taux de réponse global de 57% pour les patients recevant des neuroleptiques atypiques, contre 35% pour le ceux ayant reçu un placebo. Cette méta-analyse antérieure comprenait des quantités importantes de données ouvertes en plus des données d’études contrôlées [59].

Pour résoudre le problème du biais possible dû à l’inclusion de données en ouvert, d’autres chercheurs ont répété l’analyse initiale avec uniquement des essais contrôlés. Ils ont constaté que les antipsychotiques d’appoint étaient significativement plus efficaces que le placebo en termes de réponse et de rémission [60].

Les rapports de cotes moyens ne différaient pas entre les agents atypiques et n’étaient généralement pas affectés par la durée de l’essai ou la définition de la pharmacorésistance. Dans cette méta-analyse, les patients recevant un traitement par neuroleptiques atypiques étaient plus enclins à arrêter en raison d’effets secondaires que ceux recevant un placebo (rapport de cotes = 3,91) [60].

Les effets indésirables potentiels des neuroleptiques atypiques doivent être pris en considération. Ces agents comportent des risques importants de prise de poids et de syndrome métabolique, bien que le degré de risque diffère selon le médicament. Tous ces médicaments portent peuvent exposer à une mortalité accrue chez les patients âgés atteints de psychose liée à la démence. Les neuroleptiques atypiques peuvent également entrainer des effets secondaires neuromoteurs, notamment des symptômes du syndrome extrapyramidal, une dyskinésie tardive et un syndrome malin des neuroleptiques [51,53,55].

2.     Normothymiques

  • Présentation

Les normothymiques, appelés également thymorégulateurs, constituent des stabilisants de l’humeur et sont couramment prescrits aux patients souffrant de divers troubles de santé mentale, tels que le trouble bipolaire, la dépression et la schizophrénie [61].

La notion de « stabilisant de l’humeur » est devenue omniprésente dans les discussions sur la gestion des troubles de santé mentale. Cependant, il est constaté que, malgré son utilisation répandue, il n’existe pas de définition standard pour cette notion. Ainsi, aucun médicament de dispose d’indication officielle en tant que « stabilisant de l’humeur » en soi [61).

Le terme était à l’origine utilisé pour désigner les pharmacothérapies, comme le lithium, qui empêchaient la récurrence des épisodes d’humeur. Toutefois, au fil du temps, il a évolué pour englober les médicaments qui diminuent la fréquence et la gravité des épisodes maniaques ou dépressifs, et concerne même désormais les médicaments qui agissent sur les symptômes des troubles de l’humeur. Ainsi, à l’heure actuelle, le stabilisant de l’humeur est un terme peu appliqué, mais qui peut être utilisé pour décrire presque tous les médicaments prescrits pour le traitement des troubles de la santé mentale, et il n’y a pas de consensus clair sur ce qui constitue un stabilisant de l’humeur et sur les propriétés essentielles [61].

Cette absence de définition standard a conduit à donner de « surnom » aux médicaments qui n’ont pas de propriétés de stabilisation de l’humeur. Par exemple, l’olanzapine (antipsychotique) est l’un des trois médicaments d’entretien les plus couramment utilisés pour le traitement des troubles de la santé mentale (avec le lithium et le valproate) et a l’approbation réglementaire pour le traitement d’entretien à long terme du trouble bipolaire, mais il y a peu de preuves à l’appui concernant sa prescription pour une prophylaxie à long terme [62].

De plus, la prescription d’olanzapine pendant de longues périodes est désormais connue pour être associée à des risques importants, tels que le syndrome métabolique. Ceci met en évidence un autre corollaire de l’adoption large et non spécifique du terme de stabilisant de l’humeur, en ce qu’il permet la prescription d’agents bien au-delà de leurs indications initiales et de leur utilité putative [62].

À l’heure actuelle, de nombreux médicaments étiquetés comme stabilisants de l’humeur par des entités commerciales, et considérés comme tels par les cliniciens, n’ont montré au mieux qu’une efficacité à court terme, notamment contre les symptômes maniaques ou dépressifs. En revanche, leur utilisation s’est étendue pour inclure l’administration chronique et indéfinie, sans preuve substantielle d’efficacité à long terme [61,62].

Les normothymiques démontrent des actions différentielles lorsqu’ils sont administrés de manière aiguë pendant de courtes périodes de temps, par rapport à une utilisation chronique au cours d’une maladie, car différents mécanismes sont en jeu. Il est également très probable qu’un ensemble distinct de processus sous-tendent le rétablissement d’un épisode aigu par rapport à la prévention d’épisodes futurs. Ainsi, les preuves d’efficacité aiguë n’informent pas nécessairement sur l’efficacité à long terme et ont probablement peu d’incidence sur la prophylaxie à long terme. Par conséquent, une telle extrapolation d’une phase de traitement à une autre est susceptible d’être erronée [61,62].

D’un point de vue clinique, l’application non descriptive du terme stabilisant de l’humeur l’a rendu dénué de sens en ce qui concerne l’effet pharmaceutique. Pour illustration, le lithium, considéré comme étant l’étalon-or des stabilisants de l’humeur en raison de sa capacité à améliorer à la fois la manie aiguë et, à long terme, à prévenir la réapparition d’épisodes dépressifs, possède un profil thérapeutique radicalement différent des autres médicaments qui sont également considérés comme étant des normothymiques [62].

Ces médicaments peuvent ne présenter aucun effet sur la manie, exacerber la dépression aiguë, et ne présentent pas une efficacité prophylactique [61,62]. Or, la notion de « stabilisant de l’humeur » est extrêmement importante et suscite l’espoir dans l’amélioration des résultats et de l’efficacité des thérapies. Il est de ce fait nécessaire de reprendre la notion et d’élaborer une définition standard de ce qu’un stabilisant idéal de l’humeur devrait atteindre dans la prise en charge des troubles de santé mentale et quelles devraient être les exigences minimales pour qu’un médicament obtienne cette reconnaissance et d’être reconnu comme étant normothymique.

Un stabilisant de l’humeur idéal devrait posséder une efficacité prophylactique à long terme contre la manie et la dépression, avec des effets secondaires minimes. Dans ce sens, le lithium représente le précurseur des normothymiques [63].

Fondamentalement, deux aspects doivent être pris en compte lors de l’évaluation de la pertinence d’un normothymique pour le traitement des troubles de santé mentale : la manie et la prophylaxie [61,64].

Concernant la manie, il est obligatoire pour un stabilisant de l’humeur d’avoir une efficacité contre les symptômes maniaques. Autrement dit, un médicament qui ne présente une efficacité que dans les domaines dépressifs et ne confère aucun avantage contre les symptômes maniaques ne peut pas être considéré comme un stabilisant de l’humeur aux fins de la gestion des troubles de santé mentale. Il peut être considéré plus largement comme ayant des propriétés de stabilisant de l’humeur, par exemple dans le contexte de troubles dépressifs majeurs, mais dans de tels cas, il agit essentiellement comme un antidépresseur, et ce, même s’il peut avoir des propriétés prophylactiques supplémentaires vis-à-vis de la dépression [61,64].

La nature chronique des troubles de santé mentale qui confère une vulnérabilité à vie au développement d’épisodes d’humeur signifie que, bien que de nombreux médicaments et directives de traitement se concentrent sur l’amélioration des symptômes aigus, c’est le maintien de l’euthymie (humeur normale) et une prophylaxie efficace qui garantissent en fin de compte les résultats [61,64].

Par conséquent, c’est le traitement réussi de cette composante de la pathologie qui est de la plus grande importance pour les personnes atteintes d’un trouble de la santé mentale et, en tant que tel, les stabilisants de l’humeur devraient être mandatés pour démontrer l’efficacité prophylactique dans le maintien de la stabilité de l’humeur et la prévention des rechutes. Les médicaments efficaces uniquement dans la phase aiguë ne peuvent être considérés comme de véritables normothymiques. Autrement dit, bien que certains agents puissent restaurer de manière aiguë la stabilité de l’humeur (rémission des symptômes maniaques ou dépressifs), cela ne devrait pas les qualifier de normothymiques [64].

Différents agents appartenant à la classe des normothymiques présentent des forces et des faiblesses en raison de leurs indications, contre-indications et de leur protocole de suivi. Le tableau suivant permet d’identifier les principaux agents reconnus comme étant des stabilisants de l’humeur.

Tableau 3 : Les normothymiques [65,66]

Agents thymorégulateursIndications
LithiumLe lithium est approuvé en monothérapie ou en association pour les épisodes maniaques aigus et comme traitement d’entretien dans le cas d’un trouble bipolaire.
ValproateLe valproate est approuvé en monothérapie ou en association pour les épisodes maniaques aigus.Le valproate peut être utilisé pour les crises complexes partielles et comme prophylaxie des migraines.
CarbamazépineLa carbamazépine est approuvée pour la monothérapie et la thérapie combinée pour les épisodes maniaques aigus et mixtes dans le trouble bipolaire.La carbamazépine peut également constituer un traitement pour les troubles épileptiques et la névralgie trigéminale.
LamotrigineLa lamotrigine est approuvée pour le traitement d’entretien du trouble bipolaire et également comme médicament antiépileptique.

Bien qu’il reste encore plus à découvrir sur les particularités du lithium, du valproate et de la carbamazépine, un mécanisme commun suggéré pour leurs capacités de stabilisation de l’humeur est l’inhibition du processus d’absorption de l’inositol (vitamine B7), entrainant sa déplétion. Dans ce contexte, le transporteur de myo-inositol monophosphate et son ARNm respectif sont régulés à la baisse par ces trois principaux agents stabilisants de l’humeur [65,66].

Les mécanismes des principaux agents stabilisateurs de l’humeur sont développés ci-après. Le mécanisme d’action du lithium est toujours à l’étude pour ses bienfaits neuroprotecteurs. Cependant, l’hypothèse de déplétion de l’inositol actuellement proposée explique que le lithium régule à la baisse la signalisation des poly phosphoinositides en agissant comme un inhibiteur non compétitif de l’inositol. Ainsi, le lithium inhibe l’excitation neuronale, ce qui lui confère des avantages en tant que stabilisant de l’humeur [63]. Le lithium est actuellement disponible pour une utilisation sous forme de comprimés, de gélules et de solutions.

Le valproate ou acide valproïque est un médicament anticonvulsivant qui agit comme un stabilisant de l’humeur et un agent antiépileptique en augmentant l’effet inhibiteur de l’acide gamma aminobutyrique (GABA). Cette thérapie réduit les déclenchements neuronaux répétitifs et peut réduire l’inhibition et l’excitation dans les réseaux neuronaux [66]. L’acide valproïque est disponible sous forme de comprimé, de capsule et de solution.

La carbamazépine suit le mouvement avec les autres agents de stabilisation de l’humeur mentionnés, avec un mécanisme d’action spécifique supplémentaire identifié dans lequel l’accumulation d’adénosine monophosphate cyclique devient inhibée, entrainant une régulation à la baisse du transporteur d’inositol [64]. La carbamazépine est disponible sous forme de comprimés, de gélules et de comprimés à croquer.

La lamotrigine, comme le valproate, est un anticonvulsivant. Son mécanisme d’action consiste à réduire uniquement la fréquence (et non l’amplitude) des courants postsynaptiques excitateurs dans le SNC, provoquant une diminution de la libération de glutamate tout en provoquant une augmentation concomitante de la fréquence et de l’amplitude des courants postsynaptiques inhibiteurs, ce qui améliore la libération de GABA. Par conséquent, la lamotrigine provoque des effets opposés sur la transmission du glutamate et du GABA, en régulant à la baisse la libération de glutamate et en augmentant la libération de GABA [65,66]. La lamotrigine est disponible sous forme de comprimés à dissolution orale et à croquer.

  • Effets indésirables

Il est important de prêter attention au métabolisme et au traitement des normothymiques, car leur accumulation dans l’organisme peut entrainer une toxicité et des effets indésirables.

  • Le lithium

Le lithium peut provoquer des tremblements, une prise de poids ou conduire à une hypothyroïdie. En raison de l’excrétion du lithium par les reins, les effets indésirables se manifestent sous forme de diabète insipide néphrogénique et, plus rarement, de néphrite tubulo-interstitielle chronique. Environ 20% à 40% des patients prenant du lithium développent chroniquement une polyurie et une polydipsie. Le diabète insipide néphrogénique qui survient à la suite d’un traitement au lithium est géré de la même manière avec les diurétiques thiazidiques, les AINS (anti-inflammatoires non stéroïdiens) et un régime pauvre en sel [63].

La clairance du lithium est réalisée à travers les reins. La fonction rénale diminuant avec l’âge, il convient de faire preuve de prudence chez les patients de plus de 60 ans et ceux souffrant d’insuffisance rénale. De plus, le lithium doit être évité chez les personnes souffrant d’insuffisance cardiaque en raison de sa capacité à modifier le fonctionnement du transporteur sodium-potassium, ce qui peut aggraver les arythmies [63,65].

Le lithium doit être arrêté dans les trois premiers mois de la grossesse, et la décision de reprendre le traitement appartient au psychiatre de la patiente et si les bénéfices du traitement l’emportent sur les risques. Il existe des preuves que le lithium peut provoquer des malformations faciales chez les nourrissons nés de mères sous traitement au lithium [67].

Néanmoins, la tératogénicité du lithium est rare par rapport aux autres normothymiques (valproate, carbamazépine et lamotrigine).

En terme de toxicité, le traitement par le lithium affecte plusieurs systèmes organiques, notamment le système nerveux central et le système gastro-intestinal, provoquant des tremblements, des contractions, de la somnolence, une sensation de paresse, des vomissements, de la diarrhée et une perte d’appétit. La plupart des symptômes mineurs de toxicité peuvent être traités par ajustement de la dose de médicament [63].

Le profil de toxicité du lithium est également caractérisé pour une capacité réduite à concentrer l’urine, l’hypothyroïdie, la prise de poids et l’hyperparathyroïdie. L’hyperparathyroïdie est un résultat constant associé à l’utilisation du lithium, de sorte que les taux de calcium doivent être vérifiés avant et surveillés pendant toute la durée de la pharmacothérapie. Il convient de mentionner que les patients âgés sont plus vulnérables à la toxicité du lithium. En cas de toxicité du lithium, une dialyse peut être réalisée et constitue le traitement de choix, en raison du faible poids moléculaire du lithium [63].

  • Le valproate

Les effets indésirables du valproate comprennent une prise de poids et des troubles gastro-intestinaux tels que les nausées et vomissements, ainsi qu’une alopécie, des tremblements et des ecchymoses faciales, probablement en raison de ses effets sur la coagulation. Environ 5 à 10% des patients sous traitement à long terme au valproate développent une transaminite, bien qu’un nombre important de cas se résolvent d’eux-mêmes sans qu’il soit nécessaire d’arrêter le traitement. D’autres formes plus graves de toxicité du valproate comprennent l’encéphalopathie secondaire à une hyperammoniémie, une hépatotoxicité et une pancréatite aiguë [68].

Le valproate doit être évité pendant la grossesse et comporte un effet indésirable grave d’hépatotoxicité mortelle. Il peut également provoquer une pancréatite, une hyponatrémie, des maux de tête, de la diarrhée et des douleurs abdominales [68].

La toxicité du valproate se manifeste le plus souvent par une dépression du système nerveux central et un œdème cérébral potentiel pouvant conduire au coma et à une dépression respiratoire. Ces manifestations peuvent survenir parallèlement à une pancréatite et à une hyperammoniémie [68].

  • La carbamazépine et la lamotrigine

La carbamazépine a des effets secondaires systémiques et neurologiques. Les effets indésirables systémiques présentent une double facette, y compris les systèmes gastro-intestinaux et tégumentaires. Les troubles gastro-intestinaux se caractérisent par des nausées, des vomissements, de la diarrhée et une hyponatrémie. Les problèmes tégumentaires sont généralement le prurit et les éruptions cutanées. Les anomalies neurologiques associées au traitement par carbamazépine comprennent les maux de tête, les étourdissements, les changements de vision (flou ou diplopie), la léthargie et la somnolence [69].

Le traitement par lamotrigine a un profil d’effets indésirables similaire à celui de la carbamazépine, du fait qu’il implique essentiellement des éruptions cutanées et des nausées. Les effets secondaires neurologiques comprennent la diplopie, les étourdissements et les tremblements [70].

La carbamazépine et la lamotrigine sont toutes deux capables de provoquer le syndrome de Stevens-Johnson. Par conséquent, les patients doivent apprendre à se surveiller eux-mêmes pour détecter d’éventuels changements cutanés ou de nouvelles éruptions cutanées après l’initiation d’un traitement de normothymie avec l’un ou l’autre de ces médicaments [69,70].

  • Les normothymiques utilisés dans le traitement des troubles dépressifs pharmacorésistants

Les normothymiques représentent une classe de médicaments qui se sont révélés efficaces dans le traitement de divers troubles de la santé mentale. En plus de leur efficacité dans le traitement de la manie aiguë, plusieurs de ces médicaments semblent être utiles en prophylaxie contre les futurs épisodes maniaques et comme antidépresseurs d’appoint. Les médicaments les plus connus de cette classe dans le traitement des troubles dépressifs pharmacorésistants sont le lithium et le valproate [63,65,66,68,71,72,73,74].

  • Le lithium

Le lithium est un sel naturel qui a été utilisé pour la première fois en traitement psychiatrique dans les années 1960. Les meilleures preuves considérant le lithium comme une combinaison efficace avec les antidépresseurs proviennent d’études impliquant des ATC. En effet, dans les années 1980, des travaux ont identifié une rapide action des ATC lorsque le lithium y a été ajouté chez les patients présentant des troubles dépressifs pharmacorésistants. Ces études ont ouvert la voie à la recherche sur l’intérêt de recourir au lithium dans le traitement de cette pathologie particulière [73].

D’abord, une hypothèse a été émise selon laquelle l’administration de lithium à court terme à des patients dépressifs résistants aux ATC dévoilerait la sensibilisation de leurs récepteurs 5-HT induite par l’administration chronique d’ATC. Ensuite, des preuves plus récentes suggèrent que le phénomène d’augmentation de l’effet de l’antidépresseur grâce à l’ajout de lithium pourrait être secondaire à un effet synergique sur les systèmes de second messager lié à la production de monoamine et peut-être à la transmission. Le lithium, en tant qu’agent d’augmentation, continue de faire l’objet de nombreuses recherches et applications cliniques dans le domaine de la dépression pharmacorésistante, et la littérature continue de soutenir son utilisation à ce titre [73,74].

Une méta-analyse a été réalisée en 1998 pour étudier l’efficacité de l’augmentation de l’effet des antidépresseurs conventionnels avec le lithium dans la dépression réfractaire. 9 études contrôlées par placebo en double aveugle ont été incluses avec 110 patients ayant reçu une dose de lithium de 250 mg à 1200 mg par jour pour une durée minimale de traitement de deux semaines. Il a été observé que le rapport de cotes de la réponse pendant l’augmentation par rapport au placebo était de 3,31 avec une amélioration absolue de 27% de la réponse, avec une dose minimale de 800 mg par jour [74].

L’effet indésirable le plus fréquemment rapporté est des tremblements. Néanmoins, seuls quelques essais contrôlés par placebo dans ces études ont examiné l’efficacité du lithium avec les ISRS ou les IRSN (inhibiteurs du recaptage de la sérotonine et de la noradrénaline), un point qui, en plus de sa tolérance perçue et de son profil d’effets secondaires, pourrait nuire à l’utilisation du lithium comme agent d’augmentation [74].

Ainsi, le lithium demeure une stratégie d’augmentation de première intention. Il est efficace à la fois comme modulateur et accélérateur de réponse, présentant souvent une action dans les deux semaines suivant le début du traitement à des doses comprises entre 750 mg et 1500 mg par jour [74]. Des études de suivi ont montré que l’augmentation de l’effet des antidépresseurs avec le lithium est efficace avec une bonne tolérance lorsqu’elle est évaluée plus de trois ans plus tard [73,74].

Une caractéristique clinique importante fréquemment associée à une population souffrant de troubles dépressifs pharmacorésistants est la persistance de pensées suicidaires. Cette pathologie peut alors conduire à l’automutilation délibérée, à des tentatives de suicide et, dans jusqu’à 10% des cas, à des suicides [10,34].

Des données sur les interventions thérapeutiques à la suite d’un comportement suicidaire non mortel chez les patients atteints de troubles dépressifs pharmacorésistants ont pu être relevés. Une revue Cochrane a été réalisée pour évaluer l’effet de traitements spécifiques pour les patients souffrant de dépression et d’antécédents d’automutilation délibérée. Seules trois études ont été trouvées et le rapport de cotes résumé n’indiquait qu’une tendance non significative vers une réduction de la répétition de l’automutilation délibérée pour le traitement antidépresseur par rapport au placebo [75].

En plus des antidépresseurs, un possible effet bénéfique en termes de comportement suicidaire a été suggéré pour le lithium. Dans une revue systématique sur 32 essais recrutant des patients souffrant de troubles de l’humeur, le lithium s’est avéré plus efficace que le placebo sur le risque de suicide, d’automutilation délibérée et de mortalité toutes causes confondues, même si ces différences n’étaient pas statistiquement significatives [76].

Certaines limites de cette revue systématique doivent être gardées à l’esprit, notamment le fait que les essais inclus n’étaient pas principalement conçus pour mesurer ce résultat et des populations de patients hétérogènes ont été recrutées, y compris des patients unipolaires et bipolaires.

Une autre méta-analyse s’est concentrée spécifiquement sur des patients présentant un trouble dépressif majeur unipolaire récurrent et a suggéré pour le lithium un effet antisuicide d’une ampleur similaire à celui observé dans les troubles bipolaires [77].

En vue de mieux comprendre l’efficacité du lithium dans le traitement des troubles dépressifs pharmacorésistants, il apparait opportun de s’intéresser à ses différentes actions.

Régulation du signal AMP cyclique par la protéine G

Les récepteurs de surface cellulaire transforment leurs signaux en signaux secondaires dans les cellules via les protéines G. Les protéines G sont des molécules dans les cellules composées de trois sous-unités (α, β et γ) qui interagissent pour transférer un signal des récepteurs membranaires extracellulaires à l’intérieur de la cellule. Ainsi, les protéines G couplent les neurotransmetteurs, via leurs récepteurs, à des cascades de signalisation intracellulaire impliquées dans de nombreux processus cellulaires, notamment la croissance, la différenciation, le métabolisme et la plasticité synaptique [78].

Un grand nombre de recherches impliquent des effets possibles du lithium sur la signalisation médiée par la protéine G [74,76,77]. Ces études ont permis de découvrir la capacité du signal médié par le récepteur à se propager via les protéines G (couplage protéine-récepteur G) à diminuer après un traitement au lithium. De plus, l’hyperactivité induite par la toxine cholérique est diminuée par l’administration de lithium.

Il existe aussi des preuves suggérant une augmentation de l’activité de l’AMP cyclique basale [79,80]. Dans ce contexte, il a été suggéré que le lithium stimule à la fois l’activité basale et inhibe l’adénylate cyclase stimulée, potentiellement résultant de la stabilisation de la conformation de la protéine G inactive (α, β, γ). De plus, il a été démontré que le lithium chronique augmentait non seulement les niveaux d’AMP de base, mais également les niveaux d’ARNm et de protéines de l’adénylate cyclase de type I et de type II dans le cortex frontal, ce qui suggère que les effets complexes du lithium sur le système peuvent représenter les effets nets de l’inhibition directe de l’adénylate cyclase, de la régulation à la hausse des sous-types d’adénylate cyclase et des effets sur les protéines G stimulatrices et inhibitrices. Il s’agit d’un rôle qui correspond théoriquement à l’effet du lithium sur la stabilisation des épisodes affectifs spontanés ou dus au stress [79,80].

Inhibition des enzymes impliquées dans la voie de signalisation du phosphoinositol

Le lithium inhibe un petit groupe d’enzymes phosphomonoestérases dépendantes du magnésium qui comprend l’inositol polyphosphate 1-phosphatase (IPPase) et l’inositol monophosphate phosphatase (IMPase). L’effet direct du lithium sur l’IMPase et secondairement sur l’IPPase a conduit à l’hypothèse selon laquelle le lithium est impliqué dans la déplétion en inositol [77,79]. L’IMPase est l’inositol polyphosphate phosphatase finale avant la conversion en inositol, tandis que l’IPPase élimine un phosphate de l’inositol-1,4-bisphosphate, à un stade juste avant l’IMPase. Les deux sont des étapes critiques dans le maintien de la cascade de signalisation phosphoinositol.

Après l’activation médiée par le récepteur couplé à la protéine G de la phospholipase C, la phospholipase phosphoinositide 4,5-bisphosphate (PIP2) est hydrolysée pour former du diacylglycérol (DAG) et de l’inositol-1,4,5-triphosphate (IP3). L’IPPase et l’IMPase sont ensuite impliquées dans le recyclage du diacylglycérol (DAG) et de l’inositol-1,4,5-triphosphate (IP3) en PIP2 [79].

Plus précisément, l’hypothèse d’appauvrissement en inositol grâce à laction du lithium suggère que le lithium, via l’inhibition de l’IMPase, diminue la disponibilité du myo-inositol, et donc la quantité de PIP2 disponible pour les événements de signalisation médiés par la protéine G qui reposent sur cette voie. Il est supposé que le cerveau serait particulièrement sensible au lithium, en raison de la pénétration relativement faible du myo-inositol à travers la barrière hémato-encéphalique [79].

Cette action du lithium sur l’inhibition des enzymes impliquées dans la voie de signalisation du phosphoinositol ajoutera au corpus de données identifiant les cascades de signalisation intracellulaire du SNC comme cibles pour les stabilisateurs de l’humeur, et pourraient finalement conduire au développement de nouvelles thérapies plus spécifiques pour les troubles dépressifs pharmacorésistants.

Diminution du renouvellement de l’acide arachidonique

L’acide arachidonique fonctionne comme un médiateur important des deuxièmes voies de messager dans le cerveau. Il est libéré des phospholipides membranaires via l’activation initiée par le récepteur / protéine G de la phospholipase A2. Cette action entraine la libération d’acide arachidonique de la membrane cellulaire et la formation subséquente d’un certain nombre de métabolites eicosanoïdes tels que les prostaglandines et les thromboxanes. Ces métabolites assurent la médiation de nombreuses réponses intracellulaires ultérieures et, en raison de leur nature perméable aux lipides, des réponses trans-synaptiques [78].

Le métabolisme de l’acide arachidonique comme cible des normothymiques est suggéré par une étude montrant que le traitement chronique au lithium chez les rats entraine des réductions sélectives du taux de renouvellement des phospholipides cérébraux d’acide arachidonique [81]. Dans le cas du lithium, la réduction était de 80%, et il a également été démontré par la suite que le lithium régulait à la baisse l’expression génique et les taux de protéines d’une phospholipase A2 spécifique de l’acide arachidonique.

Il convient de préciser qu’un autre type de normothymique, notamment le valproate a également réduit le renouvellement d’acide arachidonique de 33% [68].

Neuroprotection

Des études suggèrent que le lithium peut avoir des qualités neuroprotectrices [79,80,81]. Dans ce contexte, il a été suggéré que le lithium exerçait des effets protecteurs sur les cellules neuronales.

Le lithium est protecteur dans de nombreux paradigmes pro-apoptotiques en culture cellulaire et dans des modèles animaux. Il a été relevé que le lithium protège contre l’état des dommages après l’occlusion de l’artère cérébrale moyenne chez le rat et supprime les lésions striatales induites par l’acide quinolinique induites par l’excitotoxicité [79,81].

Les cibles du lithium en tant que normothymique

Le lithium est utilisé en clinique depuis plus de 50 ans et a fourni le premier traitement pharmaceutique disponible pour les troubles de santé mentale. Un certain nombre de cibles initiales pour les actions du lithium en tant que normothymique a été identifié [63].

Le lithium exerce ses effets initiaux en ciblant l’activité d’une enzyme, ou peut-être de plusieurs enzymes, dans les cellules. Le lithium a un rayon ionique hydraté qui est très similaire à celui du magnésium, et il inhibe certaines enzymes par compétition pour ce cofacteur requis [63].

Ainsi, les effets multiples du lithium, et plus généralement d’autres normothymiques, sur les systèmes biologiques peuvent éventuellement remonter à quelques événements initiaux. Il a été démontré que le lithium a un certain degré d’inhibition d’un certain nombre d’enzymes. Le lithium inhibe un groupe d’au moins quatre phosphomonoestérases apparentées, l’enzyme métabolique phosphoglucomutase, et une kinase cruciale qui joue le rôle d’intermédiaire dans de nombreuses voies de signalisation intracellulaires, la glycogène synthase kinase-3 [63,73].

  • Le valproate

Différentes études démontrant le potentiel thérapeutique du valproate dans la dépression unipolaire, la dépression avec anxiété et la dépression avec des caractéristiques atypiques ont été publiées [68,82].

Le potentiel thérapeutique du valproate dans la dépression a attiré beaucoup d’attention en raison de l’identification de l’implication de certains mécanismes épigénétiques du valproate dans la dépression majeure et le fait que le médicament induit une reprogrammation épigénétique généralisée par l’inhibition de l’enzyme histone désacétylase [68,82].

Par conséquent, l’hypothèse peut être émise selon laquelle le valproate pourrait constituer une option pharmacologique permettant d’atténuer la vulnérabilité induite par l’épigénétique chez les patients atteints de troubles dépressifs pharmacorésistants.

Une étude s’est intéressée aux effets du valproate chez des patients atteints de troubles dépressifs sévères et pharmacorésistants n’ayant pas répondu à au moins deux essais d’antidépresseurs et de diverses combinaisons [83].

Cette a permis de relever que le valproate représente un traitement complémentaire prometteur pour les patients atteints de troubles dépressifs sévères et pharmacorésistants, du fait qu’il entraine une amélioration clinique significative après 1 mois de traitement. De plus, le valproate a permis de permettre à des patients gravement malades d’attendre la rémission après 7 mois de traitement, sans implique par la suite une rechute. L’étude a également mis en évidence le fait que le valrpoate a permis de diminuer les symptômes dépressifs chez ces patients souffrant de troubles dépressifs pharmacorésistants [83].

Dans cette étude, bien que le mécanisme exact du valproate dans la dépression n’est pas précis, différentes hypothèses ont été émises en ce qui concerne son efficacité dans le traitement des troubles dépressifs pharmacorésistants [83] :

  • L’efficacité du valproate est due à ses effets sur le système glutamate, et plus particulièrement sur les récepteurs NMDA / AMPA impliqués dans la dépression
  • Le valproate est efficace compte tenu de ses effets épigénétiques, y compris l’induction d’une hyperacétylation liée à la dose de l’histone H3.
  • Le valproate a la capacité de modifier la méthylation de l’ADN pour atteindre un certain équilibre.

En Chine, le valproate constitue le normothymique favorisé dans le traitement des troubles dépressifs pharmacorésistants. Une méta-analyse a été réalisée dans ce contexte en vue d’apprécier son efficacité [84].

Il a ainsi été observé que le valproate constitue un traitement efficace pour la dépression pharmacorésistante. En effet, l’administration chronique de valproate réduit la signalisation et la fonction des glucocorticoïdes dans l’hippocampe, ce qui constitue l’un de ses mécanismes [84]. Il convient toutefois d’identifier les principaux mécanismes du valproate.

Régulation du signal AMP cyclique par la protéine G

Bien que différentes études qui décrivent les effets du lithium sur la signalisation couplée aux protéines G et/ou médiée par l’AMP cyclique, une seule étude concerne le valproate [85].

Cette étude a révélé qu’à des concentrations thérapeutiquement pertinentes dans un modèle de lignée cellulaire, le valproate permettait de diminuer la densité des récepteurs bêta-adrénergiques et atténuait la production d’AMP cyclique stimulée par les récepteurs et post-récepteurs. Ainsi, le valproate peut exercer un effet sur la signalisation AMP cyclique à plusieurs niveaux, ce qui lui confère les caractéristiques d’un normothymique [85].

Les cibles du valproate en tant que normothymique

Le valproate aprésenté un intérêt particulier dès lors que son efficacité potentielle a été identifiée à partir de ses effets antimaniques à travers la facilitation de l’activité des neurotransmetteurs inhibiteurs comme le GABA. Le valproate est reconnu comme efficace dans les phases maniaques aiguës et constitue une prophylaxie dans les futurs épisodes maniaques. Le mécanisme peut être via ses effets antiépileptiques ou via un mécanisme totalement indépendant. Le valproate inhibe l’activation des canaux sodiques à des fréquences élevées et inhibe également l’activité de certaines enzymes [68,84].

Une des principales hypothèses concernant la façon dont le valrpoate exerce ses effets anticonvulsivants est l’augmentation de la disponibilité du GABA dans les synapses GABAergiques. Le GABA inhibe la décharge excessive des synapses, inhibant ainsi l’activité épileptogène. De plus, le valproate, à des concentrations thérapeutiques, est un inhibiteur de la succinate semialdéhyde déshydrogénase (SSADH). Cette enzyme est essentielle pour le shunt GABA, une série enzymatique de réactions qui produit à la fois du glutamate et du GABA en contournant une partie du cycle de l’acide tricarboxylique (TCA). La GABA transaminase (GABA-T) convertit le GABA en succinate semialdéhyde (SSA), qui est ensuite converti en succinate par SSADH. L’effet du valproate sur le SSADH devrait augmenter les niveaux de SSA, qui a un fort effet inhibiteur sur l’activité du GABA-T. Ainsi, la concentration de GABA augmenterait lorsque le GABA-T est inhibé par une concentration croissante de SSA. Il est alors possible que le valproate exerce ses effets antimaniques via l’inhibition de SSADH [68,84].

3.     Autres antiépileptiques

  • Présentation

Les antiépileptiques, appelés également anticonvulsivants, sont des médicaments qui sont utilisés dans le traitement des crises d’épilepsie, notamment en vue de les réduire ou de les supprimer [86]. Les antiépileptiques sont aussi largement utilisés dans certaines pathologies psychiatriques, dont principalement les troubles bipolaires. Les autres pathologies sont les troubles de panique et d’anxiété, les syndromes de sevrage liés à l’alcool et aux benzodiazépines, la démence, les troubles affectifs (dépression), la schizophrénie, et les troubles de la personnalité. Dans le domaine psychiatrique, les antiépileptiques permettent également d’améliorer des symptômes spécifiques de troubles psychiatriques, et ce, indépendamment de leur causalité et de la pathologie sous-jacente. C’est notamment le cas de l’agression et des troubles cognitifs [86,87].

Les médicaments utilisés dans les troubles neuropsychiatriques agissent généralement sur les symptômes. Les antiépileptiques n’interviennent pas uniquement dans la prévention ou l’arrêt d’une crise, mais peuvent aussi constituer des régulateurs de l’humeur, de la peur ou de l’anxiété. Ce phénomène est dû au fait qu’il existe un lien étroit entre l’épilepsie et les fonctions cérébrales émotionnelles et comportementales [87].

Les premières observations décrivant les effets positifs et stabilisateurs de l’humeur des antiépileptiques ont été découvertes dans les années 1960. Une étude observationnelle a permis de séparer leurs effets sur l’humeur de leur efficacité antiépileptique [88]. Aujourd’hui, l’efficacité des antiépileptiques dans la stabilisation de l’humeur est de plus en plus soutenue [86-88]. Plus récemment, les antiépileptiques nouvellement développés ont également été testés plus rigoureusement dans les états d’anxiété et de dépression, au point que certains des antiépileptiques les plus récents sont plus fréquemment utilisés dans le traitement de l’anxiété et de la dépression que l’épilepsie [99].

Un lien commun entre les différentes indications où les antiépileptiques sont utilisés peut être un état sous-jacent d’hyperexcitabilité pouvant se manifester par des troubles du sommeil, des sautes d’humeur, de la colère ou de l’impulsivité [86]. Il existe plusieurs hypothèses sur une physiopathologie sous-jacente commune, mais des flux excessifs de sodium et de calcium peuvent être impliqués à la fois dans l’épilepsie et les troubles. Plusieurs antiépileptiques, dont la carbamazépine, le valproate, la lamotrogine et la phénytoïne, ont un effet régulateur sur ces flux ioniques [86,87]. Les effets des antidépresseurs peuvent également être expliqués, au moins en partie, par la modulation de la sérotonine (valproate et lamotrigine), de la dopamine (valproate), de la noradrénaline (lamotrigine) et de l’activité hypothalamo-hypophysaire (lamotrigine) [90].

  • Effets indésirables

En matière d’effets indésirables, les médicaments antiépileptiques peuvent provoquer certaines réactions qui leur sont communes ou individuelles, dont essentiellement : modifications cosmétiques (grossissement du faciès, prolifération des gencives, hirsutisme), neuropathie périphérique, réactions d’hypersensibilité, problèmes gastro-intestinaux, changements visuels, hyponatrémie, leucopénie, éruptions médicamenteuses, hypersalivation, prise de poids, changements endocriniens, tremblements, perte de cheveux, pancréatite, anorexie et perte de poids, insomnie, anémie aplasique, insuffisance hépatique, hyperactivité ou comportement agressif, éruption cutanée, problèmes cognitifs (troubles de la parole), anomalies du comportement, calculs rénaux, paresthésies [86,87,89].

  • Autres antiépileptiques utilisés dans le traitement des troubles dépressifs pharmacorésistants

Les antidépresseurs ont amélioré le traitement des troubles dépressifs majeurs, mais une réponse incomplète, une morbidité prolongée, des récidives, une agitation, une toxicomanie, une surmortalité médicale et un suicide restent des problèmes non résolus chez les patients souffrant de troubles de l’humeur, et plus particulièrement lorsque les troubles dépressifs sont pharmacorésistants [9,16,34]. Plusieurs antiépileptiques utilisés pour traiter le trouble bipolaire pourraient également être utiles pour la dépression pharmacorésistante, comme il est présenté ci-après.

  • Le topiramate

Dans une étude en double aveugle contrôlée par placebo, le topiramate a semblé être un agent efficace dans la réduction des symptômes dépressifs et de la colère chez les femmes modérément déprimées. Bien que ces résultats n’aient pas encore été reproduits, il a été considéré que le topiramate peut contribuer à la réduction des symptômes liés à la dépression pharmacorésistante [90].

  • La gabapentine

La gapabentine est un médicament antiépileptique qui est également été utilisée en psychiatrie pour traiter les patients souffrant de troubles de l’humeur, d’anxiété et dépressifs pharmacorésistants, ainsi que de sevrage alcoolique et de stress post-traumatique. Elle agit en diminuant l’excitation anormale dans le cerveau pour les crises et en modifiant la façon dont le corps ressent la douleur pour les douleurs nerveuses [91].

Différentes preuves soulignent l’utilisation de la gabapentine dans le traitement de la dépression pharmacorésistante. Un rapport a mis en évidence le fait qu’une patiente souffrant de dépression récurrente, de somatisation et de douleur a répondu positivement à la gabapentine, car sa prise à hauteur de 1 800 mg par jour a permis une amélioration de la douleur et des symptômes dépressifs [92].

Une autre étude suggère que les patients atteints d’épilepsie courent un risque accru de dépression, notamment en raison de facteurs à la fois psychosociaux et neurologiques. Dans le cadre de cette étude, 40 patients épileptiques ont été traités avec la gabapentine ou avec un traitement antiépileptique standard. Après 3 mois de traitement par gabapentine (dose journalière moyenne de 1 615 mg), les patients ont noté une amélioration de l’humeur qui est supérieure par rapport aux témoins [93].

  • La tiabagine

Comme évoqué dans les parties précédentes, le GABA joue un rôle clé dans la physiopathologie et le traitement de la dépression [66]. La tiagabine, un inhibiteur sélectif du recaptage du GABA (ISRG) qui améliore le tonus normal du GABA, a été évaluée pour son efficacité et son innocuité dans le traitement de la dépression associée à une anxiété significative. Dans ce contexte, une étude sur des patients atteints de troubles dépressifs majeurs et d’importante anxiété a été réalisée. Ces patients ont reçu de la tiagabine en monothérapie (allant de 4 mg à 20 mg par jour). La tiagabine a amélioré de manière significative les symptômes dépressifs ainsi que l’anxiété de ces patients [94].

  • La lamotrigine (lamictal)

La lamotrigine fait partie des autres antiépileptiques et peut être intéressante pour le traitement de la dépression réfractaire [95]. Différentes études (revues rétrospectives des dossiers, études d’augmentation contrôlée) soutiennent un effet antidépresseur de la lamotrigine dans les troubles dépressifs pharmacorésistants.

En 2002, une revue rétrospective a été réalisée en vue de mettre en évidence l’efficacité de la lamotrigine chez 37 patients souffrant de troubles dépressifs pharmacorésistants. 31 patients ont terminé l’étude, les 6 autres ayant abandonné. La dose moyenne de lamotrigine reçue par les patients était de 112,90 mg par jour sur une durée moyenne de 41,80 semaines. Les résultats de l’étude ont permis de relever trois catégories de réponses : une grande amélioration (40,5% des patients), une légère amélioration (21,6% des patients), et une situation inchangée (37,8% des patients). L’étude souligne également le fait que la lamotrigine présente plus d’efficacité lorsque les périodes de dépression sont courtes [96].

En 2005, l’efficacité de la lamotrigine dans le traitement des troubles dépressifs pharmacorésistants par augmentation d’antidépresseurs a également été mise en évidence. 34 patients présentant une dépression pharmacorésistante ont bénéficié d’un ajout de lamotrigine (43 mg à 113 mg par jour à leur régime antidépresseur). A l’issue du traitement, une réduction statistiquement significative des scores a été observée en ce qui concerne l’humeur dépressive, la perte d’intérêt, l’anxiété, l’irritabilité, la (faible) énergie et les troubles cognitifs [97].

En 2009, une autre étude a été réalisée en vue de comparer l’efficacité de la lamotrigine dans le traitement de la dépression pharmacorésistante par rapport à celle du lithium. L’étude comprenait 88 patients atteints de troubles dépressifs pharmacorésistants. Chacun de ces patients ont reçu dans un premier temps des antidépresseurs à pleine dose thérapeutique. Ensuite, un groupe de patients a reçu de la lamotrigine (50 mg à 200 mg par jour) et un autre groupe du lithium (600 mg à 120 mg par jour). Le traitement a duré 8 semaines, à l’issue desquelles une amélioration clinique significative a été observée auprès des patients ayant bénéficié d’un traitement par lamotrigine, notamment en ce qui concerne l’humeur dépressive, le travail et l’intérêt. Ainsi, en augmentation des antidépresseurs, la lamotrigine peut contribuer au traitement des troubles dépressifs pharmacorésistants. De même, il a été relevé qu’elle permet d’accélérer l’action des antidépresseurs en début de traitement [98].

Plus récemment en 2019, une méta-analyse a été menée en vue d’évaluer les effets thérapeutiques de l’augmentation par la lamotrigine auprès de patients souffrant de troubles dépressifs pharmacorésistants. Au total, 677 patients ont été identifiés. Il a alors été observé que la lamotrigine se présente comme efficace dans le traitement de la dépression pharmacorésistante, mais surtout lorsqu’elle est associée à des ISRS plutôt qu’à des ISRN [99].

4.     Hormones thyroïdiennes

Les hormones thyroïdiennes sont des hormones produites par la glande thyroïde. Leur principale action est le contrôle du métabolisme, de la croissance et de nombreuses autres fonctions corporelles. Les principales hormones produites par la glande thyroïde sont la thyroxine ou tétra-iodothyronine (T4) et la triiodothyronine (T3) [100].

Cette section est destinée à présenter une toute autre action de ces hormones, notamment en ce qui concerne le traitement des troubles dépressifs pharmacorésistants.

  • Présentation

Plusieurs anomalies thyroïdiennes ont été associées à des troubles de l’humeur, en particulier à la dépression [101-102]. Néanmoins, la grande majorité des patients souffrant de dépression n’ont pas de preuves biochimiques de dysfonctionnement thyroïdien. Lorsque des anomalies thyroïdiennes existent, elles consistent principalement en des taux élevés de T4, une faible T3, ou encore à la présence d’anticorps antithyroïdiens positifs. Un état d’hypothyroïdie cérébrale a été suggéré comme étant à l’origine de la dépression, ce phénomène pouvant résulter d’un défaut de récepteur de l’hormone thyroïdienne ou encore du transport et de l’absorption des hormones thyroïdiennes dans le cerveau et les cellules neuronales [103-104].

Les hormones thyroïdiennes sont utilisées en complément du traitement antidépresseur depuis la fin des années 1960 pour accélérer la réponse clinique aux antidépresseurs (accélération) et pour potentialiser la réponse clinique chez les non-répondeurs aux antidépresseurs (augmentation) [100].

  • Effets indésirables

Les effets indésirables des hormones thyroïdiennes varient selon que la glande thyroïde soit en sous-activité ou en suractivité. Une glande thyroïde sous-active entraine l’hypothyroïdie. Elle se manifeste généralement par une bradycardie, une intolérance au froid, une constipation, une fatigue et une prise de poids. L’hypothyroïdie peut entrainer une réduction l’activité sympathique conduisant à une diminution de la transpiration, à la bradycardie et à la constipation. Elle peut également entrainer une myopathie et une diminution du débit cardiaque [101].

Les patients atteints d’hypothyroïdie peuvent présenter un myxœdème provoqué par une diminution de la clairance des glycosaminoglycanes complexes et des acides hyaluroniques de la couche réticulaire du derme. Au stade initial, l’œdème non perforant est prétibial. Lorsque l’état d’hypothyroïdie persiste, les patients risquent de développer un œdème généralisé [101].

Tableau 4 : Symptômes de l’hypothyroïdie [101]

CatégoriesSymptômes
Symptômes liés à une diminution du taux métaboliqueBradycardie, fatigue, intolérance au froid, gain de poids, perte d’appétit, chute de cheveux, peau froide et sèche, constipation, myopathie, raideur, crampes,
Symptômes du myxœdème généraliséCardiopathie myxœdémateuse, visage bouffi, voix rauque accompagnée d’une difficulté à articuler les mots, œdème prétibial et périorbitaire
Symptômes de l’hyperprolactinémieAménorrhée ou ménorragie, galactorrhée, dysfonction érectile, infertilité chez l’homme, diminution de la libido
Autres symptômesDépression, troubles de la concentration et de la mémoire, goitre, hypertension
Hypothyroïdie congénitaleHernie ombilicale, hypotonie, jaunisse néonatale prolongée, mauvaise alimentation, adipsie (absence de soif), visage bouffi, langue protubérante

En revanche, une fonction accrue de la glande thyroïde cause l’hyperthyroïdie. Elle se manifeste par une perte de poids, une intolérance à la chaleur, une diarrhée, des tremblements fins et une faiblesse musculaire [102]. Les symptômes sont nombreux, comme il est présenté ci-après.

Tableau 5 : Symptômes de l’hyperthyroïdie [102]

CatégoriesSymptômes
GénéralIntolérance à la chaleur, perte de poids, augmentation de l’appétit, augmentation de la transpiration suite à la hausse du flux sanguin cutané, faiblesse, fatigue, onycholyse, myxœdème prétibial
ŒilRetard de la paupière, rétraction du couvercle, ophtalmopthie thyroïdienne (maladie de Graves)
CardiovasculaireTachycardie, palpitations, pouls irrégulier de la fibrillation auriculaire, hypertension, augmentation de la pression différentielle (augmentation de la pression systolique augmente et diminution de la pression diastolique), insuffisance cardiaque (patients âgés), douleur thoracique, rythmes cardiaques anormaux
Musculo-squelettiqueTremblements des doigts, myopathie affectant les muscles proximaux, ostéoporose causée par les effets directs de la T3 (risque de fractures chez les patients âgés)
Système neuropsychiatriqueAgitation, anxiété, dépression, instabilité émotionnelle, insomnie, hyperréflexie autonome

Ainsi, les hormones thyroïdiennes ont une influence sur la dépression, car en cas de surproduction ou de sous-production, la dépression constitue un effet indésirable.

  • Hormones thyroïdiennes utilisés dans le traitement des troubles pharmacorésistants

L’utilisation d’hormones thyroïdiennes, en particulier T3, en complément des antidépresseurs pour la gestion des troubles dépressifs pharmacorésistants a été approuvée dans différentes études, comme discuté plus en détail ci-après.

Une méta-analyse comprenant 8 études (n = 292) a mis en évidence le fait que l’augmentation de T3 était efficace chez les patients euthyroïdiens (la teneur d’hormone thyroïdienne dans le sang est normale) atteints de dépression pharmacorésistante. Dans cette méta-analyse, les patients ayant reçu une augmentation en T3 des ATC étaient deux fois plus susceptibles de répondre au traitement (taux de réponse de 23,2%) que les patients traités par placebo. Ainsi, l’augmentation de la T3 est significativement plus efficace que le placebo pour accélérer la réponse clinique [105].

En outre, le rôle de la T3 en tant que stratégie d’augmentation des ISRS dans la dépression pharmacorésistante a été examiné. Dans une étude évaluant les agents antidépresseurs les plus récents et les plus tolérables, les ISRS en association avec la T3 ont donné des résultats confusionnels. Il a été conclu que l’initiation simultanée de T3 et d’ISRS n’est pas significativement plus susceptible d’accélérer ou d’améliorer la réponse clinique chez les patients souffrant de troubles dépressifs pharmacorésistants par rapport à la monothérapie ISRS. Cependant, les auteurs ont suggéré que la combinaison T3 et ISRS pourrait être efficace chez un sous-ensemble de patients déprimés, y compris ceux souffrant de dépression atypique [106].

L’augmentation des hormones thyroïdiennes peut alors améliorer la réponse ATC, mais pas celle des ISRS [107].

Ainsi, la supplémentation en hormones thyroïdiennes (généralement T3, mais parfois T4) est une autre stratégie d’augmentation plus ancienne et couramment utilisée. Son avantage est qu’elle a généralement tendance à être bien tolérée et présente un profil d’effets secondaires favorable. Le mécanisme d’action n’est pas clair, mais l’augmentation de la thyroïde peut améliorer la neurotransmission noradrénergique [100]. Une autre hypothèse est que la supplémentation thyroïdienne corrige une carence bioénergétique dans le cerveau qui se manifeste par une dépression, une théorie soutenue par la spectroscopie par résonance magnétique montrant une amélioration du nucléoside triphosphate cérébral (un marqueur des niveaux d’adénosine triphosphate ou ATP, la principale source d’énergie cellulaire) au cours de l’augmentation en T3 [108].

Afin d’évaluer l’efficacité des hormones thyroïdiennes par rapport à d’autres traitements (rispéridone, buspirone, valproate, trazodone) chez les patients atteints de troubles dépressifs pharmacorésistants, 225 patients d’origine chinoise ont été randomisés en vue de recevoir un traitement de 8 semaines par paroxétine (20 mg par jour) augmenté avec les médicaments suivants [109] :

  • 45 patients ont reçu une dose journalière de 2 mg de rispéridone ;
  • 39 patients ont reçu une dose journalière de 600 mg de valproate ;
  • 46 patients ont reçu une dose journalière de 30 mg de buspirone ;
  • 47 patients ont reçu une dose journalière de 100 mg de trazodone ; et
  • 48 patients ont reçu une dose journalière de 80 mg d’hormones thyroïdiennes.

Les taux de rémission, définis comme critère de jugement principal, étaient les suivants [109] :

  •  26,7% pour la rispéridone ;
  • 48,7% pour le valproate ;
  • 32,6% pour la buspirone ;
  • 42,6% pour la trazodone ; et
  • 37,5% pour les hormones thyroïdiennes.

Ainsi, l’augmentation de la rispéridone, du valproate, de la buspirone, de la trazodone, et de l’hormone thyroïdienne en paroxétine à raison de 20 mg par jour a été efficace et bien tolérée par les patients chinois atteints de dépression pharmacorésistante [109].

Par ailleurs, les hormones thyroïdiennes constituent un traitement d’augmentation de première ligne (avec le lithium et les neuroleptiques atypiques) en matière de troubles dépressifs pharmacorésistants. Plus précisément, la T3 est préférée à la T4 en raison de sa bioactivité dans le SNC. De plus, l’augmentation par les hormones thyroïdiennes est plus sûre et mieux tolérée que celle par le lithium et présente généralement une acceptabilité élevée par le patient par rapport à de nombreux psychotropes [110].

III.           Pistes thérapeutiques

Plusieurs options thérapeutiques sont possibles dans le traitement des troubles dépressifs pharmacorésistants. Cependant, ces derniers constituent toujours une pathologie débilitante pouvant entrainer à une incapacité majeure. C’est la raison pour laquelle les recherches se poursuivent afin d’identifier le traitement le plus efficace.

Dans ce contexte, certaines pistes thérapeutiques ont été exploitées, et à l’heure actuelle, celle la plus étudiée est l’utilisation de la kétamine. Cette dernière partie aborde ainsi les différentes pistes thérapeutiques identifiées en matière de traitement de la dépression pharmacorésistante.

  • Les différentes pistes thérapeutiques

Dans le cadre du traitement des troubles dépressifs pharmacorésistants, différentes pistes thérapeutiques ont été envisagées et sont présentées ci-après.

  • Les agonistes des récepteurs de la mélatonine

Une revue de littérature systématique Cochrane réalisée en 2019 a mis en évidence le fait que la mélatonine présente une certaine efficacité dans le traitement des troubles affectifs saisonniers. Dans ce contexte, l’agomélatine, un antagoniste des récepteurs 5-HT2c et agoniste de la mélatonine, s’est révélée prometteuse dans plusieurs essais sur les effets des antidépresseurs [111].

Bien que dans les essais cliniques disponibles, les patients atteints de dépression pharmacorésistante aient été largement exclus, il s’agit d’une piste qu’il convient de prendre en compte dans les études futures.

  • Les médicaments récepteurs de l’acétylcholine

Les médicaments qui ont un impact sur le système des récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine se sont révélés prometteurs comme approche possible des troubles dépressifs pharmacorésistants, du fait de l’action simultanée des composés sélectifs nicotiniques et muscariniques. Les études initiales contrôlées par placebo de la monothérapie avec la scopolamine intraveineuse, un antagoniste muscarinique, se sont révélées positives pour les patients atteints de dépression pharmacorésistante [112].

Un essai contrôlé s’est porté sur la mécamylamine, un antagoniste des récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine. Cette dernière a été utilisée en augmentation du citalopram chez des patients dépressifs pharamcorésistants. Il a été relevé que les taux de réponse étaient plus élevés que chez les patients ayant été traités par placebo [113].

Une petite étude ouverte chez des patients fumeurs souffrants de troubles dépressifs pharmacorésistants a révélé des effets antidépresseurs de l’augmentation avec un agoniste partiel des récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine : la varénicline [114].

Ainsi, les médicaments qui affectent le système acétylcholine peuvent être des options futures pour le traitement des troubles dépressifs pharmacorésistants.

  • Les médicaments récepteurs du N-méthyl-D-aspartate (NMDA)

Des études sur les antagonistes des récepteurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA) dans le traitement de la dépression pharmacorésistante reflètent une reconnaissance des limites de l’hypothèse monoamine de dépression et un intérêt émergent pour le rôle de la fonction du glutamate dans la maladie psychiatrique [115].

La kétamine, un antagoniste des récepteurs NMDA utilisé en clinique comme anesthésique, a été évaluée, et un essai contrôlé par placebo sur la kétamine intraveineuse a montré des effets antidépresseurs significatifs qui se sont maintenus jusqu’à une semaine après la résolution de la période de dissociation initiale [115].

Depuis cette découverte initiale, plusieurs études sur la kétamine pour traiter les troubles dépressifs pharmacorésistants ont été entreprises et seront exposées ci-après.

  • La kétamine
  • Présentation

La kétamine est un anesthésique dissociatif. Elle a été développée comme une alternative plus sûre à la phencyclidine, un psychotrope hallucinogène, du fait qu’elle présente moins d’effets secondaires (hallucinations ou aux effets secondaires psychotiques désagréables). Les indications de la kétamine sont les suivantes [116] :

  • L’unique agent anesthésique destiné aux procédures diagnostiques et chirurgicales au cours desquelles la relaxation des muscles squelettiques n’est pas indispensable.
  • Inducteur d’anesthésie avant l’administration d’autres agents anesthésiques généraux.
  • Complément d’agents de faible puissance (oxyde nitreux).
  • Autres indications courantes : sédation en soins intensifs, analgésie et traitement du bronchospasme.

La kétamine est classée parmi les antagonistes des récepteurs NMDA. La kétamine a une influence sur l’humeur et la cognition, compte tenu des effets sur ces récepteurs et des effets directs de l’antagonisme NMDA. La kétamine est métabolisée en deux métabolites principaux, la norkétamine (NK), le métabolite initial et prédominant, et la déhydronorkétamine (DHNK), un métabolite mineur inactif [117].

La kétamine est principalement utilisée dans le traitement des épisodes sévères de douleur neuropathique réfractaire, souvent dans des situations où des doses croissantes d’opiacés ont entrainé une hyperalgésie sévère. En effet, l’efficacité analgésique de la kétamine persiste souvent au-delà de son effet anesthésique. La kétamine a été largement utilisée pour plusieurs états de douleur aiguës et chroniques en monothérapie ou comme traitement d’appoint aux opiacés. La kétamine est également efficace pour réduire les besoins en morphine dans les 24 heures suivant une chirurgie. Elle a aussi été utilisée dans le traitement de patients souffrant de douleurs réfractaires chroniques dues à un cancer ou pour réduire la douleur non réactive chez les patients présentant un syndrome douloureux régional complexe, une douleur neuropathique, une douleur orofaciale ou une douleur après une amputation d’un membre [118-119].

  • Mécanismes neuronaux sous-jacents à l’action antidépressive de la kétamine

En cas de troubles dépressifs majeurs, une alternance spécifique est observée dans un réseau de régions cérébrales préfrontales, sous-corticales et limbiques. La dépression majeure semble être caractérisée par une activité ou une sensibilité accrue aux stimuli négatifs dans les régions sous-corticales et limbiques qui traitent les émotions. Les systèmes chargés d’émettre de monoamine, d’acides aminés, de neuropeptides et neuroendocriniens influencent les symptômes comportementaux par leur impact sur le fonctionnement neuronal dans ces neurocircuits critiques. Dans ce contexte, la kétamine exerce ses effets antidépresseurs à travers son impact sur l’équilibre du fonctionnement de ces systèmes de traitement et de régulation de l’humeur par deux types d’effets : directement sur le système glutamate et indirectement sur d’autres systèmes neurochimiques. Plus précisément, la kétamine est supposée déplacer l’équilibre de l’activité neurale des structures de traitement des émotions limbiques et sous-corticales vers les structures de régulation corticale, y compris les régions médiales et latérales du cortex préfrontal [120].

La kétamine assure la facilitation de l’activation neuronale dans les régions du cortex préfrontal chez l’homme. De plus, la kétamine permet d’augmenter la transmission glutamatergique excitatrice dans les régions corticales chez les animaux. Une activité accrue au sein du cortex préfrontal est également observée après un traitement réussi avec un antidépresseur, soutenant que le mécanisme antidépresseur potentiel de la kétamine serait l’amélioration de l’activité du cortex préfrontal [121].

Ces résultats suggèrent alors que la capacité de la kétamine à atténuer les réponses limbiques aux stimuli émotionnels négatifs peut être liée à son mécanisme d’action antidépresseur, similaire à ce qui a été rapporté pour les antidépresseurs conventionnels [120-121].

  • Etudes cliniques sur l’action de la kétamine sur les troubles de l’humeur

Un rapport chez des patients souffrant de troubles de l’humeur a souligné un effet antidépresseur rapide après une dose unique de kétamine. Dans ce contexte, les patients (n=8) ont reçu du chlorhydrate de kétamine (perfusion de 0,5 mg / kg en 40 minutes) ou une solution saline dans des conditions randomisées en double aveugle, dans une conception croisée. Le but principal était de tester la kétamine comme sonde pharmacologique de la fonction des récepteurs NMDA. La kétamine a considérablement réduit le niveau de dépression des patients en 4 heures. Des réductions supplémentaires ont été observées 24, 48 et 72 heures après la perfusion [122].

La kétamine n’induit aucun effet élévateur d’humeur non spécifique, au contraire, elle cible directement les symptômes dépressifs fondamentaux, notamment la tristesse, la suicidalité, et l’impuissance [122]. Ces résultats suggèrent qu’une seule perfusion sous-anesthésique de kétamine pourrait générer une réponse antidépressive rapide et relativement soutenue.

La kétamine a pareillement un impact sur les idées suicidaires. Une analyse s’intéressant à l’action de la kétamine dans la dépression pharmacorésistante a révélé que la kétamine (0,5 mg / kg sur 40 minutes) était associée à une réduction rapide des cognitions suicidaires explicites et implicites dans les 24 heures suivant la perfusion [121.

  • La kétamine dans le traitement des troubles dépressifs pharmacorésistants

La kétamine, administrée à doses répétées, constitue une stratégie potentielle de continuation des antidépresseurs pour les patients qui présentent une réponse initiale à la perfusion de kétamine. Pour piloter cette stratégie, de la kétamine à doses répétées en ouvert a été administrée à 10 patients atteints de troubles dépressifs pharmacorésistants pendant 2 semaines. Il est à préciser que ces n’avaient pas répondu à une moyenne de huit antidépresseurs au cours de leur vie. Dans l’ensemble, l’innocuité de la kétamine à doses répétées pour traiter la dépression pharmacorésistante a été démontrée, au moins pour six perfusions sur 2 semaines [123].

L’efficacité de la kétamine dans la prise en charge des troubles dépressifs pharmacorésistants est identifiée à partir de diverses études qui sont présentées ci-dessous.

Des études ouvertes ont été menées pour évaluer l’efficacité de la kétamine.

Différentes études prospectives à dose unique ou multiple, ouvertes et randomisées, en double aveugle, contrôlées versus placebo ou contrôle actif, ont rapporté l’efficacité de la kétamine chez les patients atteints de dépression pharmacorésistante [121-123].

Dans un échantillon de 26 patients, 65% ont répondu favorablement à la kétamine 24 heures après la perfusion [124].

Dans une autre étude, il a été relevé que 42 patients souffrant de troubles dépressifs pharmacorésistants avaient significativement amélioré les scores MADRS par rapport au départ après une seule perfusion intraveineuse de kétamine (0,5 mg / kg) [125].

Des études randomisées ou contrôlées ont également été menées.

Dans une étude en double aveugle contrôlée par placebo, 18 patients souffrant de dépression pharmacorésistante ont ressenti une amélioration significative après l’administration de kétamine par rapport au placebo. Parmi ces patients, 71% ont répondu positivement au traitement [126].

Dans une étude randomisée en double aveugle avec contrôle actif, 73 patients atteints de dépression pharmacorésistante ont reçu une perfusion à dose unique de kétamine ou de midazolam. Il a été relevé que les patients ayant été traité par kétamine ont eu une amélioration du score de MADRS plus importante que ceux ayant été traités par midazolam, et ce, 24 heures après le traitement [127].

Les effets neurobiologiques et le mécanisme d’action de la kétamine dans la dépression pharmacorésistante ont été analysés à travers une étude clinique.

Sur un échantillon de 26 patients atteints de troubles dépressifs pharmacorésistants, ceux qui avaient des antécédents familiaux de dépendance à l’alcool ont fait état d’amélioration significative plus importante de leur score MADRS que les autres patients, après réception de la perfusion de kétamine. Ces résultats impliquent que la kétamine crée un stimulus qui évoque des réponses corticales somatosensorielles [128].

La kétamine a un impact sur la suicidalité chez les patients souffrant de dépression pharmacorésistante.

14 patients dépressifs pharmacorésistants et présentant des idées suicidaires ont reçu une dose unique d’intraveineuse de kétamine à raison de 0,2 mg par kg. Un suivi quotidien de 10 jours a été réalisé sur ces patients, et non seulement les scores MADRS moyens ont connu une amélioration significative, mais également les scores de suicide [129].

Dans une étude ouverte de 33 patients atteints de dépression pharmacorésistante et suicidaire, une diminution des scores d’échelle pour l’idéation de suicide a été observée dans les 40 minutes suivant la perfusion de kétamine (0,5 mg / kg). Cette mesure est restée significativement réduite tout au long de la période post-perfusion de quatre heures [130].

En 2015, une étude décrivant l’innocuité, la tolérabilité et l’acceptabilité de la kétamine dans le traitement des troubles dépressifs pharmacorésistants sur 97 patients a été réalisée. A l’issue de l’étude, des effets indésirables ont été relevés au cours des 4 premières heures après la perfusion pour 1,95% des patients, notamment l’étourdissement, la somnolence, une vision floue, une mauvaise coordination, et une sensation étrange. Par ailleurs, aucun effet médical ni effet psychotomimétique persistant n’a été relevé. Ces résultats suggèrent que la kétamine est sûre et bien tolérée par les patients qui souffrent de dépression pharmacorésistante [131].

Ces différentes études ont mis en évidence l’efficacité de la kétamine chez les patients souffrant de dépression pharmacorésistante. Cependant, cet effet n’est pas encore maintenu à long terme. Ainsi, une étude rapporte l’utilisation clinique de perfusions de kétamine d’entretien dans un groupe de patients atteints de troubles dépressifs pharmacorésistants. L’étude s’est intéressé à 11 patients qui ont reçu des perfusions d’entretien de kétamine (traitements au-delà d’une série initiale de jusqu’à 8 perfusions). Chez l’ensemble des patients, une réduction de leur score Beck Depression Inventory II (BDI-II) après un traitement aigu et un score BDI-II médian inférieur à leur score BDI-II de base pendant leurs traitements d’entretien ont été relevés. Aucun effet indésirable majeur n’a été relevé chez les patients tout au long de l’étude. Les traitements d’entretien à la kétamine constituent alors une stratégie efficace pour maintenir la réponse au traitement chez les patients atteints de dépression pharmacorésistante ayant réagi à la kétamine [132].

Conclusion

La dépression est un trouble psychiatrique courant qui affecte des millions de personnes dans le monde. Les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS) ciblent le système monoaminergique et constituent les médicaments les plus couramment utilisés pour traiter la dépression. Cepdendant, les ISRS présentent certaines limites, compte tenu du retard d’action constaté en début de leur utilisation. Des patients peuvent également montrer une résistance au traitement, leur exposant à des troubles dépressifs pharmacorésistants.

Plusieurs défis accompagnent alors le traitement des troubles dépressifs pharmacorésistants. Plusieurs approches, à la fois traditionnelles et nouvelles, ont été développées afin de comprendre la dépression pharmacorésistante en tant que maladie, de proposer un traitement adéquat, et d’assurer une réponse soutenue ou une rémission continue.

Parmi ces approches, il a été observé que les neuroleptiques, les normothymiques, les autres antiépileptiques et les hormones thyroïdiennes constituent les traitements les plus utilisés. En termes de pistes thérapeutiques, il a été démontré qu’à l’heure actuelle, la kétamine joue un rôle fondamental dans le traitement des patients atteints de troubles dépressifs pharmacorésistants, en élucidant des informations nouvelles et intrigantes sur la neurobiologie de cette pathologie complexe.

Différentes études ont mis en évidence le fait que la kétamine peut être efficace non seulement chez les patients atteints de troubles dépressifs pharmacorésistants, mais également en cas de suicidalité. Des études futures sont toutefois recommandées afin de tester l’efficacité de la kétamine par rapport à d’autres comparateurs actifs comme les combinaisons antidépresseurs-antipsychotiques ou encore la thérapie électroconvulsive.

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[1] Classification statistique Internationale des Maladies et des problèmes de santé connexes.

[2] Manuel Diagnostic et statistique des troubles mentaux, 5ème édition, est un ouvrage, publié par L’American Psychiatric Association, qui propose un répertoire des troubles mentaux et fournit des outils pour le diagnostic des pathologies psychiatriques.

[3] La personne peut déclarer se sentir triste, vide, sans espoir.

[4] Sous la forme de pleurs par exemple.

[5] Par exemple modification du poids corporel excédant 5% en un mois.

[6] Cette exclusion ne s’applique pas si tous les épisodes de type maniaque ou hypomaniaque sont imputables à des substances ou aux effets physiologiques d’une autre pathologie médicale.

[7] L’OMS considère que les taux de suicide seraient fréquemment sous-estimés à hauteur de 10% et préconise de prendre en compte cette sous-estimation.

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